La défiance vaccinale, l’autre épidémie qui se propage en France

Paris – Comment le pays de Pasteur est-il devenu l’un des plus anti-vaccins au monde? La forte défiance, née avant le Covid-19, se propage notamment avec des personnalités, parfois très connues, qui n’hésitent pas à relayer de fausses informations.

Lina (prénom modifié) ne se fera pas vacciner contre le Covid-19. Elle n’a d’ailleurs pas fait les vaccins obligatoires à son bébé de 6 mois: elle s’est débrouillée pour obtenir de faux certificats, ce qui est illégal. 

Cette artiste de 32 ans dit avoir rencontré, il y a quelques années, un jeune homme handicapé « à cause d’un vaccin« . Et depuis qu’elle est devenue mère, elle s’est « renseignée« . Elle a « navigué » sur internet, regardé des chaînes YouTube, parlé avec des amis. Sur le coronavirus, « on a tous le sentiment qu’on ne nous dit pas vraiment la vérité« , lâche-t-elle. 

Lina fait partie des plus radicaux parmi les anti-vaccins, mais ce groupe hétérogène a vu ses rangs grossir ces dernières années. Mi-2019, une enquête mondiale concluait que la France était le pays le plus sceptique envers les vaccins: un Français sur trois ne croyait pas qu’ils soient sûrs.  

Et selon un sondage Ifop publié dimanche par le JDD, 59% des Français n’ont pas l’intention de se « faire vacciner (contre le coronavirus) lorsque cela deviendra possible« . 

 

Pourtant, il y avait une « adhésion forte » aux vaccins en France, selon Jocelyn Raude, psychologue social à l’école des hautes études en santé publique. Le « basculement » a eu lieu en 2009, avec « le fiasco » de la grippe H1N1: des millions de personnes ont été vaccinées alors que maladie s’est révélée assez bénigne. Puis il y a eu le scandale du médicament Mediator, dans lequel les autorités sanitaires ont été mises en cause. 

Des figures anti-vaccin ont émergé: le professeur Henri Joyeux est le plus connu. En 2014 et 2015, il publie sur internet des pétitions anti-vaccin. Il organise des conférences: en 2017, il dénonce « la dictature vaccinale« . « Souvent invité à la télé, il a donné de la crédibilité » aux anti-vaccins, explique Jocelyn Raude. 

– « Pactole inimaginable » – 

Le coronavirus a accru la notoriété d’autres personnalités, dont les fausses affirmations sont régulièrement démontées par l’AFP.  

Parmi les plus suivies, avec plus de 500.000 abonnés à sa chaîne YouTube, Thierry Casasnovas. Ce crudivore adepte du jeûne démontre au fil de ses vidéos que « la maladie n’existe pas » et que l’on peut se passer de traitements médicaux conventionnels.  

Il est proche du Belge Jean-Jacques Crèvecoeur, dont la vidéo « Coronavirus – se soumettre ou se mettre debout » a été vue plus de 800.000 fois sur YouTube, qui l’a supprimée. 

Il y a aussi un ex-pharmacien, Serge Rader. « Sept milliards de personnes à vacciner, c’est un pactole inimaginable! (…) Toute cette peur volontairement amenée dans le mental des gens pour qu’à moment donné, on accepte le vaccin salvateur« , a-t-il lâché sur Sud Radio. 

L’acteur-humoriste Jean-Marie Bigard a interrogé sur Facebook: « Moi, je ne me ferai pas vacciner, je ne le sens pas et vous?« . Dans les commentaires, une longue série de propos anti-vaccin.  

La starlette de téléréalité Kim Glow connait également un certain succès. Début novembre, elle affirmait que le vaccin permettrait de nous injecter une puce: « ça va marcher avec la 5G« , a-t-elle assuré, à tort. 

« Le vaccin est le thème qui rassemble le plus les complotistes« , explique Antoine Bristielle, professeur agrégé en Sciences sociales.  

Mais la défiance vaccinale touche aussi des personnes simplement inquiètes de possibles effets secondaires. Antoine Bristielle les met en garde contre « les nombreux sites internet trompeurs« . 

« On ne sait pas qui est derrière certains sites. Ils singent des sites officiels pour créer de la confusion et se donner une forme de crédibilité« , explique Jocelyn Raude. Les autorités sanitaires ont payé, indique-t-il, « pour avoir un meilleur référencement de leurs sites sur Google face aux sites vaccino-critiques« . 

La géographe Lucie Guimier note des disparités régionales. « On pourrait croire qu’avec internet, tout est uniformisé. (…) Mais historiquement, le refus vaccinal est plutôt ancré dans le sud« . Elle relève le cas de Marseille: « l’idée s’est renforcée que c’est une ville rebelle face à l’Etat central. C’est assez dangereux en terme de santé publique« .  

Samia Ghali, deuxième adjointe à la mairie, a affirmé en septembre qu’elle refuserait le vaccin.  

« Les discours anti-vaccins de personnalités publiques font beaucoup de dégâts. Les gens se disent: +Ils sont au pouvoir, ils savent ce qui se cache derrière+« , s’inquiète Lucie Guimier.  

Source : AFP & lexpress.fr