Le Covid-19 pénalise l’emploi des femmes

— Par Véronique Dupont (AFP) —

Licenciées ou contraintes de démissionner pour s’occuper de leurs enfants privés d’école, les femmes ont été frappées de manière disproportionnée par l’épidémie.

Elles perdent leur travail, démissionnent ou s’occupent plus des enfants privés d’école que les hommes: le choc économique massif de la pandémie de coronavirus a des allures de grand bond en arrière pour l’emploi des femmes. « Les femmes, à cause de leur surreprésentation dans le secteur des services, ont été frappées de manière disproportionnée par le Covid-19 », souligne C. Nicole Mason, directrice de l’Institute for Women’s Policy Research, un centre de réflexion américain. « Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les femmes ont plus de chances d’avoir perdu leur emploi que les hommes », qu’elles soient licenciées ou contraintes de démissionner pour s’occuper de leurs enfants privés d’école, renchérit Chris Rauh, professeur d’économie à l’université de Cambridge, interrogé par l’AFP.

Les mères confinées plus sollicitées que les pères

Elles sont plus présentes dans les emplois précaires ou les secteurs particulièrement frappés par les mesures de confinement instaurées pour lutter contre le coronavirus, comme la restauration, l’hôtellerie, l’événementiel, les salons de coiffure, etc. Même quand elles conservent leur emploi, les mères confinées se sont trouvées sollicitées plus que les hommes pour s’occuper des enfants et… des travaux ménagers, constate l’Institut pour les études budgétaires (IFS), un think tank britannique, dans une étude publiée la semaine dernière.

Sarah, qui travaille dans l’industrie du film à Londres, veille jusqu’à 1h du matin tous les jours pour tenir ses échéances quand son fils et sa fille sont au lit. Une journaliste d’un grand média britannique se lève, elle, à 5h30 tous les jours pour avancer son travail avant le lever des enfants.

« Je n’ai pas osé demander un aménagement de travail, je ne veux pas qu’on dise que je n’y arrive pas », admet Sarah.

Beaucoup de crèches en difficultés financières

C’est pire pour les parents isolés, comme Isabelle, qui veut elle aussi rester anonyme par peur pour son emploi: « Au début du confinement, c’était atroce », raconte cette Parisienne qui travaille dans l’industrie pharmaceutique.

« Je n’arrivais pas à m’organiser entre les visioconférences, l’école à distance, les repas, le ménage, à quelle heure arrêter de travailler le soir », ajoute-t-elle, racontant avoir vécu un vrai « marathon ».

Maintenant que l’activité redémarre, « pour mes directeurs, on reprend le travail exactement comme avant. Ils viennent d’une autre génération et ce n’est jamais eux qui ont géré les enfants. Ils ne comprennnent pas qu’on n’a pas eu la même expérience du confinement et que je suis exténuée ».

« Chez mes amies séparées, dans l’immense majorité, c’est toujours les mères qui se sont occupées des enfants pendant cette période. On est revenus à il y a cinquante ans », déplore Isabelle.

Le centre de réflexion sur l’égalité hommes-femmes Fawcett a écrit au Premier ministre Boris Johnson pour demander des aides aux crèches, dont beaucoup se sont trouvées en difficulté financière à cause du confinement, sans quoi « moins de femmes seront en mesure de retourner travailler ».

« Le peu de progrès qu’il y avait eu va être perdu »

Un groupe de scientifiques internationales de renom a même publié un coup de gueule la semaine dernière dans le Times of Higher Education pour dénoncer le « sexisme » et le retour du « patriarcat » auquel elles disent faire face depuis le début de la pandémie.

« Nous craignons que les progrès obtenus de haute lutte par les femmes dans la science ne fassent partie des dommages collatéraux de cette crise », avertissent-elles.

Elles s’en prennent aussi aux médias, accusés de ne solliciter que des hommes pour parler de l’épidémie, même peu qualifiés, aux dépends de vraies expertes. En avril, Elizabeth Hannon, rédactrice en chef adjointe du British Journal for the Philosophy of Science, s’est par ailleurs émue sur Twitter du nombre « négligeable de travaux reçus pour publication de la part de femmes le mois passé », affirmant n’avoir « jamais vu ça ». « On dirait que le peu de progrès qu’il y avait eu va être perdu », déplore Erika Kispeter, professeure à l’université de Warwick. Exemple: l’obligation de publier les écarts de salaires masculins et féminins pour les grandes entreprises a été suspendue en Grande-Bretagne à cause de la pandémie.

Rares points positifs: le télétravail s’est généralisé, et l’IFS souligne qu’il pourrait aider les carrières des mères … quand leurs enfants auront repris l’école. Et si les hommes en ont fait moins que les femmes, ils en font quand même plus qu’avant.

« Avec tout le monde à la maison, les hommes ont dû s’y mettre », remarque Erika Kispeter.

 

Source : LeTribune.fr