La vocation du peuple martiniquais

— Par Roland Tell —
 ( Compte tenu du vote du premier tour des Présidentielles, s’agissant notamment du penchant de certains citoyens pour le racisme et la xénophobie, à l’instar de Marine Le Pen, il convient de se demander s’ils sont encore des captifs rêvant de liberté. Pour les libérer, et pour les purifier, il importe de leur rappeler à la fois leurs origines et leur vocation. )
 Comme tout arbre, qui aspire vers l’altitude et la lumière, par ses racines profondes et par ses branches puissantes, aussi haut que puisse aller sa hauteur, le peuple martiniquais a vocation à s’élever dans l’histoire vers sa souveraineté. Car il est en lui désir constant d’épanouissement, pour atteindre pleinement son plus haut degré de développement. Car beaucoup reste encore possible pour monter toujours plus haut ! Et surtout, comme pour tout arbre, qu’on n’oublie surtout pas la force immense des racines, où se détermine déjà le sens de l’avenir. Son destin est que, parmi les ombres de l’autrefois esclavagiste, donc à partir de celles-ci, naissent et grandissent son histoire et sa vocation. L’émigration forcée de ses terres maternelles d’Afrique, durant les  16ème et 17ème siècles, la déportation par bateaux négriers à travers l’Atlantique, la vente au plus offrant comme esclaves dans la Colonie de Martinique, les travaux de forçats dans les plantations de canne à sucre, les exposant continûment à toutes formes de sévices et d’horreurs, selon les valeurs de l’époque. Hommes et femmes, par le collier et les chaînes retenus, à moitié estropiés par les coups, sans avenir autre que les cruels hasards du fouet ! Mais leur invincible vie d’esclaves a tenu jusqu’à l’heure  du dernier combat républicain de l’abolition en l’an 1848 .
     Que tristes et pitoyables, aujourd’hui en 2017, nous semblent les citoyens martiniquais, qui justifient, légalisent, institutionnalisent, et sacralisent, par leurs votes, un parti raciste et xénophobe, prônant depuis toujours une politique basée sur les différences raciales, à partir de théories évolutionnistes, disqualifiant arabes et nègres ! Dans le modèle du « nous contre eux », le Front National renforce cette mentalité, dans des programmes et des discours, où la pulsion agressive de survie se transpose progressivement en pulsion agressive d’être les meilleurs remparts contre la supposée dégénérescence de la société française, contre aussi les menaces potentielles des groupes de migrants et d’étrangers. Car il faut se défendre d’eux pour survivre, puisque l’autre,  – le différent, le basané, l’oriental, – n’est-il pas le responsable désigné des problèmes de la société française, l’ennemi défini sur qui il faut faire passer sa colère en toute légitimité. D’où la mentalité d’absolutisme culturel et politique du programmme présidentiel de la candidate du Front National ( repli identitaire, fermeture des frontières, sortie de l’Europe, retour à la monnaie nationale ).
C’est pourquoi, face à de telles dérives citoyennes, il convient de rappeler au peuple martiniquais sa vocation fondamentale, car son histoire a un sens. Certes, il est parvenu à la pleine conscience de lui-même, de son dynamisme, de sa volonté, pour mieux approfondir sa raison d’être. La Martinique a pleine conscience de la nation-mère à qui elle doit l’existence : c’est la France de l’Abolition, puis de l’Assimilation, puis de l’Egalité Réelle, dont l’influence est ici considérable, s’agissant notamment du développement religieux, intellectuel, social et économique. Mais quel rôle la Martinique pourra-t-elle jouer elle-même dans son aire géographique des Caraïbes ?
Dans sa marche historique, certes, il convient d’approfondir encore le problème de sa destinée. Race civilisée, le peuple de Martinique est un peuple culturel, versé dans les arts de la fête, de l’accueil, des échanges, du voyage, sachant entretenir les valeurs de l’humain et du bien, portant dans son coeur d’admirables sentiments de dépassement, d’accomplissement, pour que, nulle part ailleurs, les temps de haine ne reviennent ! Car il reste des avenirs radieux, même dans la société technologique moderne, en dépit des différences culturelles et raciales. N’est-ce pas que chacun a besoin des autres dans leur altérité et que tous ensemble en seront enrichis ? Telle est le prix de l’universalité concrète. il faut le rappeler encore une fois : héritière et responsable d’une tradition d’accueil, son existence éthique est faite d’humanisme, de progressisme. Oui, il reste à la Martinique des avenirs radieux pour produire de grands hommes, des semeurs humanistes et progressistes, des créateurs, des artistes, des artisans, dont l’influence croissante s’exercera partout dans le monde, comme c’est toujours le privilège pour Fanon, Césaire, Glissant. C’est l’histoire qui a formé le peuple martiniquais, lui donnant deux langues en héritage, pour nourrir l’esprit collectif, communiquer, lire, écrire, chanter, faire discours, dans la béatitude des oeuvres à venir, avec patience et temps. Si loin que puisse être l’avenir, la Martinique tient ferme sur ses fondements, sachant que son rôle continuera de croître en influence, notamment dans son environnement caribéen.
Roland Tell