Jardins de Rêves, Alberto Giacometti /Salvador Dali

— Par Dominique Daeschler —

Abritée par l’institut Giacometti dans l’hôtel particulier art nouveau -art déco du décorateur Paul Follot ,la fondation qui s’installera en 201- dans la gare désaffectée des Invalides, propose une exposition de dessins, maquettes, sculptures, toiles d’Alberto Giacometti autour de « jardins de rêves ».

Que de contraste entre l’écrin bonbonnière de l’hôtel particulier et le contenu de l’exposition ! La reconstitution fidèle à l’entrée de l’atelier de Giacometti ( à l’initiative de sa femme), nous permet d’aborder avec un zest d’émotion l’univers propre à Giacometti bien différent des correspondances établies dans l’exposition entre lui et Dali qui reposent beaucoup sur leur mutuelle appartenance , un temps, au mouvement surréaliste.

Inconscient, pulsions, hasard sont au rendez-vous d’explorations, divagations artistiques autour de la création de jardins imaginaires . Les mécènes Charles et marie Laure de Noailles lancent la balle en comandant une sculpture à Giacometti pour leur villa d’Hyères. Giacometti imagine trois personnages dans un ensemble de figures géométriques le tout sur un plateau annonçant « le projet pour une place ». Parallèlement Dali publie son essai sur les objets à fonctionnement symbolique définissant la sculpture surréaliste.

Alors les deux artistes entrent en dialogue, inventent un jardin biomorphique capable de stimuler l’imaginaire, provoquant des sensations physiques. On pourra manipuler les sculptures et marcher dessus , le projet pour une place (  qui fait l’objet d’une reconstitution documentaire) s’intégrera dans un paysage dalinien ( jardin d’Eden, et paysage sexuel valorisant l’image double). Giacometti, influencé par la pensée psychologique, esthétique de Dali, va faire entrer dans ses sculptures la vision des paysages paranoïaques de ce dernier avec l’image double ( paysage tête couchée) et l’anamorphose.

Le rêve de transparence du surréalisme entre aussi dans la méthode paranoïaque de Dali accentuant la métamorphose du sujet, inspirant à son tour les sculptures ouvertes De Giacometti (femme couchée qui rêve). Les correspondances entre cohabitation corps et objets se multiplient ; mannequin de Giacometti, femme à tête de roses de Dali. L’objet inanimé donnerait-il vie au sujet ? une autre vie bien sûr libérant les fantasmes d’une psyché désinhibée.

Qu’on le veuille ou non, on revient au surréalisme et à un dépassement de la thématique « jardins de rêve ». L’interprétation délirante du monde s’impose et, comme de juste, on perd le fil et les pédales : en somme on est prêt !

Dominique Daeschler

Institut-fondation Giacometti jusqu’9 avril 2023