L’aménagement du créole dans l’École haïtienne, entre mutité et cécité

Le ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne, entre mutité et cécité

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Montréal, le 28 mai 2025

De gauche à droite : Sterline Civil, nouvelle directrice du Fonds national de l’Éducation (FNE) ; Augustin Antoine, ministre de l’Éducation nationale ; Didier Fils-Aimé, Premier ministre ; Fritz Alphonse Jean, actuel président du Conseil présidentiel de transition. (Source : profil Facebook du Fonds national de l’Éducation, 16 mai 2025.)

Augustin Antoine, un enseignant de carrière, a accédé au poste de ministre de l’Éducation nationale d’Haïti le 11 juin 2024. Sociologue de formation, ancien étudiant en sociologie à la Faculté d’ethnologie de l’Université d’État d’Haïti, Augustin Antoine est détenteur d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie de l’Université catholique de Louvain. Il est actuellement doctorant en sociologie à l’Université de Liège en Belgique. Le sociologue Augustin Antoine est dépositaire d’une vaste expérience des milieux de l’éducation en Haïti, tant sur le registre de la conception que sur celui de la mise en œuvre de projets et de programmes divers. Il a été responsable de la Direction de l’enseignement secondaire (DES) au ministère de l’Éducation nationale où il a travaillé au suivi pédagogique des programmes du Secondaire et à l’élaboration du document-maître des « Lycées de référence ». On le retrouve en 1998 à la Secrétairerie d’État à l’alphabétisation où il a occupé le poste de chargé de mission. À la même époque, au ministère de l’Éducation nationale, il a coordonné un projet de coopération avec les Pays-Bas en relation avec l’UNESCO et en appui au Bureau national des examens d’État (BUNEXE). En 2007, il a été coordonnateur chargé de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre du projet de création de l’Université publique du Nord au Cap-Haïtien (UPNCH). Augustin Antoine a fondé en 1996 le Centre d’éducation et d’intervention sociale (CEIS), une institution citoyenne œuvrant tant dans l’éducation formelle que dans l’éducation informelle.

Politique linguistique éducative et aménagement du créole dans l’École haïtienne, les deux grands absents de la gestion d’Augustin Antoine

Plusieurs questions de premier plan doivent être posées en amont de notre bilan analytique : le ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine est-il un ministre qui « gère les affaires courantes » dans un gouvernement éphémère ? A-t-il pris des engagements lors de son installation le 13 juin 2024 et si oui quels sont-ils ? La presse locale a gardé des traces des engagements pris publiquement par le nouveau ministre : « (…) le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Augustin Antoine, a dressé un portrait peu reluisant de la situation du pays, faisant le constat de diverses attaques contre les infrastructures scolaires et le système éducatif haïtien. Devant cet état de fait, M. Antoine s’est dit engagé à prendre des décisions urgentes afin de relever le système éducatif. (…) Augustin Antoine dit envisager des rencontres dans le plus bref délai avec tous les acteurs du système, dont les directeurs généraux de l’Institut national de la formation professionnelle (INFP), de l’Office national de partenariat en éducation (ONAPE) et du Fonds national de l’éducation (FNE) et les partenaires techniques et financiers pour « définir d’autres orientations pour le secteur éducatif » et pour « un état des lieux » afin de faire parvenir au chef du gouvernement un tableau de bord pour aborder les problèmes. (…) Monsieur Antoine annonce des dispositions sur tous les grands chantiers lancés par l’administration précédente, notamment le Cadre d’orientation curriculaire (COC), le programme du livre scolaire unique et l’enseignement et l’évaluation des quatre nouvelles matières dans les classes du fondamental et promet de prendre des décisions pour l’amélioration de l’enseignement supérieur et universitaire » (voir l’article « Augustin Antoine officiellement investi dans ses fonctions au MENFP », Le Nouvelliste, 13 juin 2024). [Le souligné en italiques et gras est de RBO.]

L’on observe que dans l’ensemble ces engagements n’ont pas été tenus et l’action du nouveau ministre a pris le chemin tortueux de la… « gestion des affaires courantes », gestion assortie des rituelles commémorations officielles et des rencontres sans lendemain… Sur les registres liés de la politique linguistique éducative et de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne, l’échec du ministre Augustin Antoine à tous les étages de l’édifice éducatif est pesant et assourdissant.

En effet, au bilan de la direction politique et administrative du ministère de l’Éducation nationale, l’on observe qu’Augustin Antoine n’a pas élaboré le moindre document d’orientation consignant la nécessaire rupture d’avec les pratiques de mal-gouvernance et de corruption systémique léguées par l’ex-ministre Nesmy Manigat, la « vedette médiatique » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. De manière tout aussi essentielle, la politique linguistique éducative et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne constituent les deux grands absents de la gestion d’Augustin Antoine. Interrogés par nos soins, plusieurs enseignants estiment que « le nouveau ministre, qui pourtant connaît bien le système éducatif national, n’est porteur d’aucune vision de la mission de l’École haïtienne ». Ces enseignants estiment également qu’Augustin Antoine « n’a entrepris aucune action ciblant l’aménagement du créole dans les écoles du pays » et que « le ministère de l’Éducation nationale pratique la politique de l’autruche en ce qui a trait à la didactique du créole et à la rédaction d’outils didactiques de qualité en créole ». Cela éclaire pour l’essentiel le fait que de juin 2024 à mai 2025 Augustin Antoine n’a pas mis fin au scandale de la corruption au PSUGO et au Fonds national de l’éducation ; il ne s’est guère prononcé sur l’opposition des enseignants au LIV INIK AN KREYÒL –une juteuse arnaque concoctée par l’ex-ministre Nesmy Manigat–, et il ne s’est pas non plus prononcé sur financement unilatéral et inconstitutionnel des seuls manuels rédigés en créole décrété par son prédécesseur… NOTE – À propos du PSUGO, voir l’article « Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, 23 mars 2022. Voir aussi « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPress, 16 juillet 2014. Voir aussi sur le même site, « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, enseignant-chercheur et ex-ministre de l’Éducation nationale, Port-au-Prince, 30 juin 2016. À propos du LIV INIK, voir l’article « Le LIV INIK AN KREYÒL et la problématique des outils didactiques en langue créole dans l’École haïtienne », par Robert Berrouët-Oriol, Rezonòdwès, 13 août 2023. Nous reviendrons plus loin sur le Fonds national de l’éducation, la plus ample « industrie de la corruption » installée dans le système éducatif national par le PHTK néo-duvaliériste…

Les observations de terrain formulées par plusieurs enseignants haïtiens sont rigoureusement exactes en ce qui concerne l’absence de vision du ministre Augustin Antoine sur le registre de la mission du ministère de l’Éducation nationale. Pareil constat se vérifie sur les registres de l’immobilisme, de la mutité et de la cécité du nouveau ministre alors même que le ministère de l’Éducation nationale dispose encore de nos jours d’une étonnante récolte de « documents majeurs », de « projets de réforme », etc. sans que l’on sache lequel a la priorité ou lequel définit la vision ainsi que l’action et les présumés programmes de l’École haïtienne. Celle-ci comprenait en 2019-2020, il faut bien le rappeler, environ 23 347 écoles privées et publiques selon Yves Roblin, spécialiste en planification de l’éducation. Yves Roblin estime que plus de 70% des écoles non publiques ne sont pas accréditées, 88% des écoles sont des établissements privés et 12% sont des établissements publics, et environ 100 000 enseignants œuvrent dans les secteurs privé et public de l’éducation –les chiffres varient de 80 000 à 100 000 selon les sources. Yves Roblin précise que « De façon agrégée, nous avons dans la base de données 2015 – 2016 quelques 4 millions d’élèves, 122 mille enseignants et quelques 19 505 écoles » (voir l’article « En planification de l’éducation, la carte scolaire c’est l’affaire de l’État », par Yves Roblin, Rezonòdwès, 19 septembre 2020). Pour sa part, le ministère de l’Éducation nationale, dans un document daté de 2023, estime à 92 351 le nombre d’enseignants oeuvrant dans les écoles haïtiennes (source : « Déclaration écoles, élèves et enseignants », MENFP-USI, 2023).

Pour mémoire, voici dans l’ensemble les « documents majeurs », les « projets de réforme » etc. qui ne semblent pas avoir jusqu’à présent retenu l’attention du ministre Augustin Antoine :

1. L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche (MENFP/Ateliers de GrafoPub, Port-au-Prince, 272 pages, année 2000). De 2000 à 2024, les recommandations de ce remarquable rapport de recherche commandité par le ministère de l’Éducation nationale n’ont jamais été mises en application. Et ce document, qui comprend des données analytiques issues d’observations de terrain, a été remisé au « grenier des objets perdus » de l’Éducation nationale.

2. Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP / Aménagement linguistique en Préscolaire et Fondamental, par Marky Jean Pierre et Darline Cothière, mars 2016. 

3. Référentiel haïtien de compétences linguistiques (Français – Créole) », par Darline Cothière, février 2018.

4. Cadre d’orientation curriculaire du système éducatif haitien 2024-2054 / Version officielle  (MENFP/Nectar COC 2024).

5. Plan national d’éducation et de formation, ministère de l’Éducation nationale, 2015.

6. Plan décennal d’éducation et de formation 2018-2028 (PDEF), ministère de l’Éducation nationale.

7. Plan opérationnel 2010-2015 – Vers la refondation du système éducatif haïtien, ministère de l’Éducation nationale.

Précisons-le une fois de plus : la politique linguistique éducative et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne constituent les deux autres grands absents de la gestion d’Augustin Antoine à l’Éducation nationale. En 2018 déjà nous avions démontré le rôle central de la politique linguistique éducative dans la perspective de la refondation de l’École haïtienne et il est symptomatique que le ministre Augustin Antoine, pourtant un fin connaisseur du système éducatif national, demeure mutique et frappé de cécité intellectuelle et politique quant aux fondements constitutionnels de la politique linguistique éducative (voir le « Préambule » et les articles 5, 32 et 40 de la Constitution de 1987). Nous avons en effet mis en lumière le rôle central de la politique linguistique éducative dans la perspective de la refondation de l’École haïtienne entre autres dans l’article « Un ‘’Plan décennal d’éducation et de formation 2018-2028’’ en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Robert Berrouët-Oriol, Potomitan, 31 octobre 2018). Les remarques analytiques contenues dans cet article s’appliquent à l’absence de vision du ministre Augustin Antoine sur les registres liés de la linguistique et de la didactique : « Au plan linguistique, voici ce que consigne très chichement, il faut le souligner, les « Orientations stratégiques » du « Plan décennal…»: « En résumé, au cours des dix années du plan décennal (2018-2028), de nombreuses actions seront entreprises pour (…) notamment « Renforcer le statut du créole en tant que langue d’enseignement et langue enseignée dans le processus enseignement/apprentissage à tous les niveaux du système éducatif haïtien » (« Plan décennal…» p. 28). Et « Pour ce qui concerne la qualité dans l’équité », il s’agira entre autres de « Promouvoir un enseignement de qualité de l’anglais et de l’espagnol à tous les niveaux du système éducatif » (« Plan décennal…» p. 26).

Dans le même article, nous avons précisé que « Toujours en ce qui a trait à l’aménagement des deux langues officielles dans le système éducatif national, le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne également que « Dans le prolongement de la Réforme Bernard, le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement au 1e cycle du Fondamental et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif haïtien. Le français, en tant que langue seconde, sera introduit comme langue enseignée dès la 1ère année fondamentale dans sa forme orale et progressivement sous toutes ses formes dans les autres années suivant la progression définie dans les programmes d’études développés, et utilisé comme langue d’enseignement dès le 2e cycle fondamental » (« Plan décennal…» p. 26).

Pour mémoire il y a lieu de rapeler qu’«une politique linguistique éducative correspond à la composante particulière d’une politique linguistique [nationale] dont le domaine d’application concerne spécifiquement l’enseignement des langues», la didactique des langues, le statut et les fonctions des langues officielles dans le système éducatif, ainsi que l’ensemble des directives administratives ciblant l’application de l’énoncé de la politique linguistique éducative » (Revue des étudiants en linguistique du Québec : RELQ/QSJL, vol 1 no 2, printemps 2006). La politique linguistique éducative recouvre donc la vision linguistique et l’ensemble des moyens institutionnels mis en oeuvre par l’État dans ses interventions de nature linguistique dans le champ éducatif » (voir l’article « Un ‘’Plan décennal d’éducation et de formation 2018-2028’’ en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Robert Berrouët-Oriol, Potomitan, Genève, 31 octobre 2018).

Joignant notre voix à celle des enseignants oeuvrant actuellement en Haïti, il y a lieu, une fois de plus, de le dire haut et fort : l’aménagement du créole dans l’École haïtienne demeure une question centrale et prioritaire et l’État haïtien doit impérativement s’engager et fournir au système éducatif national des solutions consensuelles et rassembleuses (voir l’article « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? », par Robert Berrouët-Oriol, Fondas kreyòl, 11 novembre 2021. L’aménagement du créole dans l’École haïtienne, question centrale et prioritaire, doit aujourd’hui faire l’objet d’un débat national entre tous les acteurs de la chaîne éducative et il devra déboucher sur des propositions concrètes, un véritable plan opérationnel à soumettre à l’État haïtien. Cette proposition de plan opérationnel devra être conforme au « Préambule » ainsi qu’aux articles 5, 32 et 40 de la Constitution de 1987. Une telle proposition devra également promouvoir la perspective selon laquelle l’aménagement du créole dans l’École haïtienne est une composante majeure du futur énoncé de politique linguistique éducative. NOTE – Plusieurs enseignants-chercheurs ont déjà fourni un éclairage scientifique de premier plan sur la question du créole dans l’École haïtienne, et les différents acteurs de la chaîne éducative sauront certainement s’y référer. Ainsi, le linguiste Renauld Govain est l’auteur de plusieurs remarquables études, notamment « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » (revue Contextes et didactiques 4/2014) et « Enseignement du créole à l’école en Haïti : entre pratiques didactiques, contextes linguistiques et réalités de terrain », paru dans Frédéric Anciaux, Thomas Forissier et Lambert-Félix Prudent (dir.), « Contextualisations didactiques. Approches théoriques », Paris, L’Harmattan, 2013. D’autres contributions scientifiques sont également consignées dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol (dir.) et alii, Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2021).

Par ailleurs l’on observe, pour l’ensemble de l’action d’Augustin Antoine à l’Éducation nationale de juin 2024 à mai 2025, qu’aucun réflexion analytique / historique n’a été proposée en vue d’un bilan de la réforme Bernard de 1979 alors même que ces douze dernières années le ministère de l’Éducation nationale, par la voix de Nesmy Manigat, a maintes fois tenté d’accréditer l’idée que les présumées différentes « réformes » du système éducatif national se situent dans le prolongement de cette réforme… Là encore, l’action du ministre Antoine à l’Éducation ne se démarque pas de l’enfumage propagandiste de Nesmy Manigat, la « vedette médiatique » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Enfin il est attesté qu’à l’Éducation nationale Augustin Antoine n’a pas su élaborer une politique d’encadrement du livre scolaire ni œuvrer à la formation et à la certification des enseignants du créole.

Il y a lieu de rappeler que l’arrivée d’Augustin Antoine à la direction du ministère de l’Éducation nationale a été bien accueillie dans le secteur de l’enseignement en Haïti (voir l’article « Les défis majeurs d’Augustin Antoine, le nouveau ministre de l’Éducation nationale d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Rezonòdwès, 5 juillet 2024). 

Dans cet article –que nous avons acheminé par courriel au ministre Augustin Antoine–, nous avons formulé des questions de fond et procédé à une brève mais indispensable analyse de l’état des lieux du système éducatif national lors de l’arrivée d’Augustin Antoine à l’Éducation nationale. Au creux de cette réflexion analytique nous avons mis en lumière en l’exemplifiant le bilan désastreux de la gouvernance administrative et politique de l’Éducation nationale sous la houlette de l’ex-ministre de l’Éducation Nesmy Manigat, « spécialiste » du divertissement médiatique et de l’enfumage politique du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste.

Il est utile de préciser que dans ce texte nous avons brièvement examiné les principaux maux de l’École haïtienne et les caractéristiques de la mal-gouvernance du système éducatif national. Nous avons fourni un éclairage chiffré et actualisé sur l’éducation en Haïti et situé la nécessité de l’élaboration de la politique linguistique éducative de l’État haïtien en lien avec la question centrale des langues d’enseignement et la didactique / didactisation du créole. Dans ce texte nous avons également exposé la nécessité et l’urgence d’éradiquer le népotisme, la corruption et l’impunité dans le système éducatif national, notamment au Fonds national de l’éducation et au PSUGO. Dans chacun de ces dossiers majeurs, l’échec d’Augustin Antoine à tous les étages de l’édifice éducatif est pesant et assourdissant

L’Éducation nationale enfermée dans les filets du PHTK néo-duvaliériste et l’impuissance du CPT (Conseil présidentiel de transition)

Un an après l’arrivée d’Augustin Antoine à la direction de l’Éducation nationale, les enseignants, les directeurs d’écoles et les parents d’élèves observent qu’aucune solution aux problèmes identifiés n’a été promue ni mise en œuvre : l’échec d’Augustin Antoine à tous les étages de l’édifice éducatif est pesant et assourdissant : l’Éducation nationale demeure enfermée dans les filets du PHTK néo-duvaliériste et l’impuissance du CPT (le Conseil présidentiel de transition, une petite chapelle illégale et inconstitutionnelle).

Avant d’examiner les plus marquants domaines de l’échec d’Augustin Antoine à la direction de l’Éducation nationale, il y a lieu de rappeler qu’il avait posé un geste fort en 2024 tel que nous l’avons exposé dans l’article « La corruption dans le système éducatif national d’Haïti : le ministre Augustin Antoine dépose une demande d’audit financier et administratif à la CSCCA » (par Robert Berrouët-Oriol, Montray kreyòl, 17 octobre 2024).

En effet le nouveau ministre de l’Éducation nationale a officiellement déposé le 9 octobre 2024 une demande d’audit financier et administratif auprès de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). Il a enjoint la CSCCA d’accorder « une suite urgente à cette requête » et précisé que l’audit devra être effectué « au niveau du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que dans les directions techniquement déconcentrées et autonomes suivantes :

  • Le Programme national de cantine scolaire (PNCS)

  • L’Unité de coordination et de programmation (UCP)

  • La Secrétairerie d’État à l’alphabétisation (SEA)

  • La Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU)

  • L’École nationale de géologie appliquée (ENGA)

  • L’Institut national de formation professionnelle (INFP)

  • L’Office national de partenariat en éducation (ONAPE)

  • L’École nationale supérieure de technologie (ENST)

  • Le Fonds national de l’éducation (FNE) ».

Sept mois le dépôt de cette requête, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) n’a publié aucun document officiel attestant qu’elle avait effectué le moindre audit administratif et financier des 9 organismes placés selon la loi sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. Pire : le Conseil présidentiel de transition, le CPT a publiquement désavoué le ministre Augustin Antoine :

      1. il a court-circuité sa demande d’audit administratif et financier en s’abstenant d’avaliser et de soutenir ouvertement l’action de la CSCCA ;

      1. il n’a pas soutenu l’enquête de l’ULCC relative à la corruption au Fonds national de l’éducation ;

      1. il a nommé une pseudo « juriste experte », missionnaire du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Sterline Civil, à la direction du Fonds national de l’éducation.

L’on observe que le Conseil présidentiel de transition a court-circuité la demande d’audit administratif et financier du ministre Augustin Antoine en s’abstenant d’avaliser et de soutenir ouvertement la CSCCA et l’ULCC en procédant à la nomination illégale de Sterline Civil —ex-ministre-conseiller à la mission permanente d’Haïti auprès de l’ONU–, à la direction du Fonds national de l’éducation (voir l’article « Le Conseil présidentiel de transition promeut le culte de l’escroquerie impunitaire en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol,  Le National, 27 février 2025 ; voir aussi l’article « Le parachutage de Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation : vers le renforcement de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol. Rezonòdwès, 5 mars 2025). Cette nomination a eu pour effet direct et immédiat de rendre caduc la demande d’audit administratif et financier du ministre Augustin Antoine tout en annihilant toute poursuite légale contre Jean Ronald Joseph, l’ex-directeur général du FNE. En procédant de la sorte, le Conseil présidentiel de transition qui est, il faut le rappeler, une petite chapelle illégale et inconstitutionnelle, a violé la loi et conforté le règne de l’impunité dans le système éducatif national (voir le Décret du 23 juillet 2014,  Chapitre III : « Du contrôle financier des organismes autonomes », article 148 : « Le contrôle financier de toutes les Administrations de l’État, des organismes autonomes à caractère administratif, culturel ou scientifique, des organismes autonomes à caractère financier, industriel et commercial et des institutions indépendantes est exercé par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif selon les conditions et modalités fixées par la loi. Ils ne peuvent recourir à des firmes privées pour réaliser des audits financiers que par une autorisation spéciale de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif ».

Également, l’on observe que « L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) avait annoncé l’ouverture d’une enquête sur la gestion du Fonds national de l’éducation (FNE) suite à la divulgation des salaires des cadres du FNE dans les médias et sur les réseaux sociaux. Selon les informations de plusieurs sources concordantes, ce mardi 4 juin 2024, les enquêteurs de l’ULCC ont perquisitionné les bureaux du Fonds national de l’éducation et ont procédé à la saisie des documents comptables et numériques pour la suite de l’enquête. (…) Jean Ronald Joseph, le Directeur général du FNE [jusqu’à récement] a été auditionné par le juge Merlan Belabre le mercredi 15 mai 2024 autour du dossier de disparation, le 7 décembre 2023, des données informatiques sensibles de l’institution » (« Haïti/Corruption: descente de l’ULCC au Fonds national de l’éducation », Le Placentin, 4 juin 2024). Le site Haïti24 fournit les précisions suivantes : « (…) plus de 7 milliards de gourdes auraient été détournées sous l’administration de l’ancien Directeur général du FNE, Jean Ronald Joseph » (voir l’article « Corruption au Fonds national de l’éducation : l’ULCC ouvre une enquête », Haiti24.net, 4 juin 2024). Un autre article, paru sur le site Hebdo24.com et daté du 1er avril 2024, éclaire davantage le système de corruption PHTKiste implanté au FNE : « Au Fonds national de l’éducation, l’argent se gaspille par « millions de gourdes » — « Depuis le weekend dernier, le Fonds national de l’éducation fait l’objet de graves dénonciations. En effet, le FNE constituerait une vraie vache à lait pour certaines personnes, dont son Directeur général. Selon des documents consultés par Hebdo24, le salaire mensuel de Jean Ronald Joseph s’élève à 650 000 Gourdes [4 875 $ US mensuels]. Additionné sur 12 mois, son salaire est de 7 millions 800 mille gourdes annuellement. De plus, les dépenses salariales au sein du bureau du Monsieur Joseph totalisent 24 millions de Gourdes par an pour sept personnes, tandis que son cabinet, composé de dix-sept membres, représente une dépense annuelle de 49 millions de Gourdes. Dans ces documents, figurent des noms de firmes, d’écoles, de journalistes et d’autres contractuels qui perçoivent des sommes astronomiques pour leurs services. C’est le cas de l’ancien député Déus Déroneth qui reçoit un montant de 350 000 Gourdes à titre de contractuel » (Haiti24.net, 4 juin 2024). 

La prégnance de la corruption systémique –dans le corps social haïtien comme dans le système éducatif national–, a été évoquée sous toutes ses coutures en Haïti et ailleurs comme en témoigne l’article paru le 17 août 2020 dans le journal La Presse de Montréal, « Corruption : la Cour des comptes étrille le pouvoir haïtien ». Dans cet article il est précisé que « La Cour supérieure des comptes d’Haïti déplore, dans un nouveau rapport publié lundi, la gestion frauduleuse et souvent illégale, par les divers ministères et administrations, de centaines de millions de dollars d’aide offerts par le Venezuela entre 2008 et 2016. (…) Les six gouvernements haïtiens qui se sont succédé depuis 2008 ont lancé pour près de deux milliards de dollars de projets sans, le plus souvent, se soucier des principes de base de la gestion de fonds publics, accuse l’audit ». Par ailleurs le journal La Presse, dans un autre article encore consacré à la corruption en Haïti, a relayé l’information selon laquelle « Un juge haïtien a lancé des mandats d’arrêt contre plus de 30 hauts fonctionnaires accusés de corruption gouvernementale, dont plusieurs anciens présidents et premiers ministres. Les mandats d’arrêt, lancés (…) et divulgués sur les réseaux sociaux (…), accusent ces responsables de détournement de fonds ou d’équipements liés au Centre national des équipements d’Haïti. (…) Parmi les personnes visées par les mandats d’arrêt figurent les anciens présidents Michel Martelly et Jocelerme Privert, ainsi que les anciens premiers ministres Laurent Lamothe, Jean-Michel Lapin, Evans Paul et Jean-Henry Céant. L’ancien premier ministre Claude Joseph, qui était au pouvoir lorsque le président Jovenel Moïse a été assassiné en juillet 2021, est également accusé. (…) Personne n’a été arrêté dans cette affaire. Il est courant que des responsables du gouvernement haïtien accusés dans une affaire pénale ou civile ignorent systématiquement les mandats d’arrêt ou les demandes d’interrogatoire. Ils ne s’exposent alors à aucune sanction car ils accusent les juges de persécution politique (« Un juge lance des mandats d’arrêt contre d’anciens dirigeants pour corruption », La Presse, 8 janvier 2024).

La demande d’audit administratif et financier du ministre Augustin Antoine auprès de la Cour supérieure des comptes intervient dans le contexte où il n’y a pas eu, ces douze dernières années, le moindre bilan comptable public des organismes autonomes placés selon la Loi du 17 août 2017 sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale.

Ainsi, une ample recherche documentaire ciblant diverses sources –entre autres le site officiel du ministère de l’Éducation nationale, celui du ministère des Finances, celui de la Cour supérieure des comptes, celui de la Primature–, atteste en toute rigueur :

  1. une absence totale d’états financiers des 9 organismes et structures administratives visés par la demande d’audit administratif et financier du ministre de l’Éducation nationale auprès de la CSCCA ;

  2. une absence totale d’audits comptables des 9 organismes et structures administratives visés par la demande d’audit administratif et financier du ministre de l’Éducation nationale auprès de la CSCCA.

Le Fonds national de l’éducation, vaste structure gangstérisée de « pompage » des ressources financières de l’État, créé par la loi du 17 août 2017, n’a jamais été inscrit au Budget officiel de l’État haïtien. Il est donc une structure opérationnelle échappant à tout audit du Parlement haïtien, institution de contrôle de l’action du gouvernement et qui a été atrophiée et frappée de caducité par le PHTK. Il est également attesté que le FNE n’a fait l’objet d’aucun audit comptable diligenté par l’ULCC (l’Unité de lutte contre la corruption) dans le contexte où la corruption endémique est un sujet majeur de société aussi bien en Haïti qu’à l’échelle internationale comme en témoigne Transparency International dans son étude intitulée « La corruption dans le secteur éducatif / Document de travail » (avril 2007). Pour mémoire il est utile de rappeler que « Le Fonds national de l’éducation (FNE) est un organisme autonome de financement de l’éducation, placé sous la tutelle du ministère chargé de l’éducation nationale et de la formation professionnelle et créé par la Loi du 17 août 2017, parue au Moniteur n° 30 du vendredi 22 septembre 2017. Le FNE jouit de l’autonomie financière et administrative. Il est doté de la personnalité juridique et sa durée est illimitée » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation).

De manière statutaire, « (…) le Fonds national de l’éducation a pour mission de participer à l’effort de l’éducation pour tous et de gérer les fonds destinés au financement de l’éducation. (…) [Le FNE] intervient dans plusieurs domaines, notamment la construction d’infrastructures, la rénovation des bâtiments scolaires, l’appui au Programme de cantines scolaires, le paiement des frais de scolarité, le paiement des frais pour les enseignants, la dotation d’équipements scolaires, le financement de projets éducatifs, l’appui aux études supérieures. (…) La présidence du Conseil [d’administration du FNE] est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation). [Le souligné en italiques est de RBO] L’apparition du Fonds national pour l’éducation au creux de la structuration, par le PHTK néo-duvaliériste, de la corruption dans le système éducatif haïtien, est un sujet majeur de société et comme tel ce « Fonds » a fait l’objet de diverses analyses. Il y a lieu de mentionner l’éclairage de Jesse Jean consigné dans son « Étude de l’aide internationale pour la réalisation de l’éducation pour tous en Haïti » (thèse de doctorat, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, 13 janvier 2017). Dans cette thèse de doctorat, Jesse Jean précise que « Le Projet de loi portant création, organisation et fonctionnement du Fonds national pour l’éducation (FNE) n’a jamais été ratifié par le Parlement haïtien. Ainsi, l’utilisation du FNE n’est toujours pas légale et les taxes sont prélevés tous les jours par l’État haïtien. Bref, en 2013, soit deux ans après la création du Fonds national pour l’éducation, les montants collectés par exemple sur les appels téléphoniques étaient évalués, d’après les chiffres indiqués par le Conseil national des télécommunications (le CONATEL) à 58 066 400 dollars américains. Et les taxes prélevées sur les transferts d’argent entrants et sortants s’élevaient à plus de 45 238 095 dollars US » (Jesse Jean, op. cit., page 132). De 2017 à 2025, le Fonds national de l’éducation n’a rendu compte à aucune institution nationale (Parlement, ministère, Exécutif) et il n’a publié aucun bilan, assorti d’un audit administratif et financier, de son action couvrant cette période…

L’absence totale d’états financiers et d’audits comptables au Fonds national de l’éducation a été avalisée et couverte, au creux d’une obscure sous-culture duvaliérienne de l’impunité, par plusieurs caïds-en-chef du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Sur ce registre, il y a lieu de rappeler que les ministres des Finances, de l’Éducation nationale et de la Planification ainsi qu’un Premier ministre ont joué un rôle de premier plan dans la métastase silencieuse de la corruption liée à l’impunité en Haïti. Il est attesté que plusieurs grands commis-caïds de l’État prédateur notamment Patrick BoisvertNesmy ManigatJoseph Jouthe–, placés aux plus hautes fonctions régaliennes par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, ont joué un rôle actif dans l’invisibilisation de la corruption dans le système éducatif national. Nous l’avons rigoureusement démontré dans l’article « La corruption au Fonds national de l’éducation : ce que nous enseigne le saint-Évangile de la transparence politique de Joseph Jouthe, ex-Premier ministre d’Haïti » (Fondas kreyòl, 25 septembre 2024). Le scandale de la corruption au Fonds national de l’éducation est la plus ample illustration de l’invisibilisation de la corruption dans le système éducatif national et il faut en prendre toute la mesure puisque Patrick BoisvertNesmy Manigat et Joseph Jouthe ont été, conformément à la Loi du 17 août 2017, Président et vice-Président du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducationLa sous-culture de l’impunité et l’invisibilisation de la corruption dans l’administration de l’État haïtien caracolent ainsi et sont cultivés au plus haut sommet de l’État haïtien comme le rappelle une dépêche de Radio-Canada à propos de Jovenel Moïse, le président « pope twèl » et homme de paille du PHTK néo-duvaliériste : « Jovenel Moïse a été « accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds » par la Cour supérieure des comptes qui a rendu (…) un rapport de plus de 600 pages sur la mauvaise gestion de l’aide reçue du Venezuela » (voir l’article « Le président haïtien accusé de détournement de fonds », Radio-Canada, 31 mai 2019). 

Il est attesté que le Conseil présidentiel de transition –impuissant et incapable de juguler la mainmise du PHTK sur l’appareil administratif de l’Éducation nationale mise en place par l’équipe de Nesmy Manigat–, a publiquement désavoué le ministre Augustin Antoine dans le contexte où la criminalisation / gangstérisation du pouvoir d’État instituée par le PHTK a atteint son plus haut niveau de structuration et d’efficience bien que l’État haïtien se soit doté au fil des ans d’institutions légales de lutte contre la corruption, notamment l’Unité de lutte contre la corruption, l’ULCC, et l’UCREF (l’Unité centrale de renseignements financiers). L’on observe que la criminalisation / gangstérisation du pouvoir d’État à des fins de captation frauduleuse et à grande échelle des ressources financières du pays constitue l’une des caractéristiques majeures du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. (NOTE — Sur la criminalisation du pouvoir d’État voir l’article de Jean-François Gayraud et Jacques de Saint-Victor, « Les nouvelles élites criminelles. Vers le crime organisé en col blanc », revue Cités 2012/3, no 51 ; voir aussi « La criminalité en ‘’col blanc’’, ou la continuation des affaires… », Le Monde diplomatique, mai 1986 ; voir également l’article de haute facture analytique de l’économiste Thomas Lalime, « Haïti : la gangstérisation de la politique ou la politique de gangstérisation ? », Le Nouvelliste, 14 mai 2019.) Phénomène politique et social aujourd’hui profondément imbriqué dans la société haïtienne tout entière, la criminalisation du pouvoir d’État, qui sert également d’adjuvant opérationnel à la sous-culture de l’impunité, a été étudiée par le sociologue Laënnec Hurbon. Directeur de recherches au CNRS (Paris) et enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, le sociologue Laënnec Hurbon est l’auteur, sur la problématique du « banditisme légal » et de la criminalisation du pouvoir d’État, d’un article fort éclairant, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti » paru dans Médiapart le 28 juin 2020. (NOTE — Sur la notion de « bandits légaux », voir aussi le remarquable article de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à Université d’État d’Haïti » : « Haïti : comment sortir de la terreur criminelle et aveugle instaurée par les “bandits légaux” ? », AlterPresse, 29 août 2022). Pour sa part, le politologue Frédéric Thomas du CETRI, le Centre tricontinental basé à l’Université de Louvain, est l’auteur d’un article lui aussi de grande facture analytique, « Haïti, État des gangs dans un pays sans État » (CETRI, 7 juillet 2022). Dans cet article Frédéric Thomas précise de manière fort pertinente que « Pour qualifier la situation, le Réseau national de la défense des droits humains (RNDDH) parle de « gangstérisation de l’État comme nouvelle forme de gouvernance ». (…) Ce banditisme d’État jette une lumière crue, non seulement sur le pouvoir haïtien, mais aussi sur la diplomatie internationale ; sur son soutien sans faille aux gouvernements de Jovenel Moïse, hier, et d’Ariel Henry, aujourd’hui. À rebours du mythe d’un pays « sans État », il met en évidence la confiscation des instances et fonctions étatiques – y compris la police – par une élite corrompue, et l’aspiration frustrée de la majorité des Haïtiens et Haïtiennes à bénéficier d’institutions publiques, qui les représentent et soient à leur service ». (NOTE — En ce qui a trait à la sous-culture de l’impunité, voir l’article « Justice : le sociologue Laënnec Hurbon dénonce une pérennisation de l’impunité en Haïti » paru en Haïti le 2 octobre 2017 sur le site AlterPresse. Voir également le rigoureux et fort bien documenté « Mémoire du Collectif contre l’impunité et d’Avocats sans frontières Canada portant sur la lutte contre l’impunité en Haïti – 167e audience de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme » daté du 2 mars 2018.)

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Linguiste-terminologue

Conseiller spécial, Conseil national d’administration

du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)