Jérusalem trois fois sainte et toujours réinventée

Carnets de route Jour 2

Le Saint Sépulcre

Selon la légende le Dôme du Rocher recouvre le mont Moryah sur lequel Dieu demanda à Abraham de sacrifier son fils Isaac il y a 3500 à 4000 ans de cela. Et c’est à Jérusalem que le Messie doit revenir. Pour les chrétiens la ville est le lieu de la mort de Jésus, de son tombeau et de sa résurrection. Pour les musulmans la ville est sacrée car Mahomet la veille de sa mort venant tout droit de La Mecque s’y est rendu en une nuit sur son cheval ailé, le buraq, afin de monter à partir du fameux rocher tout droit au paradis. Pour les arabes, le deuxième fils unique d’Abraham, Ismaël, serait le père de leur peuple. Le deuxième fils unique ? Je sais c’est un peu compliqué dès le départ. En deux mots. Sara l’épouse d’Abraham déjà bien avancée en âge et sans descendance pousse son mari dans les bras de la servante Agar. De cette étreinte ( renouvelée, on ne sait?) nait Ismaël, dont le nom signifie «  Dieu a entendu ». Plus tard Sara tombera enceinte elle aussi et donnera naissance à Isaac, ce qui veut dire «  Dieu a ri ». Comme je le soulignais l’affaire est compliquée parce que si Ismaël est bien l’ainé il est le fils de la servante Agar alors qu’Isaac est certes le cadet mais il est le fils légitime. Sara devenue entre temps Sarah va chasser la servante et son fils pour faire d’Isaac le seul héritier de son père. Je passe sur la date de la promesse de descendance faite à l’une avant la naissance et à l’autre après. Mais on le voit tout de suite le vers était dans le fruit. 4000 ans plus tard l’affaire n’est toujours pas réglée et elle a plutôt l’air de s’envenimer.

Le Dôme a été construit en 691. Cinq siècles plus tard, après la prise Jérusalem par les croisés le 15 juillet 1099, et l’assassinat de 40 000 habitants, vieillards, femmes et enfants compris, le lieu du Dôme est transformé en abbaye canoniale. Repris par les musulmans, embelli par Soliman le Magnifique, le Dôme en or dés l’origine a été pillé, reconstruit en plomb puis en aluminium doré avant de retrouver une couverture en or par les soins du roi Hussein de Jordanie en 1994. Au dessus du murs des lamentations sur la partie droite se dresse la mosquée El-Aqsa. Construite au VIIIème siècle elle sera transformée en palais par les Templiers avant de redevenir un lieu de prières. Elle est doté de colonnes de marbre offertes en 1939 par Mussolini.

Après le mur des Lamentations et l’esplanade des mosquées me voici devant le Saint Sépulcre. Dès l’entrée je tombe sur une scène quasiment d’idolâtrie. Des femmes, en grand majorité agenouillées sur le sol caressent longuement une pierre d’un peu plus de deux mètres de long sur un mètre de large, tout en récitant des prières. La pierre a été installée par les croisés plus de 1000 ans après ce à quoi elle est sensée avoir servie, la Déposition du corps du Christ. Je tairai le fait qu’elle a été remplacée en partie au XIXè siècle. La foi se passe de preuves. Tout de suite à droite par une petite porte en bois je me retrouve face à une vitre qui protège un morceau du Golgotha. Je m’assieds et je pose mes fesses sur la tombe de Godefroy de Bouillon, celui-là même qui commandait la troupe qui massacra les 40 000 hiérosolymitains au XIéme siècle. On qualifierait aujourd’hui un tel comportement de criminel de guerre. Mais bon pas d’anachronisme ! Là encore l’idolâtrie se manifeste. Les pèlerins se pressent pour toucher la roche du Golgotha.

Le tombeau, vide forcément vide du Christ est au centre d’une rotonde. Il y a la queue pour pour y accéder.

Il n’y a rien pour ainsi dire qui date de l’époque de Jésus. L’ensemble est une restitution, une recomposition du temps des croisades.

Le mur de séparation

En fin d’après-midi direction le checkpoint de Bethléem, non pas pour voir la basilique de la nativité mais pour voir le mur de séparation qui isole la Cisjordanie. Le passage du checkpoint est labyrinthique avec tours et détours, et contrôle d’identité. Attention à ne pas oublier son visa d’entrée. Un autre monde. A l’opulence succède la misère. La tristesse se lit sur les visages. Des papiers jonchent les rues. Le mur, huit mètres de haut est la signature d’un échec. Au passé. Au présent. Au futur. « Que tombent les murs » disiez-vous, chantiez-vous. Glissant, Chamoiseau, on ne vous entend pas. Le mur, surface d’expression des grapheurs comme un objet de débat : faut-il repeindre le mur et ainsi l’embellir ?

Je prends quelques photos. Des appels au secours. Des cris, des larmes et de la dérision cette forme supérieure de la critique.

Je fais demi-tour, je rentre en bus vers Ben Yehuda là où se trouve mon hôtel.

Le soir pour conclure la journée un succulent dîner dans un restaurant de juifs éthiopiens, improprement appelés Falashas puisqu’ils considèrent le terme qui signifie exilés en amharique comme péjoratif. Le nom juste est Beta Israël. Les plus purs des juifs ?

Le concept de pureté à sur les bras des millions et des millions de morts. J’abandonne.

Plus tard, un ami soldat me rejoins au restaurant. Il me propose de découvrir «  Jéru » comme il dit la nuit, ses rues envahit par une jeunesse qui danse, qui rit, qui fait la fête, qui aime. Le ou les shouks dit-il. C’est parti.

Jérusalem, je t’aime.

Juin 2016

R.S.

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