« La vie de Galilée » à Foyal : du rire à la réflexion

— Par Roland Sabra —

galilee

Dans sa dernière mouture cette pièce de Bertolt Brecht dure 4 heures et mobilise quatre dizaines de comédiens. Elle a donc été peu jouée. La Compagnie du Grand Soir, un nom bretchtien en soi, fait le pari de la présenter dans une version raccourcie à 1 heure et vingt minutes, avec en tout et pour tout cinq comédiens qui endossent quatre à cinq rôles différents, à l’exception du rôle titre tenu avec force par Régis Viachos. Le fil conducteur est donc la vie de Gallilée que l’on suit depuis ses premières découvertes à Padoue jusqu’à Florence où sa puissance de conviction se heurte à un mur, celui des intérêts de l’Église qui ne veut en rien céder sur le géocentrisme, qui place la terre et par conséquence la papauté au centre de l’Univers. Galilée devra abjurer devant le tribunal de l’Inquisition. Brecht inscrit Galilée dans la lignée de savants, tel Giordano Bruno ou Copernic qui se sont heurtés au caractère borné de la Curie, de ses philosophes et autres penseurs officiels. Les compagnons de route du florentin apparaissent comme des naïfs ayant à son égard le même comportement que les dévots à l’égard des papistes. Ce n’est donc pas le contenu du discours tenu qui fait clivage mais le rapport au discours que l’on tient qu’il soit d’origine  scientifique ou religieuse qui est questionné. Connaissance vs croyance dans la mesure où il existe une croyance, une foi dans la science tout aussi naïve que celle du bigot.

La mise en scène est enlevée, avec des références contemporaines, on ne peut plus cocasses comme l’irruption d’une automobile cahotante, une scène de douche, fort improbable. Mais c’est surtout l’hypocrisie sociale et le règne de l’injustice qui sont dénoncés avec force et talent. Un grande malle en fond de scène, sorte de boite au trésor, sert de réserve aux comédiens qui y puissent costumes et accessoires. La fameuse distanciation brechtienne est soulignée par un conteur-chanteur qui annonce la scène à venir et par une irruption fort cocasse d’une distribution de tracts dans la salle, moment de sidération pour une partie du jeune public peu au fait de la lecture de l’auteur. Quelques répliques célèbres sont bien mises en valeur comme « « Je crois à la douce violence de la raison sur les hommes ».ou celle plus profonde quand Andréa énonce  « Malheureux le pays qui n’a pas de héros. » et que Galilée lui répond :  » Non. Malheureux le pays qui a besoin de héros.« 

Le rythme est soutenu, ludique et festif. On ne s’ennuie pas au cours de la représentation. On n’en a pas le temps. Et c’est justement le temps raccourci de cette mise en scène qui suscite quelques réticences.  La version allégée semble un peu trop light, un peu trop ramassée. On pourrait croire par moment que le metteur en scène à puisé le texte dans une Sélection du Reader’s digest ou.sur Wikipedia. A cette réserve près le travail présenté inspire l’adhésion et la sympathie.

L’expression « Mais j’hallucine » murmurée à pluisuers reprises au cours du spectacle par une une partie du public, élèves de classes prépas, étudiants ou lycéens des classes théâtre témoignait du bonheur de la surprise à la découverte d’un auteur peu joué à la Martinique ces dernières années et d’une pièce relativement rare. C’est encore à porter au crédit de Michèle Césaire et de son équipe.

Mercredi 9, jeudi 10, vendredi 11, samedi 12 à 19h30. Théâtre A.Césaire de Fort-de-France

Mise en scène Christophe Luthringer, traduction Eloi Recoing (l’Arche Editeur)

Scénographie Juliette Azopardi

Son Sébastien Devey

Régie Sebba Benzoni

Costumes Hélène Vanura

Lumières Alexandre Ursini

Régisseur tournée Jéremy Thanel

Les voix de Christophe Alèvèque, François Cadol et Pierre Dourlens

Avec le soutien du Département de Seine Saint-Denis, La Fondation Groupe RATP, La Ville d’Herblay, La Région île de France, La ville de Clichy sous Bois.

Avec

Régis Vlachos /Galilée

Aurélien Gouas /Mme Sarti, le Trésorier scène 3, Sagredo, le philosophe, le prélat.

Charlotte Zotto /Andréa, la duchesse, Nina Hagen, une none.

Jeremy Braitbart/Ludovico, le Trésorier scène 3, le mathématicien, le vieux prélat, le petit moine.

Jean Christophe Cornier /Gilles Vincent Kapps / le conteur ou SDF