« La Martinique aux Martiniquais » : l’affaire de l’OJAM

 —Par Christian Antourel —

Le dimanche 20 décembre 1959 chacun s’affaire aux préparatifs de noël quand intervient un banal accident entre le scooter d’un martiniquais et un automobiliste récemment arrivé de France. Un imposant groupe de curieux se rassemble aux abords du Central Hôtel, place de la Savane, et commente vivement l’incident alors que les deux personnes en cause en viennent aux mains. La C.R.S (Compagnie Républicaine de Sécurité) alertée, disperse la foule sans ménagement. Sans suivent deux nuits d’affrontement entre policiers martiniquais, et les CRS, pris à partis par des mécontents rapidement rejoints par de nombreux jeunes. Deux commissariats sont incendiés. Lors de ces émeutes les forces de l’ordre tuent 3 jeunes Martiniquais. Le lundi 21 : Edmond Eloi, dit Rosile, 20 ans, et Christian Marajo, 15 ans. Le Mardi 22 : Julien Betzi, 19 ans. Les appels au calme du Dr Pierre Aliker, 1er adjoint au maire et du Dr Camille Petit conseiller Général ne changent rien. La mèche est allumée ; l’ordre établit peut vaciller à tout instant. Le courant nationaliste, s’affirme à partir de ces évènements d’autant que les structures économiques et sociales sont dès lors profondément modifiées par des mesures gouvernementales visant à écarter une montée de la violence. Le Conseil Général de la Martinique, présidé par le socialiste Tertulien Robinel vote une motion pour réclamer une évolution statutaire de l’île en vue d’obtenir une plus grande participation a la gestion des affaires internes martiniquaises ; un statut proche de l’autonomie. « L’une des leçons politiques majeures de ces évènements sera l’émergence du mouvement nationaliste qui revendique aussi l’émancipation de la Martinique, le retrait des CRS, la réduction des impôts, l’extension de la Sécurité Sociale, l’application égalitaire France Martinique des allocations familiales. A ces revendications, l’état colonial répond par une volonté immédiate et répressive. Le BUMIDOM (Bureau des migrations des départements d’outre-mer) et le SMA ( Service Militaire Adapté) sont opérationnels. «  L’objectif est de vider le pays de ses forces vives » Mais le serpent martiniquais est tapi dans l’ombre. Les premières revendications indépendantistes en Martinique datent de 1962.

La Martinique aux martiniquais c’est l’affaire autour du « Manifeste de l’OJAM » (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique) Les 23 et 24 décembre 1962, le manifeste de l’OJAM est placardé dans toute la Martinique, il critique violemment le statut départemental et affirme, le moment venu de libérer le pays du carcan colonial. Sur les 18 étudiants martiniquais auteurs du manifeste interpellés, 13 sont incarcérés à Fresnes, condamnés pour atteinte à la sureté de l’Etat. Rodolphe Désiré, Renaud de Grandmaison, Henri Pied, Hervé Florent, Marc Pulvar, Joseph « Koko » René-Corail, Léon Sainte Rose, Charles Davidas, Roger Riam, Victor Lessort, Gesner Mencé, Henri Armougon, Manfred Lamothe, Guy Dufond, Guy Anglionin, Georges Aliker, Josiane Saint-Louis Augustin et Rol. Ils seront acquittés après 2 ans de procès. «  Les étudiants martiniquais en France ont joué un rôle importants dans l’évolution de la pensée politique en Martinique. Ils ont été souvent en première ligne de l’action militante, avec l’appui de la diaspora antillaise à Paris et le soutien logistique du FLN (Front de Libération Nationale) parti Socialiste algérien, fraichement victorieux en Algérie. »
Ce nouvel opus de la réalisatrice Camille Mauduech après le succès de «  Les 16 de Basse Pointe » ne devrait en aucun cas décevoir le spectateur.
Ce documentaire n’est pas de ceux sur lesquels on tombe au hasard d’un zapping sur sa télévision. Vous savez ces types de documentaires distractions, remplies de petits oiseaux ou de grosses bêtes. D’événements politiques, historiques ou géographiques, scientifiques de part le monde voire même préhistoriques, extraterrestres, ou phantasmés : Nous sommes de plain pied dans notre histoire, aux sources vives de notre devenir. Le tournage ne fait pas dans la reconstitution avec le piège offert des docufictions qui agiraient pour produire l’illusion et s’autoriseraient de créer la réalité. Dans ce film didactique, présentant des faits  réels, pas de scenario plus ou moins brocantés, pour forcer l’illusion du réel, mais l’information prise dans l’écho des acteurs eux-mêmes. Aucun détail ne nous est épargné. Les témoins, sont les protagonistes de l’Affaire de l’OJAM ils sont les narrateurs du film, les héros de leur propre histoire. Ils livrent sans acrimonie un vécu tout vibrant encore en eux.
Même si les points de vue divergent, ou inévitablement, parfois les commentaires se superposent dans un écho, naturellement quelque peu répétitif et peut être pas vraiment nécessaire. Ils se complètent. Un document patrimonial raccordant dans le vif du sujet, le passé et le présent fusionnels, qui survient en pleine traversée de temps moroses. Christian Antourel Sortie à Madiana le vendredi 11 Février 2011.