« La psychiatrie française s’est en partie étiolée depuis 30 ans sous l’influence américaine »

— Par Aude Mazoue —

Au lendemain des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en France, les professionnels du secteur jettent un regard sans complaisance sur leur spécialité, passée de « pionnière et innovante » à moribonde. L’hégémonie américaine explique en partie ce déclin français. 

Au cœur de la tourmente franco-américaine, le DSM, (abréviation de l’anglais : « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders »). Ce manuel, qui répertorie les troubles mentaux, les diagnostics et les statistiques, élaboré par les Américains s’est invité dans la psychiatrie française dans les années 1980. « Au fil du temps, les normes que ce manuel véhicule ont fini par prévaloir dans le champ de la psychiatrie française. » 

L’ouvrage de référence, utilisé aux États-Unis par des cliniciens, des chercheurs, des compagnies d’assurances, des entreprises pharmaceutiques et les pouvoirs publics, est régulièrement actualisé en fonction des données collectées. Mais à l’occasion de sa dernière mise à jour en 2013, le document a suscité une grande défiance des praticiens français. Une majorité d’entre eux redoutent, en effet, que la classification américaine prive la psychiatrie de sa subjectivité. Ils craignent aussi qu’elle conduise à consommer toujours plus de médicaments et qu’elle formate la pensée des jeunes psychiatres. « L’être humain naît avec une quête de sens qui ne peut être étanchée par une injection de neuroleptiques ou quelques comprimés antidépresseurs », abonde la praticienne hospitalière.  

La fin du tunnel ?  

C’est précisément ce que le gouvernement tente de faire. À l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, Emmanuel Macron a annoncé, mardi, un certain nombre de mesures : remboursement de consultations de psychologues, création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques, soutien à la recherche. Des mesures qui peinent à convaincre certains syndicats. « C’est absolument scandaleux ce qu’on vient d’entendre, ça marque un mépris profond de notre profession et de la population », a tempêté Patrick Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP) auprès de l’AFP, vent debout notamment contre le passage obligatoire par un généraliste pour bénéficier de ce forfait. « On voudrait être associés, on ne l’est pas, ils décident de tout sans nous, avec des médecins », a plaidé pour sa part Christine Manuel, du SNP.  

Dans un communiqué, la Fédération hospitalière de France (FHF) se montre …

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