Freud et l’homosexualité

— Par Victor Lina —

« Quelques mots écrits pour dire psy »

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FREUD, il y a un siècle, défendait une conception acquise de l’inversion ou de l’homosexualité contre celle d’une conception innée de cette orientation.
Il affirme aussi contre les thèses médicales dominantes de l’époque que l’homosexualité ne constitue pas une dégénérescence.
Il admettait que l’inversion pouvait rencontrer cette orientation sexuelle avec plus ou moins grande fréquence selon les coutumes, les races, voire les climats.
FREUD qui est néanmoins médecin cherche à donner une explication sur la nature de l’homosexualité en explorant des hypothèses biologiques à savoir celles qui ont trait à notre disposition, à notre virtualité bisexuelle ou hybride tant sur le plan anatomique que sur le plan physiologique et par extension sur le plan psychologique.
Malgré l’énoncé de diverses hypothèses FREUD ne tranche pas sur ce sujet et se contente de tirer les bénéfices de cette investigation en soulignant l’évidence de l’illustration du non appariement de la pulsion et de l’objet sexuel.
Qu’en dire aujourd’hui ? Il y a-t-il une explication ? Les esprits s’accommodent mal de plusieurs, de plusieurs pour dire que l’on parle peut-être de plusieurs modalités d’élaboration psychique quand on désigne l’homosexualité.
Il en existe une, plus inaperçue, qui loge dans l’insu, à l’aube de son possible dévoilement, c’est une homosexualité latente, refoulée qui découle probablement d’une première lecture du Un en tant que signe faisant référence au même. Une lecture qui n’a pas encore fait place à la perte tout en la traduisant dans l’acte. Une lecture en projection qui s’établit sur l’illusion éphémère d’identité entre le reflet et le lieu où il prend source. Cet accueil de la lumière sur tel support redessiné selon notre découpage, s’appréhende comme l’image d’une expérience précédente : celle de soi en l’occurrence.
Narcisse en est la figure emblématique et surtout dramatique.
FREUD aborde cette question sous l’acception de la déviation. Les déviations sont définies dans un certain rapport avec les perversions sans aboutir à une simple équivalence. Le terme de déviation se veut traduire une approche descriptive présentant ainsi la déviation comme en situation d’éloignement au regard d’un comportement attendu dit normal.
Cependant sa posture prétendument détachée n’est pas dénuée de considérations moralisantes ou conformes à la norme. « …L’usage de la bouche comme organe sexuel est considérée comme perversion lorsque les lèvres (ou la langue) entrent en contact avec les parties génitales du partenaire ; mais non lorsque les muqueuses buccales de deux êtres se touchent. Cette exception que nous établissons en faveur du baiser est un chaînon vers l’acte normal. »
L’auteur s’attache à distinguer trois types de déviations :
Les déviations touchant à l’objet où sont retenues l’inversion et la pédérastie puis comme égarement graves de la pulsion sexuelle, la pédophilie et la zoophilie.
Les déviations touchant au but où FREUD, cette fois, s’attache à souligner l’écart entre les pratiques sexuelles effectives et celle qui relèveraient d’une réponse instinctuelle déterminée par l’empire de la pulsion.
Parmi ces déviations, on peut citer les plus communes, la caresse, le doux regard « zié dou », l’envisagement, le fait de dévisager avec appétit, le baiser, les attouchements préliminaires. Ces déviations peuvent être l’objet de fixation et d’exclusivité. Elles contribuent parallèlement à l’élaboration de la notion de beauté associée à un jeu qui abrite momentanément l’absence à travers l’alternance du voile et du dévoilement. L’énigme du voile participe de l’éveil de l’appétit curieux, du désir de savoir. Ce qui conduit FREUD à faire le rapprochement entre la dite déviation et la sublimation.

FREUD étudie de façon particulière une déviation d’un troisième type touchant à la fois à l’objet et au but dont la caractéristique est d’intéresser des bouts détachables du corps (par exemple, les cheveux) ou des choses, d’objets inanimés associés à l’objet sexuel ou en contact avec lui par l’usage (vêtements, sous-vêtements, bijoux…). Ce sont les substituts  impropres de l’objet sexuel qui relève du fétichisme dont nous parlerons ultérieurement.

L’homosexualité, s’il n’en est qu’une, se manifeste selon l’appréhension la plus commune en Martinique, de la façon suivante : zanmi côté féminin et makoumè côté masculin, sous des formes généralement discrètes parfois burlesques avec sa figuration caricaturale, dans sa forme travestie, au moment du carnaval. L’accent cependant est mis en scène par les hommes qui font la femme dans une posture de dérision ou encore de paix des sexes. Une occasion pour les garçons d’emprunter aux filles leurs vêtements, leurs dessous, leurs chaussures.
L’homosexualité n’est pas déclarée publiquement, dans la plupart des cas, elle se cantonne dans l’intime ou dans des espaces familiers. Par ailleurs, des cercles privés  se sont constitués afin de former une sorte de barrière protectrice contre la réprobation sociale.

Elle peut être déjà l’objet d’un questionnement de la part d’adolescents qui s’interrogent. Face à l’impératif normalisateur du groupe qui réprime l’écart pour mieux l’assimiler. L’adolescent en quête de réponse sur le sens à donner à l’existence explore le champ des possibles. A l’heure ce champ se présente comme un défi vers le plus vaste et le plus inattendu, au fil des conjugaisons d’une grammaire inachevée.

Victor LINA