— RS n° 419 lundi 3 novembre 2025 —
Pour comprendre les problèmes que l’on énumère régulièrement ici et là, il est nécessaire de saisir les liens qu’il y a entre eux, au niveau de la Martinique, comme au niveau de la relation entre la Martinique et la France.
Prenons des exemples. La menace de grève des services d’urgence du CHU de Martinique est une excellente nouvelle. (Soit dit en passant, cette initiative fait regretter l’absence d’une action intersyndicale unie…). Car les problèmes sont criants : manque de lits, de personnels, de moyens matériels, failles dans l’organisation. Pendant ce temps, à 8000 km de là, les débats font rage à l’Assemblée nationale française sur le budget du pays et le financement de la sécu. L’appauvrissement de la Sécu, du fait des cadeaux au grand patronat, est directement responsable des problèmes de l’hôpital public. L’argent qui va au grand Capital (directement par les cadeaux multiples, indirectement par les dépenses militaires) ne va pas au service public de la santé.
Autre exemple tiré de l’actualité martiniquaise : la colère gronde à l’Adafae, à l’imfpa, à l’école maritime. Les regards se tournent avec raison vers la CTM, dont les contributions sont en baisse. Les dirigeants de la CTM sont donc mis en cause. Au-delà des questions de gestion de ces structures, que nous devons interpeller (le contraste entre les rémunérations des cadres et les salaires de la base font partie du problème) se pose la question de la réduction sévère des dotations de fonctionnement fournies par l’État.
Poser les problèmes locaux sans poser le problème central, c’est affaiblir la lutte nécessaire pour les conditions de travail des agents, mais aussi pour la formation des apprentis, pour l’encadrement des adolescents, etc. Les syndicats ont la double tâche de mener l’action face aux défaillances locales et d’exiger que l’État fournisse les dotations suffisantes. Pourquoi ne les fournit-il pas ? Parce que l’État aux mains de la grande bourgeoisie refuse de taxer même modestement les plus riches, et réduit drastiquement les dépenses liées à la santé, à l’école, au transport collectif, etc.
Tout le bavardage sur le « matraquage fiscal » parce qu’une taxe dite Zucman proposait 2% sur une petite poignée de gros bonnets aux patrimoines dépassant les 100 millions d’euros, et dont les profits ont doublé depuis l’arrivée de Macron aux affaires, est proprement obscène !
Dans les débats sur la question des institutions en Martinique, il est question de réclamer un pouvoir fiscal. Mais si le pouvoir fiscal est réclamé pour augmenter les impôts indirects qui sont les plus injustes (TVA et même octroi de mer), il faut combattre pour qu’au contraire, la pression fiscale vise d’abord les revenus et les patrimoines. Il s’agit de faire payer une poignée de gros possédants pour permettre le développement des investissements utiles et des services publics dont la dégradation s’étale sous nos yeux.
Dans un précédent numéro, nous avons souligné le rôle vital de la sécurité sociale dans la vie quotidienne du peuple. Ajoutons qu’il y a là, un terrain important de lien solidaire des travailleurs·e·s des colonies avec les travailleurs/ses de France. Le budget de la Sécu est principalement constitué par les cotisations de l’ensemble de la classe travailleuse. Défendre la Sécu est donc dans l’immédiat une tâche commune.
La ponction opérée en permanence aux dépens de ceux d’en bas, pour financer les capitalistes, empêche aussi bien l’augmentation du pouvoir d’achat des masses, que les investissements collectifs pour le bien commun, pour les mesures indispensables à la protection du climat.
À travers toutes ces questions, c’est une véritable lutte de classes qui se mène. Et c’est parce que la bourgeoisie se sent menacée dans ses privilèges, qu’elle s’oriente de plus en plus vers l’extrême droite, qu’elle a acheté une presse qui est à ses ordres, et dont le matraquage indécent contamine de plus en plus les médias du service public.
Nous vivons un moment crucial où le bon sens commande une radicalité au moins aussi grande que celle de l’ennemi. La ligne de classes reste un critère essentiel du combat politique et social.
16 octobre : Une belle soirée pour un combat vital
Le mercredi 16 octobre, une date ordinaire qui n’avait été choisie que par l’impératif de disponibilité de la salle du grand Carbet du parc Aimé Césaire, un spectacle de grande qualité et de réconfortante chaleur humaine a enchanté le public qui ne cesse d’en parler.
Le collectif LYANNAJ POU DÉPOLYÉ MATINIK, organisateur de cette soirée artistique contre le chlordécone, se doit de remercier la municipalité foyalaise, l’équipe des employés mobilisés jusqu’à une heure tardive, et bien entendu les artistes ayant assuré pour le plus grand bonheur d’un public trop peu nombreux. Il faut dire qu’un premier renvoi (pour manque de certitude sur la salle), une préparation dans des délais trop courts pour une bonne publicité, ont fortement handicapé la vaillante équipe technique. Les artistes, avec une grande générosité, ont affirmé les un·e·s après les autres, qu’il faudra remettre ça, que le combat le mérite, qu’on ne peut laisser les partisans de l’impunité des responsables et de la médiocrité des réparations, s’imaginer que nou fini épi yo, et qu’ils pourront asphyxier financièrement le mouvement qui se bat, sans discontinuer, pour la vérité, la justice et la réparation.
Bravo à toutes et tous. Rendez-vous est déjà pris pour une suite dont nous savons maintenant qu’elle sera à la hauteur.
PARTOUT LES DROITS HUMAINS BAFOUÉS, PIÉTINÉS, NIÉS, PULVÉRISÉS
Il ne s’agit pas de faire le tour du monde des malheurs humains, mais de souligner un point commun qui doit nous inciter à la mobilisation. En ces temps de poussées néofascistes, de bruits de bombes de plus en plus assourdissants, la défense des droits humains les plus élémentaires est devenue un impératif catégorique. À commencer par le droit à la vie qui semble paraître un luxe incongru.
Le génocide en Palestine n’est hélas pas stoppé, malgré un prétendu cessez-le-feu qui n’empêche pas l’État sioniste d’Israël d’allonger la liste des morts. Il n’y aura pas de paix sans reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
C’est ce même droit qui est nié en Kanaky. L’État français ne respectera jamais les accords qu’il a signés, s’il ne se résigne pas à se soumettre au droit à l’autodétermination du peuple kanak.
En Ukraine aussi, il est question du droit du peuple à vivre sans les bombardements qui pleuvent sur les civils, sans invasions russes, dans des frontières librement choisies par les habitant·e·s à la base.
Le peuple haïtien n’a jamais cessé de payer le prix de son héroïque combat, de Bois-Caïman à Vertières, pour avoir le droit de vivre libre. Aujourd’hui, chez lui comme dans l’autre morceau de l’île, comme chez les voisins du nord, comme ailleurs, il ne réclame que le droit de vivre sans les abominables mauvais traitements qu’il subit.
Dans les malheurs et les crimes de masses subis par les peuples du Congo, du Soudan, il y a la main des impérialistes de tous bords, mais aussi celle de tyrans domestiques prêts à passer sur le corps des leurs pour assouvir des intérêts égoïstes.
Et même si nous ne sommes pas des adeptes de la méthode de pensée, qui ne voit qu’un combat de coqs dans les guerres qui déchirent la planète, il faut reconnaître que le cow-boy sans foi ni loi, qui se prend pour le roi des USA et de la planète est, à lui seul, l’un des symboles les plus inquiétants de la négation des droits humains chez lui-même comme dans le monde entier. Son mépris pour le droit international partout où l’on peut prendre une odeur de pétrole ou apercevoir une ressource à piller, n’a d’égal que son refus de respecter les droits, les lois, la constitution de son propre pays.
Bien entendu, il serait démagogique de prétendre que, de notre coin de terre, précieux mais petit, nous pouvons peser également sur tous les conflits du monde. Mais, associons-nous aux organisations mondiales combattant pour l’émancipation humaine, et à notre propre échelle, agissons avec lucidité et énergie sur quelques-uns de ces combats, au nom des droits humains, au nom de la vie et de la dignité humaine.
Ne pas le faire ou prétendre le faire sans chercher à lier les combats, à prendre appui sur les ressorts humanistes communs de toutes ces luttes, c’est prendre le risque de sombrer nous-mêmes dans l’indifférence cynique qui laissera la victoire à nos ennemis, aux ennemis de l’Humanité.
Allons, camarades, n’ayons pas peur de l’immensité d’une tâche dont dépend notre sort, à toutes et à tous !
Bris de statues : L’acharnement colonial ne règlera rien
Il faut mettre en parallèle l’impunité dont jouissent toujours les empoisonneurs au chlordécone avec la hargne contre les briseurs de statues de 2020. Le contraste est en soi une définition du système colonial.
Nous réclamons la relaxe pure et simple des onze (11) militant·e·s convoqué·e·s ce mercredi 5 novembre devant les tribunaux.
Les statues de Desnambuc et de Joséphine, trônant au cœur de la ville capitale, étaient une provocation pour la mémoire de nos ancêtres esclavisé·e·s.
Celles de Schœlcher visaient à maintenir un mythe du « libérateur » paternaliste réduisant à rien l’action de générations de combattant·e·s régulièrement insurgé·e·s contre leur mise en esclavage.
Nous avons dit à l’époque que nous ne mettions pas un trait d’égalité entre Bélin Desnambuc, l’un des pionniers de la conquête coloniale, du génocide du peuple premier, du crime contre l’humanité de l’esclavage, imité en ce sens par Joséphine l’impératrice, colone et partisane de la restauration de l’esclavage en 1802 avec son Napoléon de mari, face à Victor Schœlcher, l’un des abolitionistes dont l’action, malgré toutes ses réelles et incontestables contradictions, a constitué une forte aide au combat pour la liberté de nos ancêtres. Nous n’avons pas changé d’idée.
Aujourd’hui, il s’agit de tirer des griffes du pouvoir colonial, des militant·e·s qui se sont dressé·e·s contre un mépris colonial aussi insupportable aujourd’hui qu’hier. Chacun peut noter que de nombreux symboles de l’oppression coloniale et esclavagiste restent en place malgré toutes les protestations dont nous sommes partie prenante.
RELAXE DE L’ENSEMBLE DES INCULPÉ·E·S !
RELANCE AU CONTRAIRE DU COMBAT pour que cesse l’agression des noms et des symboles colonialistes qui nous sont toujours impunément imposés.
Groupe Révolution Socialiste.
