Imaginer « le monde d’après »

« Il est beaucoup question ces temps-ci de « jour d’après » ou de « monde d’après ». Les initiatives où chacun s’essaye à penser le monde de « l’après-Covid-19 » tendent à se multiplier…

Le rapport au confinement n’est pas vécu de la même manière selon que l’on habite dans une grande agglomération, dans une banlieue sensible ou à la campagne, que l’on réside dans un petit appartement ou une maison avec jardin, que l’on soit seul, en couple ou en famille, que l’on soit âgé ou jeune, que l’on puisse continuer à travailler à distance et à percevoir un revenu ou pas, que l’on ait accès à internet ou pas, etc.

Il est évident que « l’après » sera aussi très différemment vécu selon les individus. Les éléments-clefs à prendre en compte en la matière seront sans aucun doute la façon dont ils ont géré ou gèrent les divers “chocs” qui se sont produits récemment, ou qui vont ou pourraient se produire (épidémie, confinement, récession économique, éventuelle « seconde vague » épidémique), mais aussi leur rapport au monde d’avant ».

(Extraits du blog d’Eddy Fougier, Politologue, consultant : « 10 raisons pour lesquelles le « monde d’après » ne sera pas pour tout le monde »)

https://www.huffingtonpost.fr/entry/10-raisons-pour-lesquelles-le-monde-dapres-ne-sera-pas-pour-tout-le-monde_fr_5e99a14bc5b63639081d1cdd

Quelques suggestions et souhaits

Dans « Les Inrocks », écrivains, philosophes, journalistes, artistes de tous bords répondent à la question : comment se représenter le monde d’après ? Chacun se projette alors dans l’avenir, chacun a son idée, chacun exprime son désir, et c’est cette diversité des pensées qui fait notre richesse. 

Voici quelques extraits seulement des nombreuses réponses apportées par les personnalités consentantes. Pour voir la totalité, passionnante, il faut s’abonner au journal en ligne ! 

Dominique Blanc, pensionnaire de la Comédie Française

Le monde d’après… Je pense qu’il faudrait absolument que ce soit un monde paritaire, mais alors vraiment, du plus profond de mon cœur… Il y a eu une vague de féminisme avec #Metoo qui a été très importante et il faut qu’elle rentre maintenant dans les faits économiques de la société. Et pour le reste, se détacher le plus possible de tout ce qui est matériel. Mais est-ce qu’on en est capable ? Je n’en suis pas sûre et je parle de moi, là… La mode, tout ce qu’on accumule, tout ce qui est consommation pure, si on pouvait s’en défaire, ce serait merveilleux.

Mark Alizart, philosophe

Le monde d’après… Je ne l’imagine pas. Je crois même qu’il ne faut surtout pas l’imaginer ! Si l’on commence à faire des plans sur la comète, c’est certain qu’ils y resteront, sur leur comète. Isaac Louria, un grand kabbaliste du seizième siècle affirmait que le monde n’a pas été créé ex nihilo, à partir d’un plan, mais qu’il est créé continûment, au terme d’une « réparation » de ce qui a été brisé en lui…

Ne rêvons pas du monde d’après, réparons bien celui-ci. Et je veux croire que, quand on l’aura réparé, quand on aura créé les conditions d’une vie meilleure et plus juste, hic et nunc, le capitalisme n’aura pas besoin d’être dépassé : il sera déjà mort.

Simon Liberati, journaliste et écrivain

Le monde d’après… Pire, forcément. Tout n’a fait que se dégrader depuis mes 14 ans, époque de la première crise pétrolière. Je me souviens encore de Saint-Tropez l’été après la mort de Pompidou… à l’époque, c’était divin, les filles conduisaient des trail bikes sans casque, il y avait des voitures sublimes, mes copines avaient des posters de David Hamilton dans leur chambre. C’était aussi l’époque d’une teinture de cheveux extraordinaire blond gris (celle de Faye Dunaway dans Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schaztberg…). La mode n’était pas encore aux couples avec enfants et les gays s’appelaient des folles…

Stanislas Nordey, acteur et metteur en scène

Le monde d’après… Je l’imagine à peu près comme avant…

J’ai écouté les deux déclarations de Macron et on croit lire entre les lignes qu’il va changer son regard sur le monde des services publics de la santé. Ce serait peut-être là l’espoir. D’avoir appris que détruire petit à petit notre système de santé n’est pas la meilleure des idées. Espérons que les politiques du monde entier vont au moins avoir compris ça. Si je ne crois pas une seconde qu’on abandonne l’ultralibéralisme, j’espère en tout cas que face à cette crise, on va comprendre que le système de santé est un des poumons de nos sociétés.

Vincent Macaigne, acteur, metteur en scène, réalisateur

Le monde d’après… Je trouve assez beau que la civilisation en arrive au point où l’homme a l’idée de s’entraider. Aujourd’hui, en relisant ma pièce Je suis un pays, je me suis dit qu’il y avait quand même de l’espoir. Quand l’homme a eu peur, il s’est mis sur ses deux jambes, s’est levé pour voir le danger arriver et pouvoir se battre : ça commence par là une civilisation, par l’entraide et par la culture. Depuis toujours. Peut-être qu’on va se rappeler de ça, que c’est vital, comme de manger.

Mathilde Monnier, danseuse et chorégraphe

Le monde d’après… J’espère qu’on va pouvoir retrouver des territoires de pensée avec différents types d’échelles. Le fait de rencontrer des acteurs sociaux, de pouvoir réfléchir avec des gens qui exercent d’autres métiers, de partager des expériences. C’est un peu ce qu’on fait à la Halle Tropisme de Montpellier où j’ai mon studio. C’est un collectif qui regroupe deux cents entreprises et associations dont le directeur artistique est Vincent Caravoc. Il y a une collégialité du travail et un savoir-vivre social… Ce sont ces nouveaux espaces où la société civile se mélange un peu plus que j’espère voir se développer.

Daniel Cohen, économiste

J’espère que cette crise aura ceci de bon qu’elle nous donnera une mesure plus juste de ce que signifie ce monde numérique. C’est mon espoir : qu’on ait envie, en sortant de cette crise, de jeter son portable et sa tablette, et de se jeter dans les bras de tous les gens qu’on n’aura pas vus depuis quinze jours, un mois, peut-être même plus encore.

Fort-de-France, le 17 avril 2020