— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —
Le présent article prolonge en l’amplifiant, sur le mode d’une exploratoire intellection épistémologique, celui que nous avons publié en Haïti dans Le National daté du 13 décembre 2025, « Le « partenariat stratégique » entre Wikimedia Haïti et l’Académie créole ou l’indocte quête d’une vision linguistique fantasmagorique ». Dans notre précédent article –qui a également été diffusé sur les 17 plateformes régionales du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH) et sur le fil info de l’Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA)–, nous avons démontré que le modèle wikipédien haïtien connu sous le nom de Wikimedia Haïti est un modèle pré-scientifique, il fonctionne hors-science à toutes les étapes de sa présumée présence « à travers différentes régions du pays ». Élaboré en dehors des institutions universitaires haïtiennes ou d’une instance scientifique reconnue tant à l’échelle nationale qu’internationale, Wikimedia Haïti ne produit pas de connaissances. L’on observe qu’il n’a à aucun moment emprunté la voie d’une « archéologie des connaissances » et qu’il n’est pas non plus le lieu de la confrontation des idées, des théories et des discours sur les connaissances et les processus d’acquisition des connaissances. De manière plus essentielle, nous avons mis en lumière que Wikimedia Haïti ne se réclame pas de l’instance épistémologique dans son unique critère de validation de l’information, à savoir l’accumulation collaborative, autrement dit la compilation brute et non normée de l’information. Le Wikipédia généraliste « que chacun peut modifier et améliorer », est un « projet collaboratif » et il est régi par « cinq règles : encyclopédisme, neutralité de point de vue, liberté du contenu, savoir-vivre communautaire et souplesse des règles ». À l’instar de Wikipédia, la maison-mère, dans Wikimedia Haïti n’importe qui peut être contributeur de l’information en dehors du moindre critère scientifique de collecte et de validation de l’information. Dans un tel dispositif basé sur la réitération aveugle et subjective de l’accumulation collaborative, le modèle wikipédien haïtien s’élabore en dehors de toute approche épistémologique dans l’intellection des connaissances et des processus d’acquisition des connaissances. L’allégation selon laquelle Wikimedia Haïti participerait d’« une véritable infrastructure mondiale de la connaissance » est davantage qu’une fantaisiste chimère, elle relève plutôt de la fraude intellectuelle.
L’on observe que l’histoire de Wikipédia, la maison-mère, est truffée de controverses, de débats et de remise en cause constante de sa « scientificité » dans les milieux universitaires. Ainsi, « L’encyclopédie collaborative [Wikipédia] n’est pas une fondation scientifique, pour autant que sa mission ne réside pas dans la diffusion de travaux inédits. Par définition, l’encyclopédie est une compilation des données factuelles, et non des articles analytiques. Elle convient donc peu à l’édition scientifique, ce que Wikipédia concède : « Wikipédia n’est pas un endroit où publier des idées originales, ni un forum pour défendre ses idées […]. » Son rapprochement des universités et des chercheurs risque certes de nous faire faire fausse route alors que cette collaboration a vraisemblablement pour but de donner au corpus l’allure d’une compilation de connaissances universelles fiables, un référentiel de base, où tous les domaines de l’intellect sont représentés à juste mesure (« Wikipédia, la chimère du savoir libre », revue Documentation et bibliothèques, volume 61 numéro 4, octobre–décembre 2015).
Dans le même article du 13 décembre 2025, nous avons exposé que Wikimedia Haïti, en son dispositif central erratique et affabulatoire de l’accumulation collaborative, est également une entreprise illusionniste de cosmétisation et de muséification du créole. Sur le registre d’une « bulle algorithmique », Wikimedia Haïti charrie une vision erronée de l’aménagement du créole car « transformer la visibilité de la langue » ne peut en aucun cas constituer un projet national d’aménagement du créole conformément au « Préambule » et aux articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. Et son corollaire est tout aussi fallacieux, frauduleux et indocte lorsqu’il assène que « Yon lang ki pa vizib sou entènèt la, se yon lang ki ap disparèt nan memwa mond lan ». NOTE – En amont de la rédaction du présent article, nous avons effectué une recherche documentaire à l’aide du mot-clé Wikimedia Haïti, qui mène directement au portail « Community Wikimedia User Group Haïti ». Ce portail donne accès, en anglais, aux rubriques dénominatives « Welcome », « Achievements », « Current projects and activities », « Members » et « Documents ». Sur ce portail nous n’avons pas trouvé d’information rédigée en créole et en français, les deux langues officielles d’Haïti. En page d’accueil l’information s’énonce, en anglais, comme suit : « Community Wikimedia User Group Haiti is an association based in Port-au-Prince which brings together Haitian Wikimedian volunteers around a main objective which is to improve the presence of Haiti in various Wikimedia projects while pursuing all of the major aims of the Wikimedia Foundation. It is formally recognized by the Affiliate Committee of the Wikimedia Foundation ».
Les objectifs spécifiques du « Community Wikimedia User Group Haïti » sont ainsi présentés en anglais : —Develop Wikimedia Foundation, mainly the Haitian Creole Wikipedia ; –Train contributors throughout the national territory ; –Sensitize actors, professionals and institutions concerned in Haiti to participate in the international knowledge-sharing project that Wikimedia represents ; –Collaborate with the large international community of Wikimedia ». C’est donc à ce niveau que l’on accède au Haitian Creole Wikipedia qui porte en page d’accueil la mention « Wikipedya – Yon pwojè ansiklopedi lib ki ekri ak kolaborasyon ». La politique éditoriale s’énonce dans les termes suivants : « Prezantasyon » – « Wikipedya se yon pwojè ansiklopedi kolektif anliy, inivèsèl, nan plizyè lang e ki fonksyone sou prensip wiki. Pwojè sa a gen pou objektif ofri kontni ki kapab itilize ankò, objektif ak verifye, ke tout moun ka modifye ak amelyore ». La page d’accueil consigne un long historique de Wikipedya, rédigé en créole, ainsi que d’autres éléments d’information sur le modèle collaboratif non normé, etc. La consultation attentive de Haitian Creole Wikipedia / « Wikipedya ne comprend aucun argumentaire à l’appui de la fallacieuse allégation selon laquelle Wikimedia Haïti participerait d’« une véritable infrastructure mondiale de la connaissance »…
Au fil de l’argumentaire consigné dans notre article, « Le « partenariat stratégique » entre Wikimedia Haïti et l’Académie créole ou l’indocte quête d’une vision linguistique fantasmagorique » (Le National, 13 décembre 2025), nous avons mis en lumière, une fois de plus, le constat objectif que la chétive Akademi kreyòl ayisyen (AKA) est un leurre institutionnel, une coquille frêle, bancale et improductive dont l’action –arcboutée à la sphère itérative de l’idéologie–, ne relève pas de la pensée scientifique. Ainsi, l’on observe que de sa création en 2014 à 2025, l’AKA s’est révélé incapable de penser l’aménagement du créole sur le socle des sciences du langage et de la jurilinguistique. De 2014 à 2025, l’Akademi kreyòl ayisyen n’a publié aucun article scientifique sur le créole, aucune enquête de terrain, aucun ouvrage de lexicographie créole, aucun livre de référence sur la didactique créole et la didactisation du créole, aucun dictionnaire créole, aucune grammaire créole, aucun guide pédagogique pour l’enseignement EN créole et l’enseignement DU créole. Elle n’a publié aucun ouvrage de référence dans l’un des domaines de la créolistique : grammaire, phonologie, sémantique, dialectologie, lexicologie et lexicographie, dictionnairique, sociolinguistique, démolinguistique, jurilinguistique…
Tel que nous l’avons rigoureusement démontré dans les huit articles que nous avons consacrés à Akademi kreyòl ayisyen de 2015 à 2025, l’AKA a pris la configuration d’un erratique fantasme institutionnel qui se réveille chaque année d’un profond et systémique coma pour se livrer à quelques maigrichons rituels commémoratifs (journée internationale de la langue maternelle, etc.) ponctués de-ci de-là de slogans aussi creux que lunaires et virtuels (« bay kreyòl la jarèt »). Il est attesté que l’Akademi kreyòl ayisyen n’a aucun impact sur la société haïtienne, elle ne joue pas le rôle de « guide encadreur » de l’aménagement du créole dans l’espace public, dans les médias, dans le système judiciaire, dans les universités, dans les ordres professionnels, dans la rédaction des manuels scolaires créoles et dans le système éducatif national. L’on observe que l’Akademi kreyòl ayisyen, enfermée dans la sphère de l’idéologie, navigue dans l’espace du déclaratif, de l’« allégatif », celui des slogans et de l’« oraliture », au fil d’une vision de l’aménagement du créole qui privilégie la… « militance » et les œcuméniques professions de foi. Exemple : l’on cherchera en vain sur le site Web de l’Akademi kreyòl ayisyen un bilan analytique et chiffré de présumés programmes qu’elle aurait « inspirés » ou accompagnés (1) dans le domaine de la formation des enseignants en didactique du créole langue maternelle ou (2) dans le domaine de l’élaboration d’outils didactiques en créole. La grande section « Dokiman » du site Web de l’Akademi kreyòl ayisyen –qui comprend les sous-sections « Piblikasyon », « Bilten », « Rejis liv », « Rapò anyèl » et « Dokiman ofisyèl »–, est entièrement muette sur la formation des enseignants en didactique du créole langue maternelle et sur l’élaboration d’outils didactiques en créole alors même que ce sont là des domaines essentiels et relevant de l’aménagement du créole. Autre exemple : le site Web de l’Akademi kreyòl ayisyen comprend un miraculeux « Kaye Akademi an » (nimero 1, desanm 2024) publié à l’occasion du « Dizyèm anivèsè AKA ». Cette vertueuse publication a le grand mérite d’illustrer sur plusieurs registres combien l’Akademi kreyòl ayisyen poursuit allègrement une toute mutique navigation dans l’espace du déclaratif, celui des slogans et de l’« oraliture », en dehors d’une vision de l’aménagement constitutionnel du créole conformément au « Préambule » et aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987.
Voici, à titre indicatif, les articles que nous avons consacrés à l’Akademi kreyòl ayisyen de 2015 à 2025 :
1. « Accord du 8 juillet 2015 – Du défaut originel de vision à l’Académie du créole haïtien et au ministère de l’Éducation nationale » (Potomitan, 15 juillet 2015).
2. « Maigre bilan de l’Académie du créole haïtien (2014-2019) : les leçons d’une dérive prévisible » (Le National et Potomitan, 5 avril 2019).
3. « Bilan quinquennal truqué à l’Académie du créole haïtien » (Rezonòdwès, 9 décembre 2019).
4. « L’Académie du créole haïtien et la problématique de la langue maternelle créole » (Madinin’Art, 14 février 2020).
5. « L’Académie du créole haïtien : autopsie d’un échec banalisé (2014 – 2022) » (Médiapart, 18 janvier 2022).
6. « Journée internationale du créole 2024 : la vision indocte et rachitique de l’Akademi kreyòl ayisyen mène une fois de plus à une impasse » (Rezonòdwès, 19 octobre 2024).
7. « L’Akademi kreyòl ayisyen recycle une fois de plus ses vieilles recettes et sectarise son incapacité à aménager le créole » (Rezonòdwès, 20 février 2025)
8. « Actualisation du bilan de l’Akademi kreyòl ayisyen : entre « zanno dekoratif », aphonie, strabisme et momification » (Madinin’art, 31 juillet 2025).
L’on observe en toute rigueur que deux microstructures lourdement démunies et défaillantes sur le plan scientifique –Wikimédia Haïti et l’Akademi kreyòl ayisyen–, ont conclu un « partenariat stratégique » qui est au fondement d’une nouvelle arnaque institutionnelle dont l’aménagement du créole fera les frais une fois de plus. En effet, ces deux microstructures allèguent que leur « partenariat stratégique » participerait d’« une véritable infrastructure mondiale de la connaissance », Wikipédia, instance au sein de laquelle « le créole haïtien doit impérativement affirmer sa présence ». L’action conjuguée de Wikimédia Haïti et de l’Akademi kreyòl ayisyen, qui vise présumément à « transformer la visibilité de la langue, constituerait un prétendu « jalon historique destiné à affirmer l’existence numérique du créole ». L’observation de terrain atteste que le créole n’a guère atteint le prétendu stade d’un « jalon historique » : avec le « partenariat stratégique » institué entre Wikimédia Haïti et l’Akademi kreyòl ayisyen, nous sommes plutôt en présence d’une « bulle algorithmique » virtuelle, d’une opération cosmétique à géométrie variable, autrement dit d’une nouvelle arnaque institutionnelle dont l’aménagement du créole fera les frais une fois de plus…
Car ce qu’oblitère confusément ledit « partenariat stratégique » –qui est l’avatar d’une nouvelle arnaque institutionnelle fabriquée par deux microstructures lourdement démunies et défaillantes sur le plan scientifique–, c’est sa prétention d’aménager le créole dans l’espace indistinct du Web, à tous les étages d’Internet, à défaut de l’aménager dans l’espace public et dans le système éducatif national conformément au « Préambule » et aux articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. Cette nouvelle arnaque institutionnelle s’inscrit tout naturellement dans la tradition des partenariats cosmétiques dont l’Akademi kreyòl ayisyen est friande et elle illustre à visière levée la perduration des diverses variantes du populisme linguistique en Haïti. NOTE – Sur la tradition de partenariat cosmétique à l’AKA, voir notre article « Accord du 8 juillet 2015 – Du défaut originel de vision à l’Académie du créole haïtien et au ministère de l’Éducation nationale », Potomitan, 15 juillet 2015. Sur le populisme linguistique en Haïti, voir nos articles « Le créole, « seule langue officielle » d’Haïti : mirage ou vaine utopie ? », Potomitan, 7 juin 2018 ; « L’aménagement du créole piégé par le « populisme linguistique » des créolistes fondamentalistes », Médiapart, 28 février 2024 ; « L’unilatéralisme créole, promu par les Ayatollahs fondamentalistes au titre d’une politique d’État en Haïti, est une mystification », Médiapart, 28 octobre 2025.
Dans sa généralité, le populisme linguistique s’est institué à contre-courant des sciences du langage. Il consiste en une vision étroitement idéologique des faits de langue dans laquelle la catégorie « peuple » est donnée comme constituant définitoire univoque et de l’ordre d’une essence. Le populisme linguistique parle « au nom du peuple » et ses pratiques discursives sont en lien direct avec le populisme comme vision générique des faits sociaux et mode de gouvernance de l’État. NOTE – Sur le populisme voir les références suivantes : « Le peuple comme sujet politique : analyse critique de la notion de « populisme » entre l’Europe et l’Amérique latine », thèse de doctorat de Felipe Linden, École doctorale de l’École des hautes études en sciences sociales, 2 décembre 2024 ; « Discours populistes et sur le populisme : entre auto- et hétéro-désignations », par Nora Gattiglia, Silvia Modena et Stefano Vicari, revue Espaces linguistiques, numéro 7, 2024 ; Patrick Charaudeau, « Réflexions pour l’analyse du discours populiste », dans Mots. Les langages du politique, n° 97 : « Les collectivités territoriales en quête d’identité », 2011 ; Patrick Charaudeau, « Le discours populiste, un brouillage des enjeux politiques », Éditions Lambert-Lucas, 2022 ; Marie-Anne Paveau, « Populisme : itinéraires discursifs d’un mot voyageur », revue Critique, n° 776-777, 2012 ; Stefano Vicari, « De quelques représentations linguistiques ordinaires de ‘’populisme’’ dans la presse française et italienne : une analyse contrastive » in Carmen Marimón Llorca, Wim Remysen & Fabio Rossi (dir.), « Les idéologies linguistiques : débats, purismes et stratégies discursives », Berlin, Peter Lang, 2021.
RAPPEL – L’on observe qu’en Haïti le populisme linguistique est un corps d’idées polarisantes et discriminantes qui charrie (1) la négation de l’historicité de notre patrimoine linguistique historique bilingue français-créole, (2) le rejet partiel de l’article 5 et le rejet total de l’article 40 de la Constitution haïtienne de 1987 et ce rejet aboutit (3) à la promotion inconstitutionnelle et exclusive de l’unilatéralisme créole au titre d’une politique d’État (voir notre article précédemment cité, « L’unilatéralisme créole, promu par les Ayatollahs fondamentalistes au titre d’une politique d’État en Haïti, est une mystification », Médiapart, 28 octobre 2025). Le populisme linguistique se caractérise également par la promotion de l’idée frauduleuse de la « guerre des langues » en Haïti couplée à la promotion d’une « fatwa » contre la prétendue « langue du colon », le français, stigmatisée au titre d’une pseudo « gwojemoni neyokolonyal » (« hégémonie néocoloniale ») défendue notamment par quelques individus éduqués en français en Haïti puis formés dans les universités américaines. Le populisme linguistique se caractérise aussi par la récitation itérative d’un bréviaire dans lequel sont abolis les droits linguistiques des locuteurs haïtiens ainsi que le partenariat linguistique créole-français fondé sur les articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. L’une des variantes du populisme linguistique –connue sous l’appellation « l’idéologie linguistique haïtienne »–, a été étudiée par le sociolinguiste et sociodidacticien Bartholy Pierre Louis dans sa thèse de doctorat soutenue avec succès en 2015 à l’Université européenne de Bretagne, « Quelle autogestion des pratiques sociolinguistiques haïtiennes dans les interactions verbales scolaires et extrascolaires en Haïti ? : une approche sociodidactique de la pluralité linguistique » (tome 1 : 551 pages ; tome 2 : 125 pages) : voir notre article « Le créole et « L’idéologie linguistique haïtienne » : un cul-de-sac toxique » (Madinin’art, 27 mars 2020).
Il faut prendre toute la mesure que le populisme linguistique, en Haïti, a conduit à des impasses institutionnelles et qu’il a offert un large boulevard à des dérives politiques diverses et majeures. Ces dérives sont identifiables sur plusieurs registres et dans différents domaines : (a) la tentative bancale d’introduction d’un erratique LIV INIK AN KREYÒL dans le système éducatif national ; (b) la décision du ministère de l’Éducation nationale de ne subventionner que les manuels scolaires rédigés en créole ; (c) le support politique public accordé par le MIT Initiative Project au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans le dossier du PSUGO ; (d) le plaidoyer inconstitutionnel de certains membres de l’Akademi kreyòl ayisyen pour l’imposition de « yon sèl lang ofosyèl ann Ayiti » ; (e) la tentative frauduleuse du MIT Initiative Project de légitimer, dans le système éducatif national, une « lexicographie borlette » totalement inconnue de la lexicographie professionnelle ; (f) le déni et le refus multifacette de l’État haïtien d’élaborer une Loi régissant les deux langues officielles d’Haïti, de légiférer pour en assurer la mise en œuvre et d’encadrer, au plan administratif, l’aménagement des deux langues du patrimoine linguistique historique d’Haïti, le créole et le français. L’on observe ainsi que le populisme linguistique a des effets mesurables au plan institutionnel et au plan idéologique, au plan de la gouvernance du système éducatif national et sur le registre d’une exoticisation / folklorisation aussi bien du créole que de l’aménagement du créole dans l’espace public et dans l’École haïtienne.
Depuis la parution en 2011 de notre premier livre consacré à la situation linguistique haïtienne, « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Éditions de l’Université d’État d’Haïti et Éditions du Cidihca), nous avons soumis à l’analyse critique les diverses dérives du populisme linguistique dans plusieurs articles. En voici une liste indicative :
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« Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Potomitan, 31 octobre 2018).
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« Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Potomitan, 14 février 2022).
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« Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO » (Médiapart, 23 mars 2022).
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« Financement des manuels scolaires en créole en Haïti : confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État » (Le National, 8 mars 2022).
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« L’aménagement du créole en Haïti et la stigmatisation du français : le dessous des cartes » (Le National, 3 mai 2022).
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« La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette » (Fondas kreyòl, 28 mars 2023).
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« La « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter en Haïti dans l’enseignement en créole des sciences et des techniques » (Médiapart, 3 juillet 2023).
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« L’aménagement du créole en Haïti à l’épreuve du « Cadre d’orientation curriculaire » du ministère de l’Éducation nationale » (Rezonòdwès, 27 août 2023).
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« Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste » (Rezonòdwès, 20 avril 2024).
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« La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 » (AlterPressse, 2 mai 2024).
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« Corruption au Fonds national de l’éducation : l’ULCC aux trousses de l’ancien directeur Jean Ronald Joseph » (Fondas kreyòl, 13 novembre 2025).
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« En Haïti, la corruption généralisée au Fonds national de l’éducation met encore en péril la scolarisation de 3 millions d’écoliers » (Rezonòdwès, 18 février 2025).
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« Corruption, détournement de fonds publics, népotisme : le Fonds national de l’éducation défie et échappe encore à la Justice haïtienne », (Madinin’art, 22 août 2025).
À contre-courant des sciences du langage, le populisme linguistique –loin de promouvoir une épistémologie des connaissances et des processus d’acquisition des connaissances en créole–, engrange avec constance un positionnement a-épistémique lourdement erratique, confus et improductif au creux d’une vision idéologisée et inconstitutionnelle de l’aménagement du créole en Haïti. L’allégation selon laquelle Wikimedia Haïti, en « partenariat stratégique » avec l’Akademi kreyòl, participerait selon leur fallacieuse vision d’« une véritable infrastructure mondiale de la connaissance » renvoie à la problématique centrale du mode de transmission des savoirs et des connaissances en créole –donc à un questionnement de nature épistémologique.
Plusieurs linguistes haïtiens –notamment Molès Paul, Renauld Govain, Lemète Zéphyr, Paultre Pierre Desrosiers–, ont fourni des contributions exploratoires et/ou transversales à une réflexion épistémologique sur la problématique centrale du mode de transmission des savoirs et des connaissances en créole. Nous allons les situer mais auparavant il est nécessaire de rappeler en quoi consiste la discipline dénommée épistémologie. Cela nous permettra de bien circonscrire la démarche exposée dans le présent article, à savoir une exploratoire intellection du mode de transmission des savoirs et des connaissances en créole.
L’épistémologie (du grec ancien ἐπιστήμη / epistếmê, « connaissance vraie, science » et λόγος / lógos / « discours ») est un terme polysémique qui recouvre des domaines d’études et des approches cognitives différentes selon les contextes linguistiques et culturels. « Si l’on traduit par notre mot « science » le mot grec ἐπιστήμη, l’épistémologie est, étymologiquement, la théorie de la science. Bien que la forme anglaise du vocable ait existé avant que le français ne l’assimile, c’est pourtant avec le sens différent et plus large de « théorie de la connaissance » qu’il est généralement utilisé par les Anglo-Saxons. Ce décalage sémantique n’intéresse pas seulement le linguiste ; il évoque une différence d’orientation significative, qui se retrouve aussi bien à l’intérieur même de l’épistémologie entendue au sens français. Sans doute ne qualifierions-nous pas volontiers d’« épistémologiques » des considérations sur la connaissance en général, ou sur des modes de connaissance s’éloignant manifestement de ceux qu’un large consensus désigne comme scientifiques. Néanmoins, l’épistémologie ne saurait non plus se réduire à l’examen purement technologique des méthodes spécifiques des sciences. Elle vise aussi à situer la science dans une expérience du savoir qui la déborde, à en évaluer la portée, à en dégager le sens pour l’ensemble de la pratique humaine. Il convient donc de dire que le mot français lui-même renvoie à deux styles de théorie de la science ; l’un, plus proche de la philosophie d’obédience américaine ou britannique, met l’accent sur les processus les plus généraux de la connaissance, sur leur logique, sur leur fondement ; l’autre, assez caractéristique des épistémologues français, et même continentaux, depuis la fin du xixe siècle, privilégie volontiers l’étude spécifique des sciences, voire du développement historique concret de leurs problèmes. On pourrait citer, à titre d’exemples typiques, Antoine Cournot, Henri Poincaré, Pierre Duhem, Ernst Mach, Federigo Enriques comme représentants de ce dernier style ; John Stuart Mill, Bertrand Russell, Karl Popper, Kazimierz Ajdukiewicz comme représentants du premier. Mais il ne s’agit, bien entendu, que d’orientations dominantes, et l’on trouverait aisément chez chacun d’eux des traits qui l’apparentent à l’autre tendance. Aussi bien faut-il reconnaître que le problème épistémologique ne peut être formulé complètement qu’en dégageant à la fois l’un et l’autre des thèmes que chacun des deux styles privilégie. C’est, d’une part, celui de la démarcation, ou de la spécificité, ou du sens propre d’une connaissance scientifique ; d’autre part, celui de la pluralité, de la singularité, voire de l’irréductibilité des différents domaines de la science » (Encyclopédie Universalis, n.d.).
Le site Web umvie.com, –dans l’article « Réflexion épistémologique : définition, enjeux et méthodes » daté du 18 mai 2024–, fournit un éclairage conceptuel additionnel fort instructif. En raison de sa pertinence pour notre exploratoire réflexion épistémologique sur la problématique centrale du mode de transmission des savoirs et des connaissances en créole, nous le citons longuement :
« Introduction
L’épistémologie est une branche de la philosophie qui se consacre à l’étude de la connaissance, de sa nature, de ses limites et de ses fondements. Elle cherche à comprendre comment nous acquérons des connaissances, comment nous les justifions, et comment nous pouvons distinguer le vrai du faux. Dans cet article, nous allons explorer la définition de l’épistémologie, ses enjeux et les méthodes qu’elle utilise pour parvenir à ses conclusions.
« Définition de l’épistémologie
L’épistémologie, ou théorie de la connaissance, est une discipline philosophique qui s’intéresse à la nature, à l’origine et à la validité de la connaissance. Elle cherche à comprendre comment nous pouvons savoir quelque chose, comment nous pouvons justifier nos croyances, et comment nous pouvons distinguer le vrai du faux. L’épistémologie se pose des questions telles que : Qu’est-ce que la connaissance ? Comment acquérons-nous des connaissances ? Comment pouvons-nous être certains de nos connaissances ?
« Enjeux de l’épistémologie
Les enjeux de l’épistémologie sont multiples et cruciaux. En effet, la connaissance est au cœur de notre vie quotidienne, de nos décisions, de nos actions. Comprendre comment nous acquérons des connaissances, comment nous les justifions, et comment nous les utilisons est essentiel pour éviter les erreurs, les préjugés, et les croyances irrationnelles. L’épistémologie nous permet de réfléchir sur la validité de nos croyances, sur la nature de la vérité, et sur les limites de notre connaissance.
« Méthodes de l’épistémologie
Pour parvenir à ses conclusions, l’épistémologie utilise différentes méthodes, telles que l’analyse conceptuelle, la logique, l’argumentation, l’expérience, et la réflexion philosophique. L’analyse conceptuelle consiste à clarifier les concepts et les notions utilisés dans la discussion épistémologique, afin d’éviter les confusions et les malentendus. La logique permet de déduire des conclusions à partir de prémisses, et d’évaluer la validité des arguments. L’argumentation consiste à présenter des arguments en faveur ou en défaveur d’une thèse, en les évaluant de manière critique. L’expérience permet de confronter nos idées à la réalité, et de vérifier leur validité. Enfin, la réflexion philosophique consiste à questionner nos croyances, nos présupposés, et nos intuitions, afin d’en comprendre les fondements et les limites.
« Conclusion
En conclusion, l’épistémologie est une discipline essentielle pour comprendre la nature, l’origine et la validité de la connaissance. En se posant des questions sur la connaissance, sur la vérité, et sur la justification de nos croyances, l’épistémologie nous permet de réfléchir de manière critique sur nos idées, nos convictions, et nos certitudes. En utilisant des méthodes telles que l’analyse conceptuelle, la logique, l’argumentation, l’expérience, et la réflexion philosophique, l’épistémologie nous aide à distinguer le vrai du faux, le plausible du douteux, et le rationnel de l’irrationnel. En fin de compte, l’épistémologie nous invite à questionner nos croyances, à douter de nos certitudes, et à chercher constamment à améliorer notre compréhension du monde qui nous entoure. »
Au titre d’un champ disciplinaire scientifique qui consigne les fondements théoriques d’une intellection de la connaissance, l’épistémologie procède selon des critères méthodologiques : elle « utilise différentes méthodes, telles que l’analyse conceptuelle, la logique, l’argumentation, l’expérience, et la réflexion philosophique » (op. cit., site Web umvie.com).
Les critères méthodologiques en question prennent la configuration d’une concaténation, autrement dit d’un enchaînement logique : c’est la mise en chaîne, la succession, en particulier la succession des arguments, des causes et des effets, des termes d’un syllogisme. Ainsi il est pleinement justifié de poser que l’épistémologie va des connaissances communes et ordinaires à la connaissance scientifique, et la vulgarisation des connaissances scientifiques alimente en retour les connaissances communes. Celles-ci drainent une part de subjectivité et de croyances tandis qu’en son principe la connaissance scientifique est de l’ordre de l’observation, de la démonstration et de la validation. Les critères de l’épistémologie portent donc sur la validation de la connaissance, s’interrogeant sur sa nature (croyance vraie et justifiée), son origine (perception vs construction), sa portée (subjective vs universelle) et sa méthode (rigueur, objectivité, réfutabilité), en examinant la rationalité des sciences et les conditions sociales de la croyance, avec des approches variées comme le réalisme (correspondance à la réalité) ou le constructivisme (adéquation/utilité) (source : « Les principes de l’épistémologie », par Claudine Tiercelin (Collège de France, 2017-2018).
Cet ensemble de traits identifiant des notions et des définitions liées ainsi que la formulation des critères de l’épistémologie éclairent notre démarche et ils ouvrent la voie en direction d’une inédite typologie. Sur le registre d’une exploratoire réflexion épistémologique relative à la problématique centrale du mode de transmission des savoirs et des connaissances en créole, nous proposons une double classification : (1) la « transmission spontanée » des connaissances en créole, et (2) la « transmission planifiée et encadrée » des connaissances en créole. En proposant cette une double classification, nous ne perdons pas de vue le fait que nous sommes en quête d’une réponse théorique adéquate et satisfaisante sur une problématisation liée : la créolistique doit-elle élaborer une épistémologie créole ou une épistémologie haïtienne ou, sur un registre plus spécifique, une épistémologie de la transmission des connaissances en créole ? La littérature scientifique a bien enregistré l’existence de plusieurs « identités » dénominatives : dans le monde anglo-saxon, epistemology désigne la théorie de la connaissance, tandis que dans les aires francophones et en particulier en France l’épistémologie désigne une tradition de pensée au croisement de la philosophie des sciences et de la théorie de la connaissance.
La « transmission spontanée » des connaissances en créole recouvre, dans la vie de tous les jours, les transactions linguistiques habituelles entre les locuteurs créolophones au cours desquelles ils s’expriment sur divers sujets et qui ressortent de la culture, de la sociologie, de l’anthropologie et de la communication intra et extra communautaire. Les locuteurs créolophones abordent ainsi –sur les registres de l’oral, de la langue vernaculaire–, toute une variété de sujets (insécurité, élection/sélection, cherté de la vie, inondations, nutrition infantile, etc.). L’on observe ainsi, de manière générale, que la « transmission spontanée » des connaissances en créole, par un usage fonctionnel de la langue maternelle et usuelle, ne s’inscrit pas sur le registre d’un « magistère », d’une transmission formalisée comme c’est par exemple le cas au cours du compte-rendu verbal d’un match de football. À cet égard, il nous semble pertinent de soumettre l’idée que la « transmission spontanée », sur les registres de l’oral, d’un usage fonctionnel de la langue usuelle, est en lien avec les six fonctions du langage de Roman Jackobson. NOTE – Voir « Les fonctions du langage », par Louis Hébert (Université du Québec à Rimouski), paru en 2011 dans Signo, site Internet des théories sémiotiques : « Le modèle des fonctions du langage de Jakobson distingue six éléments ou facteurs de la communication nécessaires pour qu’il y ait communication : (1) contexte ; (2) destinateur (émetteur) ; (3) destinataire (récepteur) ; (4) contact ; (5) code commun ; (6) message. Chaque facteur est le point d’aboutissement d’une relation, ou fonction, établie entre le message et ce facteur. Ce sont, respectivement, les fonctions : (1) référentielle (« La terre est ronde ») ; (2) émotive (« Beurk ! ») ; (3) conative (« Viens ici ») ; (4) phatique (« Allô ? ») ; (5) métalinguistique (« Qu’entends-tu par “ krill ”? ») ; (6) poétique (« Schtroumf »). L’analyse des fonctions du langage consiste à stipuler, pour une unité (par exemple, un mot, un texte, une image), une classe ou un type d’unités (par exemple, un genre textuel ou imagique), la présence/absence des fonctions, les caractéristiques de ces fonctions, notamment leurs relations hiérarchiques et les autres relations qu’elles peuvent entretenir entre elles ». L’on observe ainsi que la « transmission spontanée » s’arrime nécessairement (mais pas exclusivement) au cinquième facteur du modèle jakobsonien, à savoir le « code commun » qui assure et est garant de l’efficience de la communication intracommunautaire. Mais par la combinatoire d’autres facteurs –(1) le contexte, (5) le code commun et (6) le message–, et au périmètre d’une histoire et d’une culture communes, la « transmission spontanée » peut drainer des segments de connaissance appartenant, certes de manière relative, au registre de la « transmission planifiée et encadrée ». Exemple : lors d’une conversation spontanée entre deux producteurs d’huile de vétiver dans la région des Cayes en Haïti, des fragments de connaissance du processus de production de l’huile de vétiver peuvent être identifiés au croisement d’une connaissance traditionnelle du processus transmise de génération en génération, et que l’on prétend être non scientifique, et de celui d’une connaissance issue du discours scientifique d’un agronome. L’on peut ainsi logiquement poser que la « transmission spontanée » des connaissances en créole se nourrit de fragments de connaissances du niveau de langue caractéristique de la « transmission planifiée et encadrée ». Ce qu’il faut surtout retenir, à ce niveau, c’est que la « transmission spontanée » des connaissances en créole est porteuse de connaissances multiples et variées et qu’elle participe de la cohésion sociale et mémorielle du pays et entre les locuteurs créolophones.
Sur le registre de l’anthropologie culturelle où se situent plusieurs traditions (« lodyans », « tire kont », pharmacopée, médecine populaire, etc., l’on peut avancer que les transactions langagières à l’œuvre dans la « transmission spontanée » des connaissances en créole est relativement normée : certaines règles de l’« oraliture » encadrent cette transmission pour la rendre pérenne. Ces règles vont de la fidélité à un « modèle » itératif verbalisé à celle d’un lexique dédié. Exemple : Marilise Neptune Rouzier a effectué des enquêtes ethnobotaniques sur la pharmacopée et la médecine traditionnelle haïtienne. Elle a d’abord recueilli des données orales qui ont ensuite été codifiées (normées) à l’écrit afin que la transmission, en passant du code oral au code écrit, accède à la légitimité institutionnelle de l’écrit. Marilise Neptune Rouzier est l’auteure de « « Petit guide médicinal du jardin », Banque mondiale, 1997 ; « Plantes médicinales d’Haïti : description, usages et propriétés », Éditions Regain, 2014 [1998] ; « La médecine traditionnelle familiale en Haïti : enquête ethnobotanique dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince », Éditions de l’université d’État d’Haïti, 2008 ; « Médecine familiale, point de jonction de la médecine traditionnelle et de la médecine conventionnelle », (par Marilise N. Rouzier et Lise-Marie Dejean), Perspectives Haïti, vol. 1, no 3, décembre 2012.
Quant à elle, la « transmission planifiée et encadrée » des connaissances en créole relève pour l’essentiel de la sphère institutionnelle (écoles, universités, ordres professionnels, institutions de l’État et du secteur privé, etc.), elle s’exprime de manière générale à l’écrit par le biais d’une ample gamme d’ouvrages scolaires et de livres de vulgarisation des savoirs et au moyen de toutes sortes de livres scientifiques. Elle s’exprime également à l’oral au moyen de séminaires dédiés, de campagnes thématiques à l’échelle régionale ou nationale, etc. La « transmission planifiée et encadrée » est à la fois une instance de production/accumulation des savoirs et une sphère de diffusion des savoirs, et règle générale elle est encadrée, normée, selon les critères habituels des discours dits « savants » ou académiques ou scientifiques ou techniques. La « transmission planifiée et encadrée » peut fréquenter plusieurs registres de langue allant du plus normé, « savant », au plus vulgarisé-grand-public, mais dans tous les cas de figure elle met en œuvre les mécanismes de la didactisation du créole (voir le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2021). Un exemple : le livre de l’historien et anthropologue Michel-Rolph Trouillot, « Ti difé boulé sou istoua Ayiti » (Koleksyon Lakansyèl, New York, 1977) a été élaboré, en créole, selon les principes méthodologiques de la science historique ; premier livre d’histoire haïtienne entièrement rédigé en créole, il se distingue également par son souci de faire liant entre la pédagogie et l’histoire comme science de (re)lecture analytique du passé. Ce livre a été élaboré dans un cadre institutionnel, une organisation culturelle haïtienne autrefois basée à New York, il a pris le chemin d’une institution de valorisation de la culture haïtienne, la Koleksyon Lakansyèl, et il occupe un registre « savant » du créole par le maniement inédit de notions et de concepts jusqu’ici formulés en français. NOTE – À propos du livre « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », voir le compte-rendu de lecture de Jean Euphèle Milcé, romancier, linguiste, « Parution en Haïti et au Canada du livre « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Le National du 20 juin 2021) ; voir aussi celui de Roody Edmé, « Créole : la longue marche » (Le National, 28 avril 2021) ; voir également celui de Alain Saint-Victor, « Langue créole, savoir académique et institutionnalisation : un débat toujours actuel » (Potomitan, 10 mai 2021). Voir l’article du linguiste Philippe Blanchet de l’Université de Rennes 2, « La « didactisation » du créole dans les prestigieux Cahiers internationaux de sociolinguistique » (Le National, 21 janvier 2022).
Dans le vaste domaine du système juridique haïtien, la « transmission planifiée et encadrée » des connaissances est unilingue, elle ne s’exprime qu’en français, y compris dans les tribunaux où les justiciables unilingues créoles sont pris dans la tourmente non normée de la « traduction-interprétariat » –sur le tas, au tribunal–, assurée par des juristes dépourvus de compétences professionnelles en traduction juridique. En plus de la négation totale des droits linguistiques des locuteurs créolophones, l’exclusion du créole de l’espace formel d’exercice du Droit haïtien francophone interpelle et interroge le Droit coutumier haïtien : comment introduire dans la culture juridique formelle et dans l’exercice du Droit devant les tribunaux le Droit coutumier haïtien en exercice dans la vie de tous les jours des locuteurs créolophones ? Dans le vaste domaine du système juridique haïtien et au regard de la « transmission planifiée et encadrée » des connaissances d’où le créole est exclu, la « transmission » semble naviguer dans un entre-deux, à l’instar d’un non-lieu langagier où la dominante est la translittération-interprétariat par le passage du français écrit mais oralisé devant les tribunaux (usage du Code civil, du Code criminel, etc.) à un registre de la langue créole, celui du justiciable au creux d’une « fracture juridique » que l’observation de terrain devrait permettre de décrire plus amplement. NOTE – Sur la « fracture juridique », voir l’étude du juriste Alain Guillaume, « L’expression créole du droit : une voie pour la réduction de la fracture juridique en Haïti », Revue française de linguistique appliquée XVI(1), juin 2011. Sur le Droit coutumier haïtien, voir Patrick Pierre Louis, « Le système coutumier haïtien », et « Le système juridique haïtien entre ordre étatique et ordre coutumier » articles parus dans « Genèse de l’État haïtien (1804-1859) », par Laënnec Hurbon & Michel Hector (dir.), Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 [C3 Éditions, 2024]. Voir aussi l’ouvrage collectif « De la place de la coutume dans l’ordre juridique haïtien / Bilan et perspectives à la lumière du droit comparé », sous la direction de Gilles Paisant, Presses universitaires de Grenoble, 2013.
La « transmission planifiée et encadrée » des connaissances en créole est amplement ancrée dans les mécanismes de la didactisation du créole mais la jonction théorique avec le socle épistémologique ne semble pas encore explicitement établie. Cela s’explique éventuellement par le fait que l’enseignement de l’épistémologie, celui de la philosophie du langage, est relativement nouveau dans les universités haïtiennes. Exemple : à la Faculté de linguistique appliquée le linguiste-sémanticien Molès Paul –responsable du GRESKA, le laboratoire de recherche sur la sémantique du créole–, dispense un cours intitulé « Philosophie du langage ». Les objectifs de ce cours s’énoncent comme suit : « (a) Étudier les éléments fondamentaux de la réflexion philosophique du langage. (b) Réfléchir sur les questions liées à la nature du langage, au rapport du langage avec la réalité et l’action. (c) Poser le problème du rapport entre la linguistique et la philosophie du langage en partant des réflexions de Benveniste (1958, 1963, 1966) ». L’on observe qu’au terme de cet enseignement l’étudiant sera pourvu d’une adéquate formation de premier niveau : cela pourrait l’inciter à poursuivre une formation plus poussée (de niveau maîtrise puis doctorat) en épistémologie du langage d’une part. Et, d’autre part, cela pourrait à terme conduire le GRESKA, le laboratoire de recherche sur la sémantique du créole, à greffer à son projet initial celui d’une spécialisation en épistémologie du langage au sein de la Faculté de linguistique appliquée.
L’apport du linguiste Lemète Zéphyr est consigné dans plusieurs publications, notamment (a) « Pwoblèm pawòl klè nan lang kreyòl » (Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2008) ; (b) « Kritè fòmèl pou kole mo, dekole mo », paru dans « Le créole haïtien : description et analyse », par Renauld Govain (dir.), Éditions l’Harmattan, 2017 ; (c) « Kondisyon ki nesesè pou edikasyon fèt an kreyòl ann Ayiti » paru dans « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021). L’une des contributions majeures de Lemète Zéphyr à la créolistique et à l’épistémologie est consignée dans son article titré « Kritè fòmèl pou kole mo, dekole mo » : il expose les critères, le cadre théorique de la formation/transcription des mots créoles sur le registre de ce qu’il est convenu d’appeler le créole « savant ».
L’apport du linguiste Renauld Govain est consigné dans diverses publications, notamment (a) « Enseignement du créole à l’école en Haïti : entre pratiques didactiques, contextes linguistiques et réalités de terrain », in Frédéric Anciaux, Thomas Forissier et Lambert-Félix : voir Prudent (dir.), Contextualisations didactiques. Approches théoriques, Paris, L’Harmattan, 2013 ; (b) « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti », revue Contextes et didactiques, 4, 2014 ; (c) « Le créole haïtien : description et analyse », Paris, Éditions L’Harmattan, 2018 ; (d) « Enseignement/apprentissage formel du créole à l’école en Haïti : un parcours à construire », revue Kreolistika, mars 2021 ; (e) « Pour une didactique du créole langue maternelle », paru dans « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », par Berrouët-Oriol et al., Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021.
Dans l’article « « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » (revue Contextes et didactiques), Renauld Govain nous enseigne que « Le créole est officiellement introduit à l’école haïtienne en 1979. Son emploi dans le système éducatif n’a pas été facile. Il souffre encore d’un problème de méthodes, de méthodologies et de didactisation. Ce problème s’est davantage accentué avec la disparition en 1991 de l’IPN chargé de l’élaboration de matériels didactiques pour le système. Le créole a été l’objet de résistance et de réactions réfractaires et conservatrices de la part de l’ensemble des acteurs du système. Ces résistances et réactions réfractaires concordent avec les représentations et idéologies collectives et les résultats des actions de politique linguistique arrêtées en Haïti qui ne sont pas toujours en faveur de la langue. Néanmoins, il [le créole] a toujours été (et est) un facilitateur dans le processus d’enseignement et d’appropriation de connaissances à tous les niveaux. Le cycle du nouveau secondaire dont l’expérimentation a débuté en 2007 est venu prolonger l’enseignement-apprentissage de la langue sur tout le cycle scolaire. Mais la problématique de la didactique du créole comme langue maternelle n’a pas été posée. Cela étant, on navigue encore dans des actions routinières qui ne sont pas éclairées par des méthodes élaborées mûrement construites sur la base d’une démarche réflexive de nature à réduire les chances de tâtonnement qu’on constate actuellement dans l’enseignement/apprentissage du créole à l’école en Haïti ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
À l’étape exploratoire de notre démarche réflexive/analytique, l’hypothèse que nous exposons est celle de l’ample lien conceptuel et méthodologique existant entre la transmission des savoirs et des connaissances en créole et la didactisation du créole. Sur ce registre, il y a communauté de vision entre Paultre Pierre Desrosiers (médecin anthropologue, linguiste, psychanalyste, spécialiste en santé publique) et nous, en particulier dans son étude au long cours, « La didactisation du kreyòl et les fondements d’une épistémologie ayisyenne : enjeux, limites et perspectives de décolonisation cognitive » (Médiapart, Paris, 18 décembre 2025). En raison de sa haute pertinence, de son rigoureux cadre conceptuel et analytique, nous citons longuement l’article de Paultre Pierre Desrosiers. [Les soulignés en italiques et gras sont de RBO]
« La différence entre parler le kreyòl et apprendre en kreyòl est significative. Parler le kreyòl signifie utiliser la langue de façon naturelle et quotidienne pour communiquer, alors qu’apprendre en kreyòl implique d’utiliser la langue comme outil d’instruction et d’acquisition des connaissances scolaires et académiques. Apprendre en kreyòl demande une maîtrise approfondie de la langue, notamment dans ses usages cognitifs complexes comme la lecture, l’écriture, la conceptualisation et l’argumentation.
« Dans le contexte ayisyen, bien que presque tous les enfants parlent couramment le kreyòl dans une optique fonctionnelle dès leur plus jeune âge, ils n’ont pas ou peu accès à un kreyòl didactiquement adapté qui permette l’acquisition de ces compétences opérationnelles. Sans cette maîtrise opérationnelle en kreyòl, les enfants rencontrent une fracture cognitive grave, car ils doivent souvent apprendre en français, langue moins familière, ce qui constitue une barrière à l’apprentissage.
« Ainsi, l’idée que parler le kreyòl suffit pour apprendre naturellement en kreyòl est une erreur conceptuelle majeure qui confond ces deux niveaux de maîtrise. La didactisation du kreyòl vise précisément à doter la langue des outils et des ressources qui permettront son usage comme langue d’enseignement opérationnelle, c’est-à-dire capable de soutenir les apprentissages scolaires et cognitifs complexes indispensables à une éducation de qualité.
« L’épistémologie ayisyenne est définie comme une construction langagière : un système de connaissance émergent, ancré dans le kreyòl didactisé, capable d’articuler traumas, identité et réalités socio-politiques ayisyennes. Elle oppose une épistémologie du lien – inspirée de traditions comme le lakou – à la violence positiviste occidentale, favorisant une théorisation endogène des savoirs.
« L’article plaide pour une refondation éducative centrée sur la didactisation urgente du kreyòl : normalisation terminologique, formation pédagogique et curricula adaptés pour libérer une épistémologie autonome. Cela vise une reconstruction cognitive et nationale, corrigeant la “colonisation cognitive” et promouvant une justice épistémique via l’usage opérationnel de la langue maternelle.
« Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue, soutient l’idée d’un aménagement linguistique rigoureux du kreyòl ayisyen. Il insiste sur le fait que la didactisation met l’accent sur le développement de lexiques disciplinaires (mathématiques, sciences, droit), de ressources terminologiques normalisées et d’une politique linguistique d’État cohérente avec la législation contraignante. Il met l’accent sur l’importance de normaliser les lexiques disciplinaires en kreyòl, en particulier pour favoriser l’émergence d’une épistémologie propre à Haïti, tout en mettant en place des outils rigoureux qui évitent l’aventurisme linguistique. Son approche implique un dialogue entre kreyól et français, avec une vision d’équité, refusant la prédominance exclusive du français et affirmant la souveraineté linguistique et cognitive des locuteurs kreyólophone. Enfin, Berrouët-Oriol met en avant un plan national d’aménagement linguistique, avec des mesures concrètes à court et moyen terme, pour une refondation pédagogique et politique du système éducatif ayisyen.
« Sans lexiques spécialisés, le kreyòl reste confiné à l’usage quotidien, incapable de nommer des concepts complexes. Berrouët-Oriol propose une méthodologie notionnelle (dépouillement de corpus, équivalence notionnelle, nomenclature) pour élaborer des terminologies thématiques conformes aux standards internationaux, tels que UNTERM. Cela combat l’amateurisme et intègre la didactisation dans une rigueur scientifique, en évitant le ‘voyage monte’ idéologique.
« Aujourd’hui, trois ensembles d’usages fondamentaux sont remplis par le kreyòl fonctionnel. Il est principalement utilisé pour les échanges spontanés tels que les interactions quotidiennes, les négociations familiales ou communautaires et la gestion des relations sociales. C’est une langue efficace pour la coordination immédiate et l’expression des intentions ou des besoins concrets. Il permet d’organiser la vie quotidienne : planifier, instruire, décrire, commenter, sans pour autant mobiliser des formes d’abstraction formelle. Sa logique est principalement contextuelle, immédiate et basée sur des références partagées.
« Le kreyòl, en l’état actuel de son développement didactique, ne dispose pas encore d’un système normalisé de concepts théoriques permettant d’exprimer de manière précise les notions complexes en mathématiques, en physique, en biologie, en logique ou en philosophie. La nomination, la classification et la stabilisation des abstractions scientifiques sont entravées par cette absence. L’argumentation logique, la démonstration, l’explication causale ou la structuration rigoureuse d’un raisonnement nécessitent un outillage linguistique spécialisé que le kreyòl fonctionnel ne possède pas encore. Il devient donc ardu de formuler des analyses disciplinaires solides ou d’enseigner des concepts avancés. Le kreyòl fonctionnel reste fortement axé sur la communication orale et ne respecte pas les normes largement acceptées pour l’écriture académique, la formulation didactique et la production scientifique. Son usage dans l’enseignement, la recherche, la rédaction de manuels ou la communication savante est limité par l’absence de formalisation.
« La didactisation du kreyòl est essentielle pour développer une épistémologie ayisyenne véritable. Elle permet d’équiper la langue maternelle avec les outils conceptuels nécessaires pour nommer et comprendre le monde haïtien, ainsi que pour construire des discours scientifiques qui naissent de l’intérieur. Sans cette capacité à créer des concepts uniques, à fixer des termes précis, et à penser de manière abstraite, le kreyòl reste minoré sous l’emprise de la colonialité du savoir imposée par le français.
Cette épistémologie ayisyenne prend racine dans des paradigmes propres comme l’idéalisme vilokan ou la communalité du lakou. Ces paradigmes reflètent une résistance enracinée dans l’histoire sociale et une solidarité endogène, souvent laissées de côté par un système éducatif tourné vers l’extérieur. Des approches décoloniales, notamment celles inspirées par Florence Piron, défendent une “épistémologie du lien” qui valorise avant tout les relations locales, plutôt que d’adopter aveuglément des modèles étrangers. Pour aller plus loin, il est crucial d’inscrire ces savoirs locaux dans l’éducation afin de dépasser la “kreyólisation captive” et reconnaître pleinement les apports des populations bossales et ayisyennes.
« La didactisation du kreyòl ne se limite pas à une simple technique pédagogique, mais constitue une véritable transformation civilisationnelle et une révolution symbolique. Elle engage plusieurs acteurs clés tels que l’État, l’école, la recherche et l’imaginaire collectif, car elle implique une redéfinition profonde des rapports symboliques et politiques autour de la langue en Ayiti. Plus qu’une réforme technique, c’est un acte politique qui vise à décoloniser le savoir et à reconstruire une souveraineté linguistique et cognitive autour du kreyòl. Ce processus nécessite une coordination étatique forte pour élaborer et mettre en œuvre une politique linguistique claire et cohérente, avec une volonté politique affirmée. Il doit s’inscrire dans une dynamique d’aménagement linguistique structurée qui dépasse les simples gestes d’intégration ponctuels pour créer un véritable cadre institutionnel favorable à la reconnaissance et au développement du kreyòl dans tous les domaines éducatifs et scientifiques. Cette transformation impacte aussi l’imaginaire collectif, donnant une place centrale à la langue maternelle dans la construction identitaire et épistémique du peuple ayisyen.
« Ainsi, la didactisation du kreyòl apparaît ainsi non seulement comme un chantier technique relevant de la planification linguistique, mais surtout comme un projet civilisationnel d’une portée majeure. Elle engage une transformation profonde des structures symboliques, éducatives et politiques d’Ayiti, et requiert une mobilisation collective de l’État, des institutions éducatives, des chercheurs, des enseignants et des communautés. En dotant le kreyòl d’un appareil conceptuel, terminologique et didactique cohérent, la société ayisyenne se donne les moyens de dépasser l’héritage colonial encore inscrit dans ses pratiques linguistiques et cognitives, et d’ouvrir la voie à une véritable souveraineté intellectuelle. Ce processus dépasse largement l’amélioration des pratiques pédagogiques : il vise à refonder l’accès au savoir, à restaurer la dignité linguistique des locuteurs, et à permettre l’émergence d’une épistémologie endogène, ancrée dans les réalités socioculturelles ayisyennes. La didactisation du kreyòl devient ainsi une condition essentielle pour reconstruire un horizon culturel et scientifique propre, pour valoriser les ressources intellectuelles locales et pour élaborer un projet national fondé sur l’autonomie cognitive et la reconnaissance pleine et entière du kreyòl comme langue de connaissance, de recherche et de création.
(*) Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue, Ancien enseignant à la Faculté de linguistique appliquée,de l’Université d’État d’Haïti, Conseiller spécial au Conseil national d’administration du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH),Konseye pèmanan, Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA),Membre du Comité international de mise à jour du Dictionnaire des francophones
Montréal, le 18 décembre 2025.
