La maison de Colette en danger

— par Janine Bailly —

Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette, est née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye et morte le 3 août 1954 à Paris. Femme de lettres, elle fut également mime, comédienne, actrice et journaliste, deuxième à être élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Son visage hante à Paris les fenêtres de l’appartement prenant vue sur le Jardin du Palais Royal, où Immobilisée par la maladie dans sa « solitude en hauteur », elle continuait d’écrire à partir justement de ces fenêtres, véritables « portes ouvertes sur le monde ». Colette, une femme libre, sur laquelle les légendes ont fleuri, la romancière en étant parfois à l’origine, qui nourrissait son oeuvre par sa vie et ses amours, durables autant qu’éphémères, licites autant que transgressives, féminines autant que masculines.

La maison natale de Colette

Située à Saint-Sauveur-en-Puisaye, petite bourgade non loin de la ville d’Auxerre, elle est classée monument historique et labellisée « Maison des illustres ». Actuellement propriété d’une association qui s’est mobilisée pour la sauver, elle s’est ouverte au public en mai 2016. Dans « La Retraite sentimentale » parue en 1907, Colette déclare son amour pour ce lieu de l’enfance et de l’adolescence : « Ma maison reste pour moi ce qu’elle fut toujours : une relique, un terrier, une citadelle, le musée de ma jeunesse… »

Mais aujourd’hui, la maison est en danger… Ce fut l’histoire d’une renaissance, c’est désormais le symbole de l’impasse dans laquelle se trouve le petit patrimoine. La structure, dont la restauration a été portée à bout de bras par l’association, n’a toujours pas rouvert ses portes… Modeste maison de Bourgogne, le bâtiment s’accommode mal des nouvelles règles sanitaires, qui réclament 4 m2 minimum par visiteur : « Nous ne savons pas comment faire entrer des groupes dans une chambre qui fait 10 m2 », constate Frédéric Maget, directeur de la maison. « Pour traverser la crise, il nous faut trouver des moyens publics et privés afin d’éviter d’arriver à la fin de l’année avec un déficit qui pourrait conduire à une fermeture si la situation perdure », déclare Jean-François Bregy, le président de l’association. « Aujourd’hui, nous sommes encore au moment où on peut rattraper la situation. On ne demande pas des choses extraordinaire mais de nous soutenir suffisamment pour assurer la pérennité du site ». 

Le lieu reçoit habituellement 15 000 visiteurs par an. Les réservations pour les mois d’avril et mai ont dû être annulées, alors que certains jours jusqu’à 250 visiteurs étaient attendus. La saison estivale a commencé, les vacances approchent. Et la réouverture pour l’été est fort compromise !

Un appel à l’aide :

En entrant dans la maison de Colette, vous découvrez l’intérieur d’une famille bourgeoise de la fin du XIXe siècle. Pas de barrières ni d’aménagements muséographiques contemporains, mais l’intimité d’un lieu fidèlement restitué. En raison de la fragilité des espaces, les visites de la maison et des jardins ne peuvent se faire que par petits groupes constitués de 15 personnes maximum, accompagnées d’un guide. La visite dure approximativement une heure. Des départs ont lieu toutes les heures en semaine et jusqu’à trois fois par heure le week-end et pendant les vacances scolaires. Ceci en temps ordinaire, mais les donateurs, qui ont contribué en partie à la sauvegarde de la maison depuis 2010, ont reçu aujourd’hui ce message : 

« La fermeture de la « Maison de Colette » suite à la crise sanitaire mondiale, ainsi que l’annulation de toute notre programmation culturelle, ont des effets dévastateurs sur notre structure.

Lieu de naissance et de formation, la maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye fut pour Colette une école de vie. C’est là, auprès de sa mère Sido et au contact de la nature, qu’elle apprit à regarder  et à s’émerveiller, s’imprégnant de souvenirs et de sensations qu’elle n’aura de cesse, pendant  près d’un demi-siècle, de transcrire dans une une des proses les plus singulières et fascinantes de notre littérature.

« La maison de Colette » est gérée par une association qui ne reçoit pas de subvention publique de fonctionnement et qui, dès lors, est particulièrement fragilisée par la crise. Chaque année, elle doit trouver les fonds nécessaires à la conservation du bâtiment, à l’entretien des jardins, avec pour objectif de transmettre ce patrimoine au plus grand nombre, et de faire que qu’il demeure un lieu d’inspiration, d’échanges et de partages culturels au cœur de la Bourgogne.

Alors que de nouvelles réalisations étaient en cours — réhabilitation de la grange et des dépendances, installation d’un centre d’archives et d’une résidence d’auteurs et de chercheurs venus du monde entier —, tous nos projets sont aujourd’hui à l’arrêt. Nous dépendons entièrement de la vente des billets, des achats dans notre boutique ou de nos actions de mécénat. Sans ces ressources, nous pourrions bientôt ne plus être en mesure de conserver la maison et ses précieuses collections.

Depuis plus de trois mois, nos portes sont closes et la réouverture demeure incertaine en raison des règles sanitaires difficilement applicables dans une demeure aux pièces exiguës. La maison de Colette est aujourd’hui en danger ! Grâce à l’aide du gouvernement, nous avons pu placer notre personnel en chômage partiel et ainsi réduire en partie les charges de l’association, mais cela ne sera pas suffisant pour assurer la pérennité du site.

Nous traversons une période difficile, lourde d’inquiétudes, mais si vous avez la possibilité de nous aider, même modestement, nous vous en serions infiniment reconnaissants. Tous vos dons serviront à traverser cette crise et nous permettront de rouvrir et de continuer à transmettre la mémoire et l’œuvre de Colette.

Merci par avance de votre aide. Tous les dons sont les bienvenus. Nous avons besoin de vous ! »

Comment nous aider ? Pour nous soutenir dans cette épreuve et nous permettre de prolonger l’existence de la maison de Colette, vous pouvez faire un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu (60% pour les entreprises), et recevrez un reçu fiscal.
Nous contacter : Association « La Maison de Colette », 8-10 rue Colette, 89520 Saint-Sauveur-en-Puisaye, www.maisondecolette.fr, contact@maisondecolette.fr, 03.86.44.44.06. (lundi-mardi)

Colette, les films

« Colette » : Wash Westmoreland, réalisateur, scénariste, acteur britannique passionné depuis vingt ans par l’écriture de Colette, a porté à l’écran un moment fondateur de la vie de l’écrivaine. Anne de Jouvenel, la petite-fille de Colette, et sa légataire, l’a autorisé officiellement à utiliser tous les textes qui figurent dans le scénario. Le tournage ne s’est pas déroulé en France, à l’exception de quelques jours à Paris. Le Paris de la Belle Époque a été reconstitué à Budapest, et en studio.

Le film sorti mercredi 16 janvier 2019, et qu’on a pu voir ou revoir récemment à la télévision, dresse le portrait d’une femme rebelle et talentueuse. Intitulé simplement « Colette », il raconte l’époque-charnière pendant laquelle l’écrivaine vit avec Henry Gauthier-Villars, dit Willy : la jeune fille le rencontre en 1893 alors qu’il a quatorze ans de plus qu’elle, et l’épouse. Conscient de son talent, Willy l’autorise à écrire à condition de signer ses romans à sa place. Ainsi prend naissance la série des « Claudine ». Leur succès incitera Colette à s’émanciper, à écrire pour son compte, et les « Claudine » reparaîtront plus tard sous ce seul nom de plume qu’elle s’est choisi, à partir du patronyme de son père.

Le film montre bien que Colette, outre son importance dans la littérature française, est aussi un exemple d’émancipation féminine. Au-delà des « Claudine », son œuvre en donnera la preuve, il n’est que de penser à quelques-uns de ses titres, « Le blé en Herbe, Chéri, La fin de chéri, la Vagabonde, Le Pur et l’Impur… ». Wash Westmoreland est sensible aussi à la grande liberté de la femme en rupture de ban, qui au début du XXème siècle entretient une relation avec Mathilde de Morny, marquise de Belbeuf habillée en homme et se comportant en homme, connue sous le nom de Missy.

L’actrice Keira Knightley prête ses traits à Colette, incarnant avec grâce, conviction et fraîcheur, la jeune fille de dix-neuf ans, la jeune femme-enfant découvrant Paris, l’épouse adulte soumise puis libérée, la grande amoureuse, l’écrivaine indépendante, l’artiste de music-hall aux mimes parfois jugés scandaleux, enfin la rebelle de trente-quatre ans. Elle dit de son modèle : « Je l’ai tout simplement trouvée géniale. J’ai trouvé le personnage fascinant… ».

« Colette, une femme libre » :

Le téléfilm biographique en deux parties, réalisé en 2003 par Nadine Trintignant, et diffusé en 2004, est une biographie de Colette femme de lettres. il s’agit également du dernier rôle de Marie Trintignant, morte tragiquement peu avant la fin du tournage, fin juillet 2003.

1893. Colette a vingt ans et épouse Willy. Trahie, mais en quête d’une liberté totale et d’un amour infini, elle se réfugie dans l’écriture où elle s’invente une vie rêvée. Entre séduction, douleur, amour et souffrance, elle va apprendre l’indépendance et l’émancipation.

Colette, le documentaire

En 1952, Colette joue son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon. Il s’agit du seul film qu’elle ait interprété. « Dans son appartement du Palais-Royal, l’écrivaine s’entretient avec son mari Maurice Goudeket, qui lui fait part de son désir de tourner un film sur elle. Clouée dans son « lit-radeau » en raison d’une arthrite de la hanche, elle se fait prier malgré l’intérêt qu’elle porte à sa propre biographie. Elle passe en revue les diverses maisons qu’elle a habitées depuis son enfance. Les photographies des personnages qui ont compté dans sa vie défilent, Willy, sa mère Sido, Christine Kert, le pantomime Georges Wague. Jean Cocteau, son voisin et ami, lui rend visite ».

Fort-de-France, le 30 juin2020