« Il y a comme une impuissance notoire de la part de nos autorités… », dénonce le cardinal Chibly Langlois

— Par Robenson Geffrard —

Tel un « Wake-up-call », l’Église catholique a mis toute la population debout contre l’insécurité et le kidnapping le jeudi 15 avril. Même le secteur privé des affaires qui, pendant longtemps s’était enfermé dans un silence assourdissant, est monté au créneau pour dénoncer ce mal commun. «…le peuple  est totalement fatigué avec les actes de kidnapping. Nous n’en pouvons plus vraiment. C’en est trop ! Il y a comme une impuissance notoire de la part de nos autorités…  », a fulminé le cardinal Chibly Langlois dans une interview exclusive accordée au Nouvelliste et à l’AFP.

La journée du jeudi 15 avril dernier est allée au-delà de la décision de l’Eglise catholique d’observer un arrêt de travail. C’est tout le pays qui était à l’arrêt pour dénoncer l’insécurité et le kidnapping. « Ce support exprime que cette manière pour l’Église catholique de protester contre le kidnapping est partagée par tous ces secteurs. Ceux-ci s’y retrouvent et en profitent, sachant que l’union fait la force », a affirmé le cardinal Chibly Langlois.

Cette décision de l’Église catholique d’observer cet arrêt de travail, selon l’évêque des Cayes, est arrivée au moment où « tout le peuple est totalement fatigué avec les actes de kidnapping. Nous n’en pouvons plus. C’en est trop ! À cela cependant s’ajoute le fait que l’Eglise catholique jouit d’une grande confiance auprès de la majorité de la population. Elle est pour ainsi dire écoutée. Dans des moments difficiles de l’histoire du peuple on attend des fois un mot de l’Eglise catholique, parce qu’elle donne un accompagnement effectif à la population dans les endroits les plus abandonnés et les plus reculés du pays. On sait que l’Église dans sa plus haute autorité ne cherche que les intérêts de la population, particulièrement ceux des plus démunis », a expliqué le prélat.

Dans son message le 2 février dernier, la Conférence des évêques d’Haïti avait déclaré : « Le président de la République a appliqué la loi électorale et la Constitution pour les députés, les sénateurs et les maires au cours des années précédentes. Il a ainsi affirmé l’unité de la loi pour tous les élus, y compris pour lui-même, proclamant ainsi que la loi est une pour tous. Il nous semble que tout le monde soit d’accord sur le principe que personne n’est au-dessus de la loi et de la Constitution dans le pays. Ce premier constat fait, aucune littérature et aucun justificatif juridique ne sont nécessaires. Tout le monde veut qu’Haïti soit un État de droit. »

Le cardinal Langlois maintient cette position de la CEH ajoutant : « Cette demande était accompagnée également d’un appel au dialogue, pour signifier que même si le président se l’appliquait il resterait encore la possibilité de trouver un terrain d’entente pour construire la paix sociale en Haïti. Car il n’y a pas de point final dans la construction de paix sociale d’un pays, nous dit le pape François. Et surtout si l’on veut le faire de manière inclusive. »

Comment voyez-vous une issue à la crise Votre Éminence ? A cette question du journal, le cardinal a répondu en ces termes : « La voie idéale serait de mettre tous les acteurs clés et importants autour d’une table afin de trouver une solution acceptable. Mais il y a un nœud gordien à défaire, c’est le phénomène du kidnapping. La population est comme abandonnée à elle-même face aux actes répétés de kidnapping. Il y a comme une impuissance notoire de la part de nos autorités.  D’où doit donc venir la force capable de neutraliser la fureur des kidnappeurs ? Il doit y avoir un mode opératoire pour juguler cette crise qui occasionne la descente vertigineuse de la population à l’abîme. Tous au niveau national et international doivent s’y impliquer. »

Interrogé pour savoir si l’Église peut aider à trouver une solution à la crise actuelle, l’évêque des Cayes déclare : « Nous les évêques, à travers nos messages comme nos contributions, nous avons lancé de multiples appels aux acteurs clés à fin de les inviter à prendre la voie du dialogue, de l’entente et du consensus. En plus de cela, n’étant pas en mesure pour le moment de jouer le rôle de médiateur, nous ne cessons de réfléchir sur d’autres manières d’aider à trouver une solution à cette crise qui a trop duré. La complexité de la situation sociopolitique actuelle exige de notre part que nous cherchions encore à travers maintes réflexions et prières les voies et moyens pour y apporter notre aide. »

 

Robenson Geffrard

 

Publié le 2021-04-16 | Le Nouvelliste