Le grand gâchis des politiques culturelles

Six ministres de la Culture en dix ans ! Peut-on faire subir aux arts, aux artistes et à notre patrimoine pire avanie ? L’ex-ministre Jean-Jacques Aillagon s’inquiète.

— Par Jean-Jacques Aillagon —

ministres_cultureLa République française consomme ses ministres de la Culture comme Henri VIII consommait ses épouses. Rien qu’au cours de la dernière décennie, ce sont six personnalités qui auront franchi le seuil de la Rue de Valois, dont trois pour le seul quinquennat, pas encore achevé, de François Hollande. Quelle volatilité ! Quelle fragilité ! Peut-être, aussi, quelle désinvolture à l’égard d’une fonction que la République, toutes tendances confondues, fait mine de révérer mais tient, de fait, en médiocre estime, comme si elle n’était, dans le fond, qu’un élément un peu obligé du décor politique. S’est-on interrogé sérieusement sur la possibilité de mettre en œuvre, dans de telles conditions, une véritable politique culturelle alors que celle-ci, comme toutes les politiques publiques, a besoin de perspectives et de temps pour atteindre de véritables résultats. Cela signifie-t-il que l’on n’attend plus rien d’effectif de ce ministère, sinon d’être une sorte de ministère des Relations publiques culturelles, un ministère pour cultiver de bonnes relations avec le « monde de la culture » dont on aime la compagnie et redoute les colères, un ministère pour préparer les comités de soutien des élections suivantes ?

Tout cela est bien décevant, et cela d’autant plus que l’action culturelle de l’État est aujourd’hui confrontée à des questions graves qui dépassent la seule appréciation des qualités personnelles, politiques ou techniques du ministre. À cet égard, chacun convient d’ailleurs qu’Audrey Azoulay est solidement pourvue de ces qualités, tout comme l’était Aurélie Filippetti. Mais est-ce là le cœur de la question ? Non. La question aujourd’hui est de savoir ce que la République attend de ce ministère, et quelles sont les missions qu’elle lui assigne pour qu’il contribue à réduire les fractures culturelles qui divisent si cruellement notre pays. C’est là qu’est l’enjeu ! C’est là qu’est le besoin !
Faut-il supprimer le ministère de la Culture ?

La mise en œuvre d’un tel projet supposerait sans doute que l’on accepte enfin de considérer qu’un ministère de la Culture n’est pas seulement un ministère des Arts, et qu’une vraie politique culturelle n’est possible que si, entre le ministère en charge de l’Éducation et celui en charge de la Culture, ont été établies une relation forte et une véritable communauté d’objectifs…

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