« La Rue de la honte », un film incontournable de Kenji Mizoguchi

Mercredi 18 décembre 2019 à 19h 30. Madiana.

Avec Machiko Kyô, Ayako Wakao, Michiyo Kogure
Genre Drame
Nationalité japonais
Date de reprise 31 juillet 2019 – Version restaurée (1h 25min)
Date de sortie 25 octobre 1957 (1h 25min)

Synopsis:
Le quartier de Yoshiwara, à Tokyo. Pendant que le parlement discute d’un projet de loi sur l’abolition de la prostitution, plusieurs femmes en vivent la réalité quotidienne, la plupart contraintes par un destin contraire. Dans cette maison de tolérance, où se croisent des messieurs élégants et d’autres moins, Yumeko loue ses charmes pour subvenir aux frais d’éducation de son fils. Ce dernier, quand il apprend l’activité de sa mère, l’abandonne et se détourne d’elle. Yasumi, quant à elle, désire réunir l’argent nécessaire pour faire libérer son père. Hanae a un mari au chômage, Mickey a été abandonnée par son concubin, un soldat américain, Yorie était traitée comme une esclave par son mari. Toutes rêvent d’échapper à leur condition et de pouvoir quitter la maison de tolérance…

La presse en parle :
aVoiraLire:
La mise en scène précise, sèche, élégante, freine la surcharge émotionnelle et l’emphase rhétorique pour observer sans ciller, de très près mais avec une espèce de recul, des situations qui invitent à la surenchère,

Les Inrockuptibles par Serge Cauvin
Dans son dernier film, chronique d’un bordel menacé de fermeture, Mizoguchi se surpasse pour dépeindre la brutalité des rapports sociaux avec une crudité inouïe. Le déchirant lyrisme des films à costumes laisse place à une violence sèche qui coupe le souffle. Plus que jamais, la prostitution, LE sujet du cinéaste, se révèle non la métaphore

Libération par Iasbelle Potel
Il y a du Renoir (amour des femmes et des modèles), du Rossellini (tentative de limpidité réaliste) et de l’Antonioni (approche du mystère) chez ce cinéaste résolument tourné vers l’Occident qui, aux côtés d’Ozu et de Naruse, inventa le cinéma au «pays du cinéma sans cinéma», comme le dit Jacques Rancière.[…] Jamais un jugement, une curiosité, une exploitation voyeuriste de leur condition. Rarement un tel sujet aura débouché sur une aussi splendide démystification.

Oeil-écran par la rédaction
Mizoguchi n’est jamais moralisateur : il ne porte pas de jugement, ne donne pas de solution miracle, son propos est essentiellement humaniste.[…] La Rue de la honte a connu un très grand succès, ce fut le plus grand succès de Mizoguchi des années cinquante.

Il était un fois le cinéma par Alain-Michel Jourdat
Mizoguchi en donne à voir une description naturaliste à la manière d’un Zola ou d’un Balzac. Comme Zola décrivant le « ventre de Paris », Mizoguchi éclaire avec la même acuité d’observation les « entrailles » d’une maison de plaisirs dont il explore tous les rouages.
La Rue de la honte est un beau film, intense, cruel aussi. (Kim Berdot)

Télérama par Philippe Piazzo
Dans ses films, Mizoguchi sublime ses femmes, qu’il dépeint comme des victimes, bien sûr toujours luttant pour préserver leur dignité, parfois jusque dans la mort. Humiliées par les hommes, écrasées par les conventions sociales, elles semblent appliquer le précepte que le père de Sansho transmet à son fils : ”Sois dur avec toi-même, généreux avec les autres.”
(…)L’aliénation des femmes : Mizoguchi restera fidèle à ce thème jusqu’à son dernier film, La rue de la honte, qui décrit, d’une manière cruellement réaliste le quartier des plaisirs de Tokyo : les femmes y sont des marchandises, ni plus ni moins. 

Institut Lumière par Jean Douchet
Quand Mizoguchi disait qu’avec La Rue de la honte il commençait à comprendre ce qu’on pouvait obtenir du cinématographe, c’est bien dans ce sens-là qu’il faut comprendre son travail : en aucun cas gommer le mélodrame, mais, au contraire, l’accentuer pour en faire surgir la vérité. Il se sert de l’émotion pour dévoiler le réel.

Le Monde par Bernard Eisenschitz
La beauté même se révèle comme un pion dans les rapports de force : il n’y a rien d’exaltant dans les plans merveilleux d’habillage d’une geisha (Musiciens de Gion) ou de maquillage devant une glace (Les sœurs de Gion, La rue de la honte), car la création de la beauté est un travail au service d’un objectif.
La dernière image de Mizoguchi (La rue de la honte) est celle d’une toute jeune prostituée faisant signe aux clients. ”Et les unes restent dans l’ombre, les autres vont au grand jour. On voit ceux-là mais les autres, ceux de l’ombre, on ne les voit pas”, concluait l’Opéra de quat’sous. Kenji Mizoguchi est né en 1898 et mort en 1956, à quelques semaines de Bertol Brecht, avec qui il avait tant en commun.