L’aménagement et la didactique du créole dans les « Documents scientifiques créoles » du MIT Haiti Initiative

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). » (« Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74).

Les deux articles que nous avons récemment publiés en Haïti dans Le National, « La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette » (28 mars 2023) et «Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires» (4 avril 2023), ont retenu l’attention de nombreux enseignants et linguistes. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que ces articles mettent amplement en lumière le dispositif de la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires créoles, ils identifient les ouvrages lexicographiques créoles élaborés selon ce dispositif et ils exposent les lourdes lacunes des lexiques et des dictionnaires créoles fabriqués en dehors de la lexicographie professionnelle. L’examen critique des lexiques et des dictionnaires créoles lourdement déficients a été conduit selon les critères normés de la lexicographie professionnelle, et les lecteurs de nos deux articles ont pu constater que, sur le registre de la « lexicographie borlette », le champion toutes catégories du naufrage de la lexicographie créole est le fantaisiste et erratique « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir notre article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, 15 février 2022).

Dans l’article « La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette » (28 mars 2023), nous avons précisé que

la direction du MIT – Haiti Initiative, dans un document daté du 1er décembre 2021 conservé dans nos archives, prétend que « Nou gen yon ekip solid ki maton nan pwodiksyon dokiman syantifik an kreyòl ». À la rubrique « Ressources », le site du MIT Haiti Initiative énumère 4 de ces documents-guides, des « dokiman syantifik an kreyòl » également présentés comme des « fiches de travail » : « GeoGebra in kreyòl », « Mathlets in Kreyòl », « PhETs in Kreyòl » et « Star in Kreyòl ». La présentation générale de ces « dokiman syantifik an kreyòl » offre-t-elle des informations permettant de savoir s’ils ont été produits et/ou encadrés par des didacticiens du créole ou par des traducteurs scientifiques vers le créole ayant auparavant élaboré du matériel pédagogique ou didactique en créole ? La présentation générale de ces « dokiman syantifik an kreyòl » permet-elle de savoir si de tels documents ont été validés, à toutes les étapes de leur fabrication, par des enseignants créolophones et, en particulier, par des didacticiens du créole ? Quels enseignements tirer du constat que tous nos interlocuteurs, enseignants oeuvrant en Haïti et auxquels nous avons soumis ces « dokiman syantifik an kreyòl », n’ont pas une seule fois retracé ces documents dans les écoles haïtiennes… ?

L’examen attentif et objectif de ces « dokiman syantifik an kreyòl » s’est avéré nécessaire pour plusieurs raisons.

PREMIER ÉCLAIRAGE ANALYTIQUE : soumettre à l’analyse l’hypothèse de l’existence présumée, depuis 2015, d’un « nouveau vocabulaire scientifique » créole utilisé dans ces « dokiman syantifik an kreyòl ». Cela est d’autant plus pertinent que l’élaboration du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » est formellement présentée, sur le site Internet du MIT – Haiti Initiative –au chapitre « Kreyòl-English glosses for creating and translating materials in Science, Technology, Engineering & Mathematics (STEM) fields in the MIT-Haiti Initiative »–, dans les termes suivants : « (…)  l’un des effets secondaires positifs des activités du MIT-Haïti (ateliers sur les STEM, production de matériel en kreyòl de haute qualité, etc.) est que nous enrichissons la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants. Ces activités contribuent au développement lexical de la langue » créole ».

DEUXIÈME ÉCLAIRAGE ANALYTIQUE : soumettre à l’analyse l’hypothèse que le MIT Haiti Initiative aurait effectivement élaboré, depuis 2015, des « dokiman syantifik AN KREYÒL » en vue de l’enseignement en langue maternelle créole des sciences et des techniques. Il est donc nécessaire d’établir si, à l’analyse, il est attesté que ces présumés « dokiman syantifik » ont été élaborés AN KREYÒL dans le but de fournir aux enseignants créolophones des outils scientifiques AN KREYÒL leur permettant d’assurer AN KREYÒL la transmission des savoirs et des connaissances dans les écoles haïtiennes.

TROISIÈME ÉCLAIRAGE ANALYTIQUE : soumettre à l’analyse l’hypothèse que le MIT Haiti Initiative aurait, en amont de la production de ces « dokiman syantifik an kreyòl », explicitement identifié les destinataires de tels documents, à savoir les enseignants et les élèves de langue maternelle créole. L’identification des destinataires de ces documents est une donnée essentielle pour configurer une didactique créole spécifique, clairement énoncée, et qui aurait servi de cadre de modélisation des présumés « dokiman syantifik an kreyòl ». Les sources combinées du ministère de l’Éducation nationale et des agences de coopération internationale consignent qu’en 2020 Haïti comptait 17 828 écoles, dont 56% en milieu rural et 44% en milieu urbain ; 88% de ces établissements appartenaient au secteur privé contre seulement 12% d’établissements publics. Les écoles haïtiennes accueillaient en 2020 environ 2 210 221 élèves, dont 1 090 027 filles, et le nombre d’enseignants s’élevait pour la même époque à 88 227.

  1. Le « nouveau vocabulaire scientifique » créole bricolé et promu par le MIT Haiti Initiative est, sur le plan de la lexicographie professionnelle, une véritable « arnaque lexicographique »

Tel qu’il est rigoureusement démontré dans notre diagnostic analytique, « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », (Le National, 15 février 2022),  le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » a été élaboré en dehors des normes méthodologiques de la lexicographie professionnelle. Le caractère fantasque, fantaisiste et erratique de la plupart des équivalents « créoles » de ce pseudo « nouveau vocabulaire scientifique » est immédiatement identifiable par n’importe quel locuteur créolophone : en nombre élevé ces équivalents sont a-sémantiques, non conformes au système morphosyntaxique du créole et non-intelligibles pour un locuteur créolophone. En voici une illustration.

Tableau 1 / Échantillon de pseudo équivalents « créoles » provenant du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative »

Termes anglais

Équivalents « créoles** » « Glossary » du MIT-Haiti Initiative

air resistance

rezistans lè [1,3,4]

air track

pis kout lè // pis ayere [1,2,3,4]

and replica plate on

epi plak pou replik sou [1,2,3,4]

escape velocity

vitès chape poul [1,3,4]

multiple regression analysis

analiz pou yon makonnay regresyon [1,2,3,4]

center of mass

sant mas yo [1,2,3,4]

checkbox

bwat tchèk [1,2,3,4]

flux meter

flimèt [1,3,4]

line integral

 entegral sou liy [1,2,3,4]

how many more matings would you like to perform ?

konbyen kwazman ou vle reyalize ? [1,4]

amped vibration

vibrasyon amòti [1, 3, 4]

flower pod position

pozisyon flè ak gous 1, 3, 4]

football trajectory

trajektwa yon balon foutbòl ameriken 1, 3]

gravitational blueshift

dekalaj gravitasyonèl ble [1, 2, 3]

junction rule

jonksyon [lwa kalfou] [1,3]

)relativistic transformation

transfòmasyon an relativite [1,2,3]

** Remarques analytiques sur les équivalents « créoles » : 1 = équivalent faux et/ou fantaisiste et/ou qui ne constitue pas une unité lexicale ; 2 = équivalent non conforme à la syntaxe du créole ; 3 = équivalent présentant une totale opacité sémantique ; 4 = équivalent dont la catégorie lexicale n’est pas précisée. Cet échantillon illustre bien l’absence du critère de l’exactitude de l’équivalence lexicale conjoint à celui de l’équivalence notionnelle, critère majeur placé au centre de toute démarche lexicographique et terminologique rigoureuse. Les rédacteurs-bricoleurs du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative accréditent un pseudo « modèle » lexicographique qui à l’analyse se révèle être un « modèle » essentiellement amateur, erratique, fantaisiste et pré-scientifique de type Wikipedia, qui ne respecte pas le protocole méthodologique de la lexicographie professionnelle. Le pseudo « modèle » lexicographique du MIT Haiti Initiative, qui se révèle à l’analyse la plus rigoureuse être essentiellement une « lexicographie borlette », appauvrit considérablement la créolistique.

En ce qui a trait au premier éclairage analytique mentionné plus haut, et en particulier sur le registre des « dokiman syantifik an kreyòl », il ressort de note analyse que les pseudo équivalents « créoles » du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » n’ont pu en aucun cas contribuer à la production de documents scientifiques EN CRÉOLE. Cela sera confirmé par l’examen de leur absence dans les présumés « dokiman syantifik an kreyòl » du MIT Haiti Initiative.

  1. Les « GeoGebra in kreyòl », « Mathlets in Kreyòl », « PhETs in Kreyòl » et « Star in Kreyòl » du MIT Haiti Initiative sont-ils véritablement des « dokiman syantifik AN KREYÒL » ?

En lien avec le deuxième éclairage analytique évoqué plus haut, il s’agit de répondre par l’analyse à une question d’une évidente simplicité : cette série de documents élaborés par le MIT Haiti Initiative rassemble-t-elle véritablement des « dokiman syantifik AN KREYÒL » ? Ou sont-ils en réalité des documents élaborés uniquement EN ANGLAIS mais fallacieusement et frauduleusement étiquetés « dokiman syantifik AN KREYÒL » ? Voici ce que l’on observe sur le site du MIT Haiti Initiative : la rubrique « Ressources » comprend 4 « Outils », et il est fort instructif de reproduire fidèlement leur présentation telle qu’elle apparaît —en anglais uniquement, on l’aura noté, ce qui signifie que ces 4 « Outils » ne s’adressent pas à des créolophones. L’utilisation unilatérale de l’anglais n’est pas fortuite, elle est certainement indispensable à la formulation de grasses demandes de financement auprès des institutions américaines au motif de la production alléguée de ces « dokiman syantifik AN KREYÒL » dont on ne trouve aucune trace dans les écoles haïtiennes… Sur le site du MIT Haiti Initiative , l’éthique scientifique n’est pas de mise dans une telle approche, et il ne faut pas perdre de vue que dans l’univers idéologique clivant et compulsif de plusieurs Ayatollahs du créole, leur catégorisation révisionniste de « gwojemoni » et de « sentòm gwojemoni neyo kolonyal », réservée uniquement à la langue française, ne doit surtout pas s’appliquer à l’anglais, la langue dans laquelle se déploie la domination impériale des États-Unis en Haïti depuis l’Occupation américaine d’Haïti de 1915…

    1. Présentation du « GeoGebra in kreyòl » sur le site du MIT Haiti Initiative 

« GeoGebra in Kreyòl

Algebra and Geometry.

GeoGebra facilitates the creation of mathematical constructions and models by students, for learning and teaching at all levels of education. It allows interactive explorations by dragging objects and changing parameters, joining interactive 2D and 3D geometry, algebra, tables, graphing, calculus, and statistics. GeoGebra is also an authoring tool for teachers to create interactive worksheets, and it is Open Source software, freely available from geogebra.org. »

La traduction française de cette présentation se lit comme suit :

« GeoGebra en kreyòl.

Algèbre et géométrie.

GeoGebra facilite la création de constructions et de modèles mathématiques par les étudiants, pour l’apprentissage et l’enseignement à tous les niveaux de l’éducation. Il permet des explorations interactives en faisant glisser des objets et en changeant des paramètres, en joignant la géométrie interactive 2D et 3D, l’algèbre, les tableaux, les graphiques, le calcul et les statistiques. GeoGebra est également un outil de création de fiches de travail interactives pour les enseignants. Il s’agit d’un logiciel Open Source, disponible gratuitement sur geogebra.org. » [Traduction de RBO]

OBSERVATION MÉTHODOLOGIQUE MAJEURE : sur le le site du MIT Haiti Initiative , nous n’avons retracé aucune présentation EN CRÉOLE du « GeoGebra in kreyòl ». L’observation exemplifie la réalité qu’il n’existe aucun guide méthodologique, aucun énoncé d’orientation pédagogique, aucune référence documentaire RÉDIGÉS EN CRÉOLE dans le « GeoGebra in kreyòl ». L’énoncé selon lequel « GeoGebra est également un outil de création de fiches de travail interactives pour les enseignants » est donc essentiellement frauduleux et il relève de l’arnaque scientifique. Dans le « GeoGebra in kreyòl », frauduleusement présenté comme un « dokiman syantifik AN KREYÒL », nous n’avons retracé aucun des pseudos équivalents « créoles » bricolés dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » et par lesquels le MIT Haiti Initiative prétend pourtant « [enrichir] la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants » tout en contribuant au « développement lexical de la langue » créole ».

Présentation du « Mathlets in Kreyòl », sur le site du MIT Haiti Initiative 

« Mathlets in Kreyòl

Enhance selected university level STEM classes.
Here you will find a suite of dynamic Javascript “Mathlets” in Kreyòl, for use in learning about differential equations and other mathematical subjects, along with examples of how to use them in homework, group work, or lecture demonstration, and some of the underlying theory. There are also voice-over animated demos. »

La traduction française de cette présentation se lit comme suit :

« Mathlets en kreyòl

Améliorez certains cours de STEM au niveau universitaire.

Vous trouverez ici une série de « Mathlets » Javascript dynamiques en kreyòl, à utiliser pour l’apprentissage des équations différentielles et d’autres sujets mathématiques, ainsi que des exemples d’utilisation dans le cadre de devoirs, de travaux de groupe ou de démonstrations de cours, et une partie de la théorie sous-jacente. Il existe également des démonstrations animées en voix off. » [Traduction de RBO]

OBSERVATION MÉTHODOLOGIQUE MAJEURE : sur le le site du MIT Haiti Initiative , nous n’avons retracé aucune présentation EN CRÉOLE du « Mathlets in Kreyòl ». L’observation exemplifie la réalité qu’il n’existe aucun guide méthodologique, aucun énoncé d’orientation pédagogique, aucune référence documentaire RÉDIGÉS EN CRÉOLE dans le « Mathlets in Kreyòl ». L’énoncé selon lequel « GeoGebra est également un outil de création de fiches de travail interactives pour les enseignants » est donc essentiellement frauduleux et il relève de l’arnaque scientifique. Dans le « Mathlets in Kreyòl », frauduleusement présenté comme un « dokiman syantifik AN KREYÒL », nous n’avons retracé aucun des pseudos équivalents « créoles » bricolés dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » et par lesquels le MIT Haiti Initiative prétend pourtant « [enrichir] la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants » tout en contribuant au « développement lexical de la langue » créole ».

    1. Présentation du « PhETs in Kreyòl », sur le site du MIT Haiti Initiative 

« PhETs in Kreyòl

Science and mathematics simulations.
PhETs are interactive research-based science and mathematics simulations. They are tested and evaluated for educational effectiveness, which includes student interviews and observation of simulation use in classrooms. PhETs are written in Java, Flash, or HTML5, and can be run online or downloaded to your computer. All simulations are open source, and they are free to all students and teachers. »

La traduction française de cette présentation se lit comme suit :

« PhETs en kreyòl

Simulations scientifiques et mathématiques.

Les PhET sont des simulations interactives de sciences et de mathématiques basées sur la recherche. Elles sont testées et évaluées pour leur efficacité pédagogique, ce qui inclut des entretiens avec les élèves et l’observation de l’utilisation des simulations dans les salles de classe. Les PhET sont écrites en Java, Flash ou HTML5 et peuvent être exécutées en ligne ou téléchargées sur votre ordinateur. Toutes les simulations sont open source et sont gratuites pour tous les étudiants et enseignants. » [Traduction de RBO]

OBSERVATION MÉTHODOLOGIQUE MAJEURE : sur le le site du MIT Haiti Initiative , nous n’avons retracé aucune présentation EN CRÉOLE du « PhETs in Kreyòl ». L’observation exemplifie la réalité qu’il n’existe aucun guide méthodologique, aucun énoncé d’orientation pédagogique, aucune référence documentaire RÉDIGÉS EN CRÉOLE dans le « PhETs in Kreyòl ». L’énoncé selon lequel « GeoGebra est également un outil de création de fiches de travail interactives pour les enseignants » est donc essentiellement frauduleux et il relève de l’arnaque scientifique. Dans le « PhETs in Kreyòl », frauduleusement présenté comme un « dokiman syantifik AN KREYÒL », nous n’avons retracé aucun des pseudos équivalents « créoles » bricolés dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » et par lesquels le MIT Haiti Initiative prétend pourtant « [enrichir] la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants » tout en contribuant au « développement lexical de la langue » créole ».

    1. Présentation du « Star in Kreyòl » sur le site du MIT Haiti Initiative 

« Star in Kreyòl

Research concepts in genetics and biochemistry.
Star tools allow teachers to quickly demonstrate and apply research methods in the classroom setting. Students are able to study proteins and experiment with genetic variations without advanced equipment and facilities. STAR tools enhance the exploration of core research concepts in genetics and biochemistry ».

La traduction française de cette présentation se lit comme suit :

« Les outils Star en kreyòl

Recherche de concepts en génétique et biochimie.

Les outils Star permettent aux enseignants de démontrer et d’appliquer rapidement des méthodes de recherche en classe. Les élèves sont en mesure d’étudier les protéines et d’expérimenter les variations génétiques sans équipement ni installations avancées. Les outils STAR facilitent l’exploration des concepts fondamentaux de la recherche en génétique et en biochimie ». [Traduction de RBO]

OBSERVATION MÉTHODOLOGIQUE MAJEURE : sur le le site du MIT Haiti Initiative , nous n’avons retracé aucune présentation EN CRÉOLE du « Star in Kreyòl ». L’observation exemplifie la réalité qu’il n’existe aucun guide méthodologique, aucun énoncé d’orientation pédagogique, aucune référence documentaire RÉDIGÉS EN CRÉOLE dans le « Star in Kreyòl ». L’énoncé selon lequel « GeoGebra est également un outil de création de fiches de travail interactives pour les enseignants » est donc essentiellement frauduleux et il relève de l’arnaque scientifique. Dans le « Star in Kreyòl », frauduleusement présenté comme un « dokiman syantifik AN KREYÒL », nous n’avons retracé aucun des pseudos équivalents « créoles » bricolés dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » et par lesquels le MIT Haiti Initiative prétend pourtant « [enrichir] la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants » tout en contribuant au « développement lexical de la langue » créole ».

  1. De « l’arnaque lexicographique » à la fraude scientifique, le naufrage prévisible de l’unilatéralisme créolophile au MIT – Haiti Initiative

Tel que précisé au début de cet article, le MIT – Haiti Initiative, dans un document daté du 1er décembre 2021 conservé dans nos archives, prétend que « Nou gen yon ekip solid ki maton nan pwodiksyon dokiman syantifik an kreyòl ». Cette équipe, « solid » et « maton », a produit les documents que nous avons inventoriés, « GeoGebra in kreyòl », « Mathlets in Kreyòl », « PhETs in Kreyòl » et « Star in Kreyòl ». L’examen attentif de ces « dokiman syantifik an kreyòl » atteste que :

  1. les « dokiman syantifik AN KREYÒL » annoncés par le MIT Haiti Initiative sont des DOCUMENTS UNILINGUES ANGLAIS. Tels qu’ils ont été conçus par des « experts » qui ne disposent d’aucune compétence connue en didactique créole, ils ne s’adressent pas à des destinataires explicitement identifiés, à savoir les enseignants et les élèves unilingues créoles qui, de surcroît, ne sont pas au préalable détenteurs d’une véritable maîtrise de l’anglais scientifique.

  1. Sur le plan lexicographique, les « dokiman syantifik AN KREYÒL » présentés comme des « outils d’apprentissage actif » ne font pas appel au pseudo « nouveau vocabulaire scientifique » créole que le MIT Haiti Initiative prétend avoir élaboré. Ces présumés « dokiman syantifik » n’ont donc pas été élaborés dans le but de fournir aux enseignants créolophones des outils scientifiques AN KREYÒL leur permettant d’assurer AN KREYÒL la transmission des savoirs et des connaissances dans les écoles haïtiennes.

  1. RÉDIGÉS UNIQUEMENT EN ANGLAIS, les 4 « dokiman syantifik » rassemblés sur le site du MIT Haiti Initiative ne peuvent en aucun cas être utiles à l’élaboration d’une compétente didactique du créole et encore moins à l’indispensable didactisation du créole.

  1. Notre présentation analytique des « GeoGebra in kreyòl », « Mathlets in Kreyòl », « PhETs in Kreyòl » et « Star in Kreyòl » éclaire la réalité qu’aucun linguiste haïtien, aucun didacticien, aucun rédacteur de manuels scolaires en créole, de 2015 à 2023, n’a formellement recommandé l’utilisation des « dokiman syantifik AN KREYÒL » du MIT Haiti Initiative pour l’enseignement en créole des sciences et des techniques. En Haïti, nos interlocuteurs, enseignants et linguistes, n’ont à aucun moment retracé ces « dokiman syantifik AN KREYÒL » dans les écoles haïtiennes.

  1. Il est hautement improbable et certainement affabulatoire de faire croire que l’équipe « solid » et « maton » ayant rédigé les 4 présumés « dokiman syantifik » soit composée de spécialistes « maton », habiles experts en rédaction scientifique et technique créole ou experts en traduction scientifique et technique créole ou experts en terminologie scientifique et technique créole. Ces qualifications –rédaction, traduction, terminologie créole–, n’apparaissent pas dans la présentation de chacun des 4 « dokiman syantifik AN KREYÒL » du MIT Haiti Initiative. Le site Web du MIT Haiti Initiative ne présente aucun document de nature scientifique et entièrement rédigé AN KREYÒL par l’un ou l’autre des spécialistes « maton », habiles experts en rédaction, traduction, terminologie créole exemplifiant et légitimant leur capacité à produire des « dokiman syantifik AN KREYÒL ».

  1. Sur le registre précis de la qualification en didactique créole, le site Web du MIT Haiti Initiative est entièrement muet, et cela s’explique aisément puisque la littérature scientifique accessible n’a à aucun moment enregistré des « dokiman syantifik AN KREYÒL » produits par ces spécialistes « maton », habiles experts, au cours des quarante dernières années. Là encore nous sommes en présence d’une fraude scientifique à la fois évidente et masquée, qui décrédibilise entièrement ce qui est présenté comme étant la production de « dokiman syantifik AN KREYÒL ».

  1. Sur le registre précis du contenu et en ce qui a trait aux documents regroupés sous « GeoGebra in kreyòl », l’information consignée sur le site du MIT Haiti Initiative se lit comme suit :

–« MIT-Haiti Worksheets » [Fiches de travail MIT-Haïti]

–Auteur : Jeremy Orloff

–« A set of worksheets from MIT-Haiti Initiative workshops. Most of these worksheets are adaptations of worksheets created by Judah Schwartz. » [Un ensemble de fiches de travail issues des ateliers de l’Initiative MIT-Haïti. La plupart de ces fiches sont des adaptations de fiches créées par Judah Schwartz.]

REMARQUE MÉTHODOLOGIQUE relative à « GeoGebra in kreyòl » : Ces « fiches de travail », qui sont toutes rédigées EN ANGLAIS –et non pas AN KREYÒL–, sont accompagnées de graphiques illustratifs et elles s’intitulent « Euler’s line, Point in an equilateral triangle, Beyond the median, Ants walking around a triangle, Quadrilateral with inscribed circle,  Yin Yang Yin, Sum of circle areas, Three tangent circles with spreadsheet, Two planets & a sun – a digital triptych, Burning tent on an elliptical island, An interesting function on the space of,  The three roots of a cubic function, Rational functions & asymptotic behavior ». Les « ateliers de l’Initiative MIT-Haïti » mentionnés sur le site pour présenter le « GeoGebra in kreyòl » ont donc été tenus EN ANGLAIS, les « fiches de travail » résultant de ces ateliers sont rédigées EN ANGLAIS, mais le MIT Haiti Initiative les présente frauduleusement comme étant des « dokiman syantifik AN KREYÒL ». Sur les plans pédagogique et didactique, le MIT Haiti Initiative –qui proclame à tout vent que l’on ne doit scolariser les jeunes apprenants haïtiens qu’en langue maternelle créole,– leur réserve en réalité du matériel d’apprentissage RÉDIGÉ EXCLUSIVEMENT EN ANGLAIS, matériel qui est, il fut encore le souligner, présenté comme étant des « dokiman syantifik AN KREYÒL ».

Membre du Experimental Study Group au MIT, Jeremy Orloff a étudié les mathématiques à Brown et au MIT. Il a rédigé sa thèse de doctorat sous la direction de Sigurdur Helgason sur l’analyse harmonique dans les espaces symétriques. Son profil académique ne comprend aucune indication, aucune référence en rédaction, traduction ou terminologie créole. Malgré cela, il est l’auteur de l’un des 4 « dokiman syantifik AN KREYÒL » du MIT Haiti Initiative.

Notre article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Le National, 15 février 2022), a amplement et rigoureusement démontré qu’il y a une véritable « arnaque lexicographique » à tous les étages du médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », qui est malgré cela adoubé par le Département de linguistique du MIT et la Linguistic Society of America. L’examen des 4 « dokiman syantifik AN KREYÒL » du MIT Haiti Initiative montre bien qu’en dépit de leur appellation, ces documents sur le plan de leur contenu pédagogique rédigé non pas en créole mais exclusivement en anglais–, évacuent totalement la dimension didactique de l’apprentissage en créole des savoirs et des connaissances. Ils ne peuvent donc en aucun cas être mis à contribution pour élaborer une compétente didactique du créole ni pour procéder à sa didactisation. Cet examen éclaire également la réalité qu’avec ces 4 « dokiman syantifik AN KREYÒL » nous sommes en présence d’une évidente fraude scientifique tel que synthétisé précédemment aux paragraphes 1 à 7. Une telle fraude scientifique interpelle l’ensemble des linguistes et des enseignants qui travaillent à l’aménagement du créole : l’éthique scientifique, une fois de plus, n’est toujours pas une exigence de premier plan au MIT Haiti Initiative.

Réfléchir rigoureusement à la problématique linguistique haïtienne ne consiste pas à claironner naïvement et aventureusement que « Le créole joue dans la cour des grands » (Le Nouvelliste, 12 octobre 2012) : ce n’est ni la mission ni l’enjeu principal de la créolistique et certainement pas l’objectif central de l’aménagement du créole. Nous avons démontré, dans nos 17 articles consacrés à la lexicographie créole, que parmi les véritables enjeux de l’aménagement du créole plusieurs ruptures épistémologiques devront être effectuées : rupture avec l’amateurisme, rupture avec l’ignorance volontaire de la méthodologie de la lexicographie professionnelle, rupture avec la « lexicographie borlette » y compris lorsqu’elle se pare frauduleusement de la « notoriété scientifique » du MIT et de la Linguistic Society of America, rupture avec le déni d’éthique scientifique qui autorise l’« arnaque lexicographique » et la promotion fallacieuse de pseudo « dokiman syantifik AN KREYÒL », rupture avec l’élaboration et la diffusion de lexiques et de vocabulaires lourdement déficients sur le plan scientifique (l’exemple le plus éclairant est le médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative »), rupture avec les faux-semblants et les mirages de l’« idéologie linguistique haïtienne » qui tourne le dos aux sciences du langage au profit du catéchisme itératif, sectaire et dogmatique de l’unilatéralisme créolophile opposé à la Constitution haïtienne de 1987.

En finale de conclusion il est impératif de rappeler la « Recommandation concernant la science et les chercheurs scientifiques » de l’UNESCO (Actes de la Conférence générale, 39e session, Paris, 30 octobre-14 novembre 2017) :

« La Recommandation de l’UNESCO concernant la science et les chercheurs scientifiques est un instrument normatif important qui non seulement codifie les objectifs et les systèmes de valeurs par lesquels la science fonctionne, mais souligne également que ceux-ci doivent être soutenus et protégés pour que la science se développe.

La Recommandation a été adoptée le 13 novembre 2017. Elle se substitue à la Recommandation concernant la condition des chercheurs scientifiques (1974). La 39e Conférence générale, par sa résolution 85, a considérablement élargi le champ d’application de l’ancienne recommandation et a ajouté une procédure de suivi quadriennale invitant les États membres à axer leur mise en œuvre sur « 10 domaines essentiels » lorsqu’ils feront rapport sur la mise en œuvre au deuxième trimestre 2021. »

Cette Recommandation appelle à renforcer « la culture scientifique, la confiance et le soutien du public en faveur des sciences au sein de la société, en particulier au travers d’un débat démocratique vigoureux et éclairé sur la production et l’utilisation du savoir scientifique et d’un dialogue entre la communauté scientifique et la société (…)

« Dans toute la mesure compatible avec l’indépendance nécessaire et appropriée dont doivent jouir les éducateurs et les institutions éducatives, les États membres devraient apporter leur soutien à toutes les initiatives éducatives destinées à : (c) incorporer ou développer les dimensions éthiques de la science et de la recherche dans les programmes et dans les cours de chaque domaine (…) [et aussi à] « mettre au point et appliquer des techniques éducatives de nature à susciter et stimuler des qualités et attitudes d’esprit personnelles telles que : (i) la méthode scientifique ; (ii) l’intégrité intellectuelle, la vigilance à l’égard des conflits d’intérêts et le respect des principes éthiques en matière de recherche (…) ». (Source : UNESDOC, Bibliothèque numérique de l’UNESCO.)

Montréal, le 17 avril 2023