« La Cérémonie d’Ymelda », un film documentaire de Laure Martin Hernandez

Le 18 janvier sur Martinique Première

Synopsis :

Ymelda vit dans un monde peuplé d’esprits invisibles qui habitent les grands arbres et les sources de la Caraïbe. Chanteuse née en Haïti, elle a été baptisée dans la religion Vaudou, avant d’émigrer en Martinique puis à Paris. 35 ans plus tard, elle entame une création musicale et un voyage initiatique au Togo en quête de ses racines mystiques.

Un docu de 52 minutes, produit par YN Production/La cuisine aux images (société basée à Lyon) et France Télévisions (via Martinique Première). Les images sont signées Christophe Adélaïde, Vianney Sotès, Teddy Albert et Laure Martin Hernandez. Le montage a été fait par Gaël Dufief. Le film a bénéficié du soutien de la CTM, du CNC et du programme DocMonde . Il a été tourné en Martinique, à Paris et au Togo.

Ymelda Marie-Louise (Martinique)

Ymelda Marie-Louise, auteure, chanteuse, comédienne. Née en Haïti, Ymelda habite en Martinique depuis sa pré-adolescence. Elle a débuté sa carrière de chanteuse dans le zouk et le compas avant de renouer avec ses racines musicales traditionnelles haïtiennes. Elle a signé cinq albums : Deux albums avec le groupe créative, un album compas et deux albums de « mizic rasin » (musique racine) qui mêlent des rythmes vaudou et traditionnels haïtiens au jazz ou au rock. La musique d’Ymelda est celle de toutes les rencontres possibles, de toutes les influences assumées. Passionnée de musique et de mots, elle a écrit deux contes pour enfants : « Simbi manman d’lo » parut en 2012 aux éditions Amalthée et « La saison Macaya de petit frère » en 2019.

Ymelda a fait ses preuves sur les scènes nationales et internationales. Elle a collaboré avec les plus grands musiciens de la Martinique et dans le monde. En 2016, elle produit un travail de recherche qui s’intitule « Déracinement ». L’objectif est d’enrichir le patrimoine musical et le répertoire caribéen en fusionnant avec d’autres genres musicaux. Une restitution de ce projet a eu lieu en mai 2018, cela a été un succès. Elle a été la lauréate de « 9 semaines et un jour » ce qui lui a permis de représenter la Martinique aux Francofolies avec la possibilité d’une tournée sur les scènes conventionnées de la Métropole.

Lauréate de la fabrique à chanson projet de la SACEM en 2017.

Lauréate en 2018 pour intégrer la cité internationale des arts et le couvent des récollets. Elle a souvent collaboré avec les Instituts Français de la Caraïbe et du Qatar. Ymelda est une artiste parrainée par Tropiques Atrium Scène Nationale et soutenue par la DAC et La CTM de la Martinique.

Laure Martin Hernandez

Laure Martin Hernandez est née sur une autre terre volcanique que la Caraïbe, l’Auvergne entre basalte noir et verte campagne. Enfant d’un métissage qui balance de la Wallonie, à l’Espanya en passant par la Normandie elle sait qu’il n’y a pas d’identité sans altérité. Dès l’âge de 14 ans elle décide de devenir journaliste. Elle fera Sciences Pô puis une école de journalisme dans laquelle au cours d’un stage elle rencontre un journaliste martiniquais qui l’invite à découvrir un autre volcan que celui du Puy de Dôme : la Pelée. Ce premier voyage hors d’Europe, la marque à jamais, éblouie par les paysages qu’elle ne peut oublier, elle reviendra s’y installer en 1997.

Sa filmographie s’articule autour de trois axes qu’elle décrit lors d’une interview recueillie par Serge Bilé « les femmes car elles sont encore trop dans l’ombre, la création artistique qui permet de toucher des thématiques profondes, et la nature, crise écologique oblige. » En 2014 et 2015 elle réalise trois documentaires consacrés successivement au plasticien Pierre Roy Camille, à la photographe Shirley Rufin et à l’immense Victor Anicet que l’on ne présente plus, avant de réaliser «  En première ligne » qui porte sur changement climatique dont souffre l’archipel des Grenadines. La dernière thématique se décline autour de deux documentaires très remarqués, en 2017 « Amazones, l’Art de revivre » sur le cancer du sein, autour d’un groupe de survivantes mené par Alexandra Harnais que l’on peut revoir en accès libre, et en 2019 le multi-récompensé dans de nombreux festivals, « Scolopendres et Papillons » qui traite de la reconstruction de trois martiniquaises survivantes d’inceste. Les thèmes « Femmes » et « Lieux de vie » sont abordés, en 2021, dans «  La Voix des Rivières » qui évoque les rivières de Martinique autrefois  « lieux hautement sociaux, cadres des conversations des lavandières, des parties de pêche, des pique-niques en famille, des premières approches amoureuses, des jeux d’enfants. » et aujourd’hui délaissées.

Elle répond à Madinin’Art :

Madinin’Art : Lors d’une résidence d’écriture au Vauclin en 2017 vous évoquiez dans la présentation de  ce film autour d’Ymelda » un voyage de retour au sources pour la chanteuse, en Haïti. Aujourd’hui le synopsis relate un voyage au Togo. Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce décentrement?

Laure Martin Hernandez :Effectivement il y a eu plusieurs versions pendant les 6 années qui m’ont été nécessaires pour mener à bien la réalisation de ce film. Celle à laquelle vous faîtes référence datait de 2017, et il a fallu, comme à chaque projet documentaire, s’adapter en permanence à la réalité, à l’évolution de la vie d’Ymelda (notamment son installation à Paris), à ses propres enjeux, et aux évènements extérieurs. Après cette version que vous citez, j’avais décidé finalement d’accompagner Ymelda dans son Lakou familial en Haïti, où elle avait prévu de mener une cérémonie en juillet-août 2020, mais en mars, le covid a surgi, fermant les frontières… Dans un premier temps, nous avions convenu de reporter la cérémonie (et son tournage), mais d’autres obstacles se sont dressés avec la dégradation de la situation en Haïti. Comme vous le savez, des bandes armées font la loi en ce moment et nos amis sur place, y compris des producteurs, et la famille d’Ymelda nous ont fermement dissuadées de venir. Il nous a donc fallu faire le deuil d’un tournage là-bas.

Pour autant, Ymelda ressentait l’urgence d’une cérémonie à accomplir. À Paris, elle s’était liée d’amitié avec une musicienne togolaise vaudouisante qui lui a proposé d’organiser pour elle une cérémonie d’initiation là-bas. Ymelda a accepté et m’a proposée de l’accompagner pour le film dont nous avions déjà commencé le tournage. J’ai réfléchi à ce nouveau développement au regard des mes intentions initiales. La dimension familiale devenait moins nette mais Ymelda allait à la rencontre du vaudou « originel ». Je savais que ce serait pour elle un moment fort en émotions et que je pourrai trouver sur place des éléments symboliques qui m’intéressaient depuis le départ. J’ai donc réécrit le film et proposé cette nouvelle version au producteur puis au diffuseur qui l’ont validée. Et nous avons tourné là-bas en mars-avril 2021.

Madinin’Art : Pouvez-vous évoquer ce qu’il en est de votre relation d’amitié avec la chanteuse?

Laure Martin Hernandez :Je l’ai rencontrée juste après mon arrivée en Martinique en février 1997 et nous sommes devenues des amies proches. Pendant toutes ces années, j’ai été le témoin de sa réappropriation de ses racines haïtiennes dans son art comme dans sa vie privée, et des tensions que cela pouvait générer dans sa famille, dans son entourage et pour elle-même. J’ai constaté que sa manière de vivre sa vie spirituelle n’avait rien à voir avec les clichés qui entourent souvent le vaudou. Moi-même, j’ai compris que mon regard sur cette religion avait été marqué, pollué, par les nombreux films d’horreurs américains (Angel Heart d’Alan Parker que j’avais vu à 17 ans, etc) et j’ai été très touchée par son rapport animiste à la nature, par la poésie des esprits qui habitent les éléments naturels. Ces échanges ont renforcé notre amitié qui a été déterminante dans le film. Ymelda dit que si ce n’avait pas été moi, elle n’aurait pas accepté ce tournage car c’est un domaine très intime qu’elle a livré et qu’il n’est pas toujours facile d’avoir une caméra braquée sur vous, surtout dans des moments intenses. Elle l’a fait parce qu’elle avait confiance en moi et qu’elle connaissait mes intentions. De mon côté, je lui ai promis d’accepter de retirer des éléments du film si elle les trouvait gênants pour quelque raison que ce soit. J’ai toujours considéré que notre amitié était plus importante qu’un film. Finalement, après le montage, Ymelda a été la première à voir le résultat et elle n’a demandé aucune modification. Et notre amitié a survécu à cette « épreuve » d’un film. Elle s’est même renforcée encore !