« Il faut sauver le lycée Schoelcher » Qu’on m’explique !

— Par Zaka Toto. Blogueur antillespolitique.com —

 1. Parce que la symbolique du lycée Schoelcher n’est pas univoque.
Le lycée Schoelcher a servi à l’éducation et à la formation des Martiniquais. Il a ouvert les portes des bourses et de l’excellence à quelques individus. Effectivement, le lycée Schoelcher à Fort-de-France représente une rupture, un premier pas.
L’opposition première entre le lycée de Fort-de-France et celui de Saint-Pierre avant 1902 est celle d’une éducation à vocation, je précise, laïque, égalitaire contre une éducation religieuse, privée, réservée à l’élite de l’argent, du pouvoir, à l’élite de la couleur.
Mais après ? Quand il ne reste plus rien de Saint-Pierre ? Les békés et les mulâtres ont-ils fui le meilleur lycée ? Non, Schoelcher aussi était leur domaine. Comme d’autres. Et à la bigoterie coloniale s’est substituée la bigoterie républicaine.
Ou elles se sont entendues…
Du français tu liras, la loi tu adoreras, ton grec et ton latin tu réciteras et de Vercingétorix tout tu sauras. Point. Rien d’autre. Césaire, Fanon, Manville, d’autres sont devenus ce qu’ils sont devenus contre la vénérable institution.
Le mépris des campagnes et des « descendus » restait le même, la permanence des castes par le statut (argent et couleurs) toujours vivace. Ce n’est pas le Lycée Schoelcher qui a éduqué la Martinique, ce sont les petits instituteurs et les petits professeurs dans les petites écoles primaires et les petits collèges. D’une culture de l’exceptionnalisme et centralisée à une culture égalitaire et décentralisée.
Ceux du PPM et d’autres, parce qu’ils y avaient été, ont créée ce mythe du « grand » Lycée Schoelcher- sauveur –des- pauvres- masses- incultes- martiniquaises. Le lycée Schoelcher a effectivement formé nos élites. Quelles élites !
2. Parce qu’en matière de politique urbaine, parfois, raser c’est bien
La preuve par le PPM et Fort-de-France : Le collège Perrinon ? Rasé. Le collège Cassien ? Rasé. Puis reconstruits, à neuf, à la périphérie de la ville. Le grand collège Renan de Fort-de-France ? Rasé.
Ce fut un drame. Mais manifestement, c’était pour le développement de la ville, et pour le doter d’infrastructures modernes. La mémoire et les symboles, on s’en est peu préoccupé. La vie urbaine aussi. Pourtant, pensais-je, une ville c’est bien avec gens qui vivent dedans, des jeunes qui y grandissent, qui lui donnent un rythme et lui impriment une marque c’est important. Pas pour le PPM, ni pour Aimé Césaire, ni pour Serge Letchimy.
Un parking c’est mieux (Collège Ernest Renan, anciennement Pensionnat colonial, puis petit lycée des filles, où d’éminentes dames Darnal ont rayonné, mais faut-il s’en souvenir ?)
Une bouse de béton bariolée de bleu, de vert, de mauve et de violet, c’est encore mieux. Symboles. Mémoire ?
Subitement, on se découvre une grande affection pour les lieux de mémoire, pour la classe ou Untel ou Untel a posé les pieds. Alors qu’on s’en moque en vrai. Que le Lycée Schoelcher perdure sous une forme ou une autre, ce qui compte c’est qu’il soit un lycée performant, sûr, avec un projet non seulement éducatif mais urbain. Qu’il soit vivant. Pour le reste, il y a les mausolées ou les musées.
Alors quoi ? Pour faire avancer son agenda politique, on se trouve un petit dossier, quand d’autres projets déjà effectués contredisent sa position.
Tellement transcendant au moment où le PPM veut se poser en alternative crédible sur la question statutaire.
Mais que dit Césaire -comme aime le faire le PPM :
« Parole dûe :
L’enlisement s’enroule
Seul le dur est arable »
Danse mémoire danse éligible
L’invivable en son site »
Comprenne qui voudra.

Zaka Toto. Blogueur antillespolitique.com

Publié le 19/09/2009