Hamlet à l’impératif ! Le feuilleton

C’est désormais une tradition bien établie: la cour de la bibliothèque Ceccano reçoit tous les ans un feuilleton théâtral, tous les jours à 12H en accès libre. En 2015 le public fut invité à entendre le texte de La République de Platon mis en scène par A.Badiou. Outre les débats sur les questions politiques du jour (notamment le débat sur le genre proposé par Mesdames, Messieurs et le reste du monde en 2018), la réflexion philosophique trouve ici une place légitime, en ce qu’elle a trait au théâtre comme exercice et lieu de la démocratie. Cette année c’est la pièce de shakespeare qui est à l’honneur, Hamlet, la plus célèbre d’entre les célèbres, celle qui a fait couler le plus d’encre. C’est ainsi que dans la mise en scène d’Olivier Py, le texte de la pièce est confronté aux commentaires, ceux de Heidegger, Wittgenstein, Jankélévitch, Freud, Lacan, Deleuze, Derrida etc. La glose rencontre les extraits les plus fameux du texte, ou plutôt des textes de la pièce, qui se présente comme un palimpseste. Dans le premier épisode, c’est la fameuse question  » to be or not to be » qui est débattue : quel est le sens de cette formule? toutes les analyses sont confrontées, tous les termes sont pesés. Il en sort une leçon nouvelle au terme de laquelle, entre être et ne pas être se situe le faire. Et l’action, que le grec appelle « drama », renvoie au drame et par conséquent au théâtre. C’est ainsi que cette lecture de la pièce de Shakespeare en souligne la réflexivité.

Tout cela pourrait être ardu voire ennuyeux. Or rien de tel ne se produit. Par la grâce de la mise en scène et en vertu du jeu des acteurs, le débat est vivant, souvent drôle, toujours subtil et stimulant. On ne s’ennuie pas une seconde et le dispositif scénique n’est pas sans rappeler l’agora athénienne. Exercice civique que ce spectacle! D’autant plus que Olivier Py tient à intégrer à sa troupe des amateurs, des élèves de conservatoires dramatiques. C’est joyeux et roboratif. Nul doute que les épisodes suivants seront à la hauteur du premier. Le public est au rendez-vous et ne boude pas son plaisir. De quoi redonner vie au theâtre populaire, car la pensée n’est pas réservée à une élite. La démocratie veut un peuple pensant et non un troupeau.

Michèle Bigot

Olivier Py

Jardin de la biliothèque Ceccano du 6 au 23 juillet 2021,

relâche le 11, 14, 18