Le Bilan Désastreux d’Alfred Marie-Jeanne,

 — par Jean Crusol —

bilan « Le président sortant de la région Martinique, avec ce qui lui reste de zélateurs, sillonne la Martinique en répétant : « j’ai un bon bilan, je n’ai pas endetté la région, j’ai même des excédents, je mérite que l’on me confie une troisième fois la région » sous-entendu « en dépit de toutes mes turpitudes à la Dominique, à la Grenade et ailleurs ».

Il est grand temps de tordre le cou aux fausses vérités et aux âneries que le sortant prétend présenter comme des preuves de bonne gestion.

Comment il a cassé la croissance économique de la Martinique ;

Sous prétexte de résorber un hypothétique déficit – alors que les finances régionales étaient parfaitement saines- le sortant a passé les deux premiers budgets de 1998 et 1999, à désendetter massivement la région. 137 millions d’euros furent ainsi remboursés en deux ans. Ce qui prouve, au-delà du conservatisme et de l’incompétence du personnage, en matière financière et budgétaire, qu’il n’y avait pas de déficit régional ! En effet, comment une collectivité pourrait-elle rembourser en si peu de temps une somme aussi importante si elle n’avait pas une excellente situation financière ? Dans le même temps, il réduisait l’investissement régional de 10%, cassant la dynamique de croissance existant à cette époque. Le taux de croissance de la Martinique, s’effondrait de 3,6% en 1998, à 0,7% dès 2000. Et comme pendant la même période, le taux de croissance de la Guadeloupe passait de 3,4% en 1998 à 4,9 % en 2000, l’île sœur dépassait la Martinique, en termes de PIB, pour la première fois de son histoire. A ce jour, la situation n’a pas changé. Alors qu’en 1998, le PIB de la Martinique était de 5 milliards d’euros et celui de la Guadeloupe de 4,8 milliards. En 2008, le PIB Guadeloupéen avait atteint 7,8 milliards d’euros et celui de la Martinique 7,6 milliards !

Politique clientéliste.

Au cours de ses deux mandatures, il mit la Région sous anesthésie générale, en pratiquant une politique basée sur des principes d’un archaïsme inouï : ne pas emprunter, et donc, maintenir l’investissement régional au niveau le plus bas ; refuser de travailler dans un esprit coopératif avec l’Etat ; n’accompagner les projets d’autres collectivités qu’en échange d’une contrepartie politique (tel que le vote à main levée en faveur de l’article 74 !) ; intimider par la menace tous ceux qui osent critiquer sa politique et proposer une alternative. Et de surcroit, tout en dénonçant à cris d’orfraie ce qu’il appelle l’assistanat, il n’hésita pas à acheter la conscience des électeurs grâce à l’aide aux associations, à l’organisation de fêtes et de jeux fastueux, et à l’aide sociale individuelle aux personnes. A cet effet, il créa dès 1999, une ligne spéciale d’« aide sociale » au sein du budget du Conseil Régional, une institution dont la mission à l’origine est pourtant d’impulser le développement économique. Ainsi peut-on constater que le cumul dépenses réalisées en fonctionnement et investissement sur la ligne budgétaire « santé et action sociale » sont passées de 13,2 millions d’euros en 2006 à 26,5millions d’euros en 2007, année précédant les élections municipales pour retomber à 12,9 millions en 2008. A quoi a bien pu servir cet accroissement brutal des aides sociales si ce n’est à acheter la conscience d’électeurs ? Sur le terrain, on a vu la méthode à l’œuvre dans les communes de Sainte Luce, Rivière-Salée, Trois-Îlets, Saint-Esprit. Dans les permanences rutilantes où était installé le candidat du MIM, les électeurs pouvaient remettre leurs demandes d’aide au candidat qui s’engageait à les acheminer aux services de la région. A l’approche du scrutin, ils étaient informés par le candidat lui-même, personnellement, des sommes qui leur avaient été attribuées. Et c’est une question posée en plénière par notre regrettée Christiane Dorléans, concernant cette opération clientéliste qui déclencha la colère hystérique du sortant, dont le visage grimaçant et les lèvres tremblantes, sont restés à ce jour dans toutes les mémoires.

Autoritarisme et incapacité de développer.

A l’instar de ces dictateurs tropicaux dont l’histoire de la Caraïbe regorge d’exemples -Trujillo en République Dominicaine, Batista à Cuba, Duvalier en Haïti ou Eric Gairy à la Grenade- le sortant ne conçoit la gouvernance que centralisée, personnalisée, despotique. Toute décision ne peut être prise que par lui et selon son bon vouloir. Toute relation ne peut-être que de domination de sa part et de soumission pour les autres. Les idées de collaboration, de coopération, de délégation de responsabilité… ne font pas partie de son univers mental. Mais, comme dans le monde complexe et changeant d’aujourd’hui personne ne peut tout savoir, tout décider, ni tout faire, cette conception archaïque de la gouvernance se traduit par une incapacité à réaliser le moindre projet d’envergure.

Une incapacité même d’utiliser de manière complète et satisfaisante les crédits mis à la disposition de la région.

Loin de constituer la preuve d’une bonne gestion, les excédents budgétaires exhibés par le sortant ne sont que les conséquences négatives d’une politique faite d’autoritarisme, de clientélisme et de démagogie. Ils se sont d’abord accrus de 20 millions d’euros en 2000, à 55 millions en 2002, 67 millions en 2007. Puis, avec la crise ils sont tombés à 28 millions en 2008. Ils correspondent à une stérilisation sans précédent des moyens financiers des contribuables martiniquais et à la mise à la disposition de l’État, que par ailleurs le sortant exècre, d’une abondante trésorerie dont ce dernier fait ses choux gras. D’autre part, cette politique s’est traduite par une diminution régulière de la part des dépenses d’investissement par rapport au fonctionnement, dans le budget régional : de 63,3% en 1999, elle est passée à 59,6% en 2002, et 49% en 2006. En 2008, l’investissement régional n’est plus que de 46,5 %, ce qui confère à la Martinique la sombre distinction d’être parmi les régions d’Outre-mer, la seule dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à celles d’investissement. En 2008, à la Guadeloupe, les dépenses d’investissement représentaient 53,4% du budget et à la Réunion 68,4%. A la même date, exprimées par tête d’habitant, les dépenses d’équipement brut s’élevaient à 207 € à la Martinique tandis qu’en Guadeloupe elles étaient de 249 € et à la Réunion de 503€. Mais sur le période 2005-2008, les dépenses de fonctionnement par tête d’habitant de la région Martinique s’accroissaient de 25%. Et, cerise sur le gâteau, parmi les dépenses de fonctionnement, celles consacrées aux « Fêtes et Cérémonies » passaient de 100 000 à 1 438 811,49 € entre 1998 et 2008. Une augmentation de 1400 % en dix ans. Panem et circenses, du pain et des jeux, telle est la devise du maître de plateau Roy !

Un conservatisme économique irresponsable.

Alors notre béotien régional de la technique financière nous dira : « je n’investi pas, mais je n’ai pas de dette ». Et en effet, le taux d’endettement de région Martinique est de 0,0% en 2008. Un comportement parfaitement irresponsable dans un pays où le taux de chômage atteint le quart de la population active, au milieu d’une crise locale qui le plonge dans la plus grave récession de son histoire, et face à une crise financière mondiale qui conduit les théoriciens les plus libéraux et les responsables politiques les plus conservateurs à pratiquer des taux de déficit budgétaire et d’endettement public qu’ils auraient eux-mêmes qualifiés de scandaleux, il y a peu. Dans le vaste monde où nous vivons, la Martinique est certainement le seul endroit où un président de collectivité publique dont le rôle est d’impulser le développement économique peut prononcer une telle phrase sans provoquer l’hilarité générale. Car point n’est besoin d’être grand économiste pour savoir que seul l’investissement public, financer par l’emprunt, permet de relancer l’activité économique et que ce faisant, il accroît les recettes fiscales, fournissant ainsi les moyens nécessaires pour rembourser l’emprunt. Les présidents des conseils régionaux de la Guadeloupe et de la Réunion l’ont compris depuis longtemps. En 2008, alors qu’à la Martinique, le remboursement de la dette était égal à 0,0 € il était de 24,8 millions en Guadeloupe et 23,5 millions à la Réunion. Mais ces deux régions s’en acquittaient sans difficulté puisque la Guadeloupe dégageait une épargne nette de 63 millions € après acquittement de sa dette, et la Réunion, 168 millions, contre 71 millions pour la Martinique.

Le sortant n’a vraiment pas de quoi pavoiser en matière de bilan. Et nous aurons l’occasion d’en reparler dans les temps qui viennent. »

Jean CRUSOL, 1er mars 2010