« In memoriam » : Claude Cauquil à Tropiques-Atrium

 — Par Sophie Ravion-d’Ingianni (*)—

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C’est le retour de Claude Cauquil pour une cinquième exposition1 individuelle au Tropiques-Atrium à la galerie de la Véranda (à l’étage) du 27 novembre au 17 décembre 2016, exposition ayant pour titre « In Memoriam ».

Le choix de cette appellation fait référence à une locution latine utilisée dans la liturgie des funérailles, littéralement « en mémoire de…».

C’est en effet dans le cycle, « classiques revisités » proposé par le Tropiques -Atrium que s’inscrit cette exposition. C’est pour l’artiste une vision personnelle et intime qui nous est présentée, celle de sa jeunesse en relation avec les croyances religieuses populaires de son enfance et celles de Martinique. Une sorte de réminiscence de son adolescence, de son ambiance familiale et du pays qu’il habite depuis des dizaines d’années.

Nous allons découvrir des images de Piéta de Mater dolorosa (en latin), influence directe à une statue en marbre du peintre et sculpteur Michel-Ange du XV me siècle de la Renaissance italienne, statue qui a marquée pour toujours l’histoire de l’art ; statue (construite entre 1498 et 1499) qui est exposée à la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, et qui représente le thème biblique de la « Vierge Marie douloureuse » tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa Mise au tombeau.

C’est une revisitation des classiques que fait Claude Cauquil, lui-même sculpteur, ayant une parfaite connaissance académique du corps humain et de ses émotions.

Revisitation aussi des femmes nues de l’artiste français Aristide Maillol, qui fut l’un des sculpteurs les plus célèbres du XIX me siècle. Son œuvre – dont 3 sculptures sont au Jardin des Tuileries à Paris – son œuvre silencieuse, fondée sur des formes pleines élaborées à partir de l’étude du nu féminin, et simplifiées jusqu’à l’épure, représente une véritable révolution artistique, anticipant l’abstraction. Ce qui fait de Claude Cauquil un fin connaisseur de l’histoire de l’art, les nombreux moments passés avec lui, me l’ont prouvé.

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In memoriam

C’est aussi une vision personnelle et intime de l’artiste qui est présentée, celle de sa jeunesse en relation avec les croyances religieuses populaires de son enfance. Image de Piéta, de vanités et de première communion, ciselés comme des canivets.

En effet, les canivets sont un genre particulier d’image pieuse ou d’image sainte de l’iconographie chrétienne. Les bords et parfois l’ensemble de l’image sont traités (ajourés) pour imiter la dentelle. Le plus souvent, les motifs ciselés entourent une miniature peinte chez l’artiste à la gouache ou aquarellée, représentant un saint, une sainte, une vanité (très présente dans la peinture du XVII me siècle hollandais), un visage, des fleurs ou illustrant une scène biblique. Ce type d’image, que l’on gardait dans les missels comme soutien dévotionnel, est en vogue aux XVII et XVIIIèmes siècles. À partir du milieu du XIXe siècle, on va trouver en grand nombre des images imitant les vrais canivets: les « images dentelles » qui sont réalisées semi industriellement : estampage à la main de gravures taille douce sur une empreinte réalisant les reliefs et les découpures imitant la dentelle.

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Dans le travail de Claude Cauquil, la technique excelle. D’une finesse extrême, ses œuvres se caractérisent par une utilisation des découpures pour dessiner des filaments dentelés et des dessins colorés de fleurs, de feuilles à la manière des dentelles de tissu. Les découpures contribuent par leur disposition à donner du relief à la réalisation. Elles entourent des Piéta , des vanités ou Vierge de Pitié, qui est un thème artistique de l’iconographie de la sculpture et de la peinture chrétienne, représentant la Vierge Marie en Mater dolorosa (expression latine), mère pleurant son enfant qu’elle tient sur ses genoux, en l’occurrence le Christ descendu mort de la Croix avant sa mise au tombeau.

Comme me l’a confié Claude, cette exposition est un travail sur des personnes disparues, que l’on a pu connaître : une mémoire réactivée par l’art de l’artiste avec, et je le cite : « des émotions par la mémoire ».

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L’expérience et la grande habilité de Claude à maitriser les différentes sujets et diverses techniques, lui permettent aujourd’hui de nous présenter des œuvres hétéroclites – ce terme est loin d’être ici péjoratif – mais il défini l’ensemble du travail de l’artiste, qui traite les différents supports qu’il utilise. La toile, mais aussi le papier qu’il transforme, froisse et puis repasse, trempe dans des décoctions de café, de thé ou de brou de noix … Toute une alchimie qui lui est personnelle, mais qui sur le plan pratique et plastique est d’un grand intérêt pour donner à ses représentations l’idée du temps qui passe, de l’usure ou du souvenir. La forme et le fond s’unissent pour livrer un message et cela est la qualité du travail et de l’œuvre d’un grand artiste.

Nous aurons un regard attentif sur ses peintures, représentées comme des sculptures, sur pieds en forme de tondo, c’est dire des toiles rondes, circulaires comme certains artistes les réalisaient à la Renaissance en Italie, format repris par le peintre Ingres au XIX me siècle, dans son tableau : le bain turc de 1863, conservé au musée du Louvre à Paris.

Ses toiles enchevêtrées dans un labyrinthe de fils – un travail de très longue patience réalisé par l’artiste – ses toiles aériennes sont réalisées à l’aiguille et non au crochet comme certains peuvent l‘imaginer. Elles sont toutes visibles à la fois au recto et au verso et change l’habitude de la lecture d’un simple tableau. Pour Claude, je cite : « les dentelles sont des accroches mémoires ». On y retrouve associé, des fleurs tropicales, roses de porcelaine, hibiscus, oiseaux…

 

Un autre thème, dont vous reconnaitrez l’iconographie et la représentation de la Vierge du Grand retour. Je ne vais pas ici vous raconter son histoire, mas je vous renvoie à l’ouvrage de Raphaël Confiant publié en 1996 qui a soulevé maintes polémiques au sein de l‘église catholique. Alors, si vous voyez une vierge, une madone voilée dans une barque, c’est à cet événement que fait échos les 6 piéces de l’exposition de Claude Cauquil.

Voilà un des trajets que je vous propose pour aller à la découverte de cette exposition, qui, connaissant l’œuvre de l’artiste, est un vrai tournant dans sa production, un jeu de face à face, de rebonds avec toute son expérience et le temps non compté passé dans son atelier, à vivre sa création avec de surprenantes surprises. Alors belles découvertes à vous tous. Prenez le temps de voir, de comprendre et de regarder à la fois le recto et verso de certaines pièces. Je vous laisse à votre heureuse découverte …

Sophie Ravion-d’Ingianni – Docteur en Sciences de l’Art et Esthétique

Professeur d’Histoire de l’Art au CCA et à L’UA – Membre de l’AICA CS

1Nous nous souvenons des quatre expositions suivantes : Éclats en 2001, Présents en 2003, Les chemins de l’homme en 2005 et Histoire en suspension en 2010.

C’est le retour de Claude Cauquil pour une cinquième exposition1 individuelle au Tropiques-Atrium à la galerie de la Véranda (à l’étage) du 27 novembre au 17 décembre 2016, exposition ayant pour titre « In Memoriam ».

Le choix de cette appellation fait référence à une locution latine utilisée dans la liturgie des funérailles, littéralement « en mémoire de…».

C’est en effet dans le cycle, « classiques revisités » proposé par le Tropiques -Atrium que s’inscrit cette exposition. C’est pour l’artiste une vision personnelle et intime qui nous est présentée, celle de sa jeunesse en relation avec les croyances religieuses populaires de son enfance et celles de Martinique. Une sorte de réminiscence de son adolescence, de son ambiance familiale et du pays qu’il habite depuis des dizaines d’années.

Nous allons découvrir des images de Piéta de Mater dolorosa (en latin), influence directe à une statue en marbre du peintre et sculpteur Michel-Ange du XV me siècle de la Renaissance italienne, statue qui a marquée pour toujours l’histoire de l’art ; statue (construite entre 1498 et 1499) qui est exposée à la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, et qui représente le thème biblique de la « Vierge Marie douloureuse » tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa Mise au tombeau.

C’est une revisitation des classiques que fait Claude Cauquil, lui-même sculpteur, ayant une parfaite connaissance académique du corps humain et de ses émotions.

Revisitation aussi des femmes nues de l’artiste français Aristide Maillol, qui fut l’un des sculpteurs les plus célèbres du XIX me siècle. Son œuvre – dont 3 sculptures sont au Jardin des Tuileries à Paris – son œuvre silencieuse, fondée sur des formes pleines élaborées à partir de l’étude du nu féminin, et simplifiées jusqu’à l’épure, représente une véritable révolution artistique, anticipant l’abstraction. Ce qui fait de Claude Cauquil un fin connaisseur de l’histoire de l’art, les nombreux moments passés avec lui, me l’ont prouvé.

C’est aussi une vision personnelle et intime de l’artiste qui est présentée, celle de sa jeunesse en relation avec les croyances religieuses populaires de son enfance. Image de Piéta, de vanités et de première communion, ciselés comme des canivets.

En effet, les canivets sont un genre particulier d’image pieuse ou d’image sainte de l’iconographie chrétienne. Les bords et parfois l’ensemble de l’image sont traités (ajourés) pour imiter la dentelle. Le plus souvent, les motifs ciselés entourent une miniature peinte chez l’artiste à la gouache ou aquarellée, représentant un saint, une sainte, une vanité (très présente dans la peinture du XVII me siècle hollandais), un visage, des fleurs ou illustrant une scène biblique. Ce type d’image, que l’on gardait dans les missels comme soutien dévotionnel, est en vogue aux XVII et XVIIIèmes siècles. À partir du milieu du XIXe siècle, on va trouver en grand nombre des images imitant les vrais canivets: les « images dentelles » qui sont réalisées semi industriellement : estampage à la main de gravures taille douce sur une empreinte réalisant les reliefs et les découpures imitant la dentelle.

Dans le travail de Claude Cauquil, la technique excelle. D’une finesse extrême, ses œuvres se caractérisent par une utilisation des découpures pour dessiner des filaments dentelés et des dessins colorés de fleurs, de feuilles à la manière des dentelles de tissu. Les découpures contribuent par leur disposition à donner du relief à la réalisation. Elles entourent des Piéta , des vanités ou Vierge de Pitié, qui est un thème artistique de l’iconographie de la sculpture et de la peinture chrétienne, représentant la Vierge Marie en Mater dolorosa (expression latine), mère pleurant son enfant qu’elle tient sur ses genoux, en l’occurrence le Christ descendu mort de la Croix avant sa mise au tombeau.

Comme me l’a confié Claude, cette exposition est un travail sur des personnes disparues, que l’on a pu connaître : une mémoire réactivée par l’art de l’artiste avec, et je le cite : « des émotions par la mémoire ».

L’expérience et la grande habilité de Claude à maitriser les différentes sujets et diverses techniques, lui permettent aujourd’hui de nous présenter des œuvres hétéroclites – ce terme est loin d’être ici péjoratif – mais il défini l’ensemble du travail de l’artiste, qui traite les différents supports qu’il utilise. La toile, mais aussi le papier qu’il transforme, froisse et puis repasse, trempe dans des décoctions de café, de thé ou de brou de noix … Toute une alchimie qui lui est personnelle, mais qui sur le plan pratique et plastique est d’un grand intérêt pour donner à ses représentations l’idée du temps qui passe, de l’usure ou du souvenir. La forme et le fond s’unissent pour livrer un message et cela est la qualité du travail et de l’œuvre d’un grand artiste.

Nous aurons un regard attentif sur ses peintures, représentées comme des sculptures, sur pieds en forme de tondo, c’est dire des toiles rondes, circulaires comme certains artistes les réalisaient à la Renaissance en Italie, format repris par le peintre Ingres au XIX me siècle, dans son tableau : le bain turc de 1863, conservé au musée du Louvre à Paris.

Ses toiles enchevêtrées dans un labyrinthe de fils – un travail de très longue patience réalisé par l’artiste – ses toiles aériennes sont réalisées à l’aiguille et non au crochet comme certains peuvent l‘imaginer. Elles sont toutes visibles à la fois au recto et au verso et change l’habitude de la lecture d’un simple tableau. Pour Claude, je cite : « les dentelles sont des accroches mémoires ». On y retrouve associé, des fleurs tropicales, roses de porcelaine, hibiscus, oiseaux…

Un autre thème, dont vous reconnaitrez l’iconographie et la représentation de la Vierge du Grand retour. Je ne vais pas ici vous raconter son histoire, mas je vous renvoie à l’ouvrage de Raphaël Confiant publié en 1996 qui a soulevé maintes polémiques au sein de l‘église catholique. Alors, si vous voyez une vierge, une madone voilée dans une barque, c’est à cet événement que fait échos les 6 piéces de l’exposition de Claude Cauquil.

Voilà un des trajets que je vous propose pour aller à la découverte de cette exposition, qui, connaissant l’œuvre de l’artiste, est un vrai tournant dans sa production, un jeu de face à face, de rebonds avec toute son expérience et le temps non compté passé dans son atelier, à vivre sa création avec de surprenantes surprises. Alors belles découvertes à vous tous. Prenez le temps de voir, de comprendre et de regarder à la fois le recto et verso de certaines pièces. Je vous laisse à votre heureuse découverte …

(*)Sophie Ravion-d’Ingianni – Docteur en Sciences de l’Art et Esthétique

Professeur d’Histoire de l’Art au CCA et à L’UA – Membre de l’AICA CS

1Nous nous souvenons des quatre expositions suivantes : Éclats en 2001, Présents en 2003, Les chemins de l’homme en 2005 et Histoire en suspension en 2010.