Le grand flou des notes à l’école

Un rapport de l’Éducation nationale dénonce «l’incohérence» du système et demande un «véritable cadrage national».

ecolier-2Les signaux envoyés depuis de longues années par l’Éducation nationale sur le thème de la notation auraient donc eu raison du principe même d’évaluation? Telle est la conclusion d’un rapport de l’inspection générale (pdf)*, qui fait état d’une «incohérence» et d’une «illisibilité» sur le terrain.

Développement sauvage d’évaluations alternatives avec une «diversité insoupçonnée de codes» (des notions d’«acquis» – «non acquis» aux lettres, en passant par les couleurs, les smileys…), problème de continuité sur le cursus scolaire, rupture au moment du collège… «Impossible de savoir ce que maîtrisent effectivement les élèves et de comparer les résultats d’une classe à l’autre, d’une école ou d’un établissement à l’autre», explique le rapport qui préconise de «repenser un véritable cadrage national».

« Impossible de savoir ce que maîtrisent effectivement les élèves et de comparer les résultats d’une classe à l’autre»
Extrait du rapport

Mais dans quel sens? C’est la grande question sur ce vaste et polémique sujet qui voit s’affronter deux idéologies. D’un côté, les défenseurs de la notation sur 20, au nom de la précision, de la justesse, de l’exigence ; de l’autre, le camp «pédagogiste» qui dénonce sa subjectivité (s’appuyant sur cette science de l’évaluation appelée «docimologie») et prône une évaluation dite «positive», par opposition à l’évaluation «sanction».

Au-delà des postures, quelles sont aujourd’hui les pratiques? Absente ou exceptionnelle en maternelle, présente dans moins d’une école sur trois en élémentaire, la notation chiffrée à l’école primaire est désormais un «épiphénomène», constate le rapport. Les notes ne deviennent régulières qu’à partir du CM1 et au CM2, afin de préparer l’entrée au collège où la notation reste de rigueur. Ce recours aux notes serait plus courant dans les secteurs urbains favorisés, preuve de la pression bien connue des parents sur ce sujet. Le rapport explique d’ailleurs que ces derniers aimeraient tout au moins être informés plutôt que de se trouver «confrontés à la décision des enseignants d’abandonner la notation chiffrée». De leur côté, les élèves en situation de réussite en redemandent, tandis que les écoliers en difficulté jugent le système «cassant».
La notion de «compétences», très en vogue

Dans ce «déclin confirmé» de la notation, le rapport perçoit le résultat de la «lente prise en compte des préconisations officielles, notamment celles de la circulaire du 6 janvier 1969». Dans un contexte post-soixante huitard, ce texte a supprimé les compositions (contrôle «sommatif» et final), les remplace par le contrôle continu et substitue à la notation sur 20 les lettres ABCDE. Vaine tentative puisque rapidement les lettres se sont trouvées agrémentées de + ou de -…

En définissant des «cycles» à l’école primaire, la loi Jospin de 1989 est allée également dans le sens d’un recul de la note. De même que la loi Fillon de 2005 qui a consacré la notion de «compétences» – très en vogue, modèle finlandais oblige -, qui s’accommode mal de la note. Le «socle de connaissances, de compétences et de culture» (que tout élève se doit de maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire) ainsi élaboré, s’est agrémenté du «livret personnel de compétences». Cette véritable usine à gaz, dont les enseignants ne se sont pas réellement saisis, était censée se substituer à la note, en optant pour les notions d’«acquis», «non acquis». En réalité, il s’est superposé aux notes, preuve d’une schizophrénie française sur le sujet.

La culture de la note chiffrée reste, elle, forte au collège. La démarche de «classe sans note» est «marginale», constate le rapport qui dénombre 2000 expérimentations de ce type en 2012 dans le second degré. Celles-ci concernent généralement une seule classe. Le rapport évoque des «démarches de tâtonnements», non pas «une démarche expérimentale au sens scientifique du terme». Il s’inquiète au passage de projets «conçus principalement comme une réponse au manque de travail des élèves, à leur manque de motivation».

« Il serait vain de trop attendre d’un système où la notation chiffrée aurait disparu  »
Rapport de l’inspection générale

«Il serait vain de trop attendre d’un système où la notation chiffrée aurait disparu», indique enfin le document de l’inspection générale, qui, loin de préconiser une suppression de la notation, en appelle à une réelle réflexion sur la façon d’enseigner et sur l’évaluation. Et sur ce point, il reste beaucoup à faire puisque «l’absence d’objectivité» semble s’être érigée en règle. «On ne sait pas ce qu’on évalue. Les niveaux de performances ne sont pas définis»… Un message que le conseil supérieur des programmes installé le 10 octobre par Vincent Peillon devra prendre en compte. Cette instance est appelée à repenser les contenus et l’évaluation des élèves.

* La notation et l’évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationales, daté de juillet, publié en octobre 2013.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/10/11/01016-20131011ARTFIG00558-le-grand-flou-des-notes-a-l-ecole.php