La Ribot torpille les frontières de la danse

— Par Muriel Steinmetz —

Le Festival d’automne propose un portrait de la chorégraphe madrilène, avec six productions revisitées et une création, toutes des pièces hors des sentiers battus.

Extravagante, excentrique, cérébrale et rigoureuse, la Ribot (57 ans), chorégraphe madrilène qui vit à Genève depuis 2004, croise les genres (performance, vidéo, installation en direct) avec brio. Le Festival d’automne propose un portrait d’elle. De son vrai nom Maria José Ribot, elle présente six productions, ainsi qu’une création intitulée Please Please Please, avec Mathilde Monnier et le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues. La pièce sera montrée demain soir à l’Espace 1789, à Saint-Ouen, puis au Centre Pompidou (du 17 au 20 octobre). On se souvient qu’avec Mathilde Monnier, déjà, la Ribot créait Gustavia en 2009, où, dans le genre burlesque, juchées sur de hauts talons, les cuisses nues, elles semblaient d’antiques figures de la déploration au chevet de la danse contemporaine, faisant mine de pleurer, au point que le public, à la longue, se payait un fou rire général. Si la Ribot vient de la danse classique (pratiquée à Madrid dès l’âge de 13 ans), elle a depuis beau temps jeté par-dessus les moulins le carcan académique. N’a-t-elle pas quitté son pays natal à la fin des années 1990, car elle y voyait stagner la danse ?
L’exposition « Se vende » propose 1 000 entrées sur son travail, enrichies de ses cahiers d’artiste

Performeuse plasticienne, elle est l’une des premières à avoir bravé les attendus scéniques en investissant musées et galeries d’art. Elle torpille les frontières, occupe l’espace, désaliène le regard, renverse les normes. Elle prend, par exemple, un malin plaisir à mettre sur un pied d’égalité les éléments du décor, l’action et le corps du danseur. Quand elle filme, c’est moins le danseur que le mouvement lui-même qu’elle ausculte. Elle pointe ainsi l’enveloppe de chair instrumentalisée, au profit d’une caméra animée de mouvements et d’intentions. Emblématiques de son goût de la subversion sont ses Pièces distinguées, déclinées depuis le début des années 1990. Il s’agit de brèves performances (numérotées et à vendre !) comme des tableaux vivants où elle peut mettre son corps à nu au plus près des spectateurs. Panoramix (durée trois heures), programmé en septembre, a rebattu les cartes de 34 d’entre elles, conçues entre 1993 et 2003, tandis qu’Another Distinguée (du 13 au 16 novembre, au Centquatre) embrasse les huit pièces constitutives de la cinquième série. L’exposition « Se vende » (la « Partie II » a lieu au Centre national de la danse [CND], à Pantin, jusqu’au 16 novembre) propose 1 000 entrées sur son travail, enrichies de ses cahiers d’artiste, montrés pour la première fois.

Les influences de la Ribot voyagent de Pina Bausch à Jérôme Bel en passant par Loïe Fuller, la photographe Cindy Sherman ou la romancière Virginie Despentes, sans oublier Goya « pour le noir » et Miro « pour le bleu ». Elle exprime sa colère contre l’enfer de Guantanamo dans Laughing Hole (c’était le 5 octobre) et sort des sentiers battus face au handicap dans Happy Island (du 7 au 9 novembre au CND).
(1) Renseignements au 01 53 45 17 00.

Source : L’Humanité.fr