« La Nuit caribéenne », d’Alfred Alexandre, m.e.s. Ewlyne Guillaume, jeu Serge Abatucci & Philippe Calodat

Jeudi 10 Novembre 2022 – 19h30 Tropiques-Atrium

Texte : Alfred Alexandre
Mise en scène : Ewlyne Guillaume
Avec : Serge Abatucci, Philippe Calodat
Crédit photo : Ronan Lietar

Création 2022
Ils sont au chômage après avoir exercé le métier de « dogues » : hommes de main d’un parti politique. Deux frères de sang, deux « frères de couleur », deux dogues, deux chiens errants, chiens parmi les chiens… Chiens sans maîtres : voilà le malheur !
Frantz, est « l’éternel serviteur ». Collé à son île, il est inscrit dans la punition, la privation. Il choisit la vie à petit prix.
Quant à Georges, tout indique sa fragilité vitale, il est incapable de s’émanciper de sa souffrance, il est « otage de sa propre douleur ».
La pièce au-delà du « drame de la jalousie fraternelle » se termine par le meurtre de Georges tué par son frère… Dans une société au bord du précipice, il ne nous resterait donc plus qu’à nous entre dévorer ? Ou bien, s’agirait-il ici, de la venue annoncée des quatre cavaliers de l’apocalypse : vecteurs de bouleversements féconds ?

Production : Centre dramatique Kokolampoe, Scène conventionnée d’intérêt national – Mention Art et Création, Saint-Laurent du Maroni – Guyane, Cie KS and CO, compagnie conventionnée

Soutiens : Ministère de la Culture – Dac Guyane, Ville de Saint-Laurent du Maroni, Collectivité Territoriale de Guyane, Collectivité Territoriale de Martinique, Centre Culturel Sonis, Communauté d’Agglomération Cap Excellence, Collectif Terres d’Art

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Reprise d’un texte  de présentation du 21 octobre 2010 par Roland Sabra

[…]Un texte fort, comme un cri de haine, de désespoir, de fureurs, de mensonges, de crimes, de viols et de dissimulation. Deux frères, des laissés pour compte des lendemains qui chantent, trainent leur déclassement social entre terre et mer. Le leader maximo du parti pour lequel ils s’étaient engagés dans le Service d’ordre( SO) a passé de petits arrangements avec l’ennemi de classe, et somme toute s’en accommode plutôt bien. Ils font penser à George et Lennie du livre de Steinbeck Des souris et des hommes dont on a vu une adaptation au petit théâtre de foyal il y a peu. Frantz est l’ainé, il a élevé son cadet Georges; il existe un lourd contentieux entre les deux frères et la haine est un ciment solide qui unit ces deux paumés. L’effondrement des repères symboliques qui les soutenaient se coagule avec la disparition de l’espérance d’un monde autre, le renoncement à une attente eschatologique; l’abandon du rêve d’un monde meilleur, d’un monde dans lequel les derniers auraient pu être les premiers. Frantz et Georges sont les scories d’une prophétie qui ne s’est pas réalisée. Et comme le dirait le sapeur Camenbert «  passées les bornes, y’a plus de limites ». Si la parole n’a plus de sens, elle ne peut plus borner les actes, les contenir, les retenir, se substituer aux plus violents d’entre eux. Le lien social se délite et le passage à l’acte remplace les mots. La trahison des idéaux est redoublée d’une trahison du lien fraternel. Si Frantz et Georges sont des salauds, ils sont à la fois victimes et auteurs de la saloperie dans laquelle ils sont tombées.

Le texte de Alfred Alexandre est un texte noir, sans concession, sans apitoiement dilatoire, sans complaisance aucune et d’une grande efficacité dans la description d’un univers dans lequel l’espérance semble avoir désertée.

 

Lire aussi : « La nuit caribéenne » : la mise en scène est un art difficile.  — par Roland Sabra — texte du 25/10/2010

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Ewlyne Guillaume

Directrice artistique de la compagnie KS and CO qu’elle fonde en 1993, Ewlyne Guillaume commence par la danse avec Josiane Antourel et la danse dans le drame avec le travail sur le masque avec Michel Bourgade.
Elle participe à la vie théâtrale en Martinique et en Guadeloupe avec plusieurs compagnies.
En collaboration avec la Russie, Ewlyne Guillaume est invitée à Paris (1991) au théâtre de l’Atalante pour la traduction simultanée (russe/français) de Cinzano d’après Loudmila Petrouchevskaïa, mise en scène de R. Kozak.
Elle travaillera pendant plusieurs années avec des acteurs, pédagogues, metteurs en scène du théâtre d’Art de Moscou (MKHAT) et scénographes du Bolchoï :

  • Valery Firsov (Projet Martinique 96),
  • Igor Zolotovitski et Sergueï Zemtsov, au Théâtre-école du Passage dirigé par Niels Arestrup, à la Comédie de Béthune dirigée par Agathe Alexis et Alain Barsacq et dans le cadre du projet Martinique-Moscou qu’elle initie et qui se concrétise par un stage-audition réunissant des acteurs venus de Haïti, Guadeloupe, Martinique et débouchant sur le spectacle Hyménée d’après Gogol, mis en scène par Igor Zolotovitski et Sergueï Zemtsov. Elle est assistante à la mise en scène et traductrice du projet.
  • En 1996, elle est traductrice et assistante à la mise en scène d’Ici vivent des gens d’après Athol Fugard. Mise en scène : Sergueï Zemtsov.
  • Elle traduit des œuvres dramatiques du russe au français entre autres : La chasse au canard de A. Vampilov (aide à la création 1994) et Une place lucrative d’Alexandre Ostrovski.

Depuis 1997, elle travaille en Guyane avec sa Compagnie KS and CO. Ewlyne Guillaume a mis en scène une vingtaine de spectacles dont La Mandragore d’après Machiavel (2005), La Route de Zakès Mda (festival d’Avignon 2007), Koudip, montage de textes poétiques, création (2007), Les Bonnes de Jean Genêt (2013), À petites pierres de Gustave Akakpo (2015).
 
Elle met en scène chaque saison une à deux productions et coproductions de la Compagnie KS and CO.