Jeudi 25 septembre à 19h. Salle polyvalente de la médiathèque du Carbet
— Par Hélène Lemoine —
Accès libre dans la limite des 40 places disponibles.
Premier long-métrage de la réalisatrice haïtienne Gessica Généus, Freda (2021) s’inscrit dans une triple coproduction entre Haïti, le Bénin et la France. Ce drame intimiste, à la fois politique et personnel, explore avec acuité les tensions sociales, les héritages coloniaux et les rapports de genre dans une Haïti en crise permanente.
Une jeunesse prise dans l’étau du réel
Le film suit Freda, une jeune femme qui vit avec sa mère Jeannette, sa sœur Esther et son frère Moïse dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Chaque membre de cette famille matriarcale tente de survivre, voire de s’inventer un avenir, dans une société ravagée par l’instabilité, la pauvreté, et la corruption. Freda, étudiante en anthropologie, refuse de céder au cynisme ambiant. Tandis que sa sœur envisage un avenir fondé sur l’ascension sociale par les relations intéressées, Freda s’accroche à l’idée que l’avenir peut – et doit – se construire ici, en Haïti.
Une chronique féminine et politique
Généus ne se contente pas de dresser un simple portrait social : elle inscrit son œuvre dans une perspective résolument féministe. Freda s’ouvre sur un cauchemar glaçant, écho au viol que la protagoniste a subi, événement à la fois personnel et emblématique des violences faites aux femmes. Le récit tisse ainsi des liens subtils entre l’histoire individuelle et le contexte politique plus large, ponctué de manifestations contre le pouvoir en place, de pénuries et de coups de feu.
Jeannette, la mère, incarne les contradictions de nombreuses femmes haïtiennes : aimante mais résignée, croyante mais manipulée, elle pousse sa fille cadette à monnayer sa beauté métissée tout en réprimant les aspirations intellectuelles de Freda. Elle projette ses espoirs de fuite sur son fils, seul à bénéficier de l’éventualité d’un avenir à l’étranger. Cette figure maternelle ambivalente cristallise un système patriarcal où les femmes, coincées entre devoirs familiaux, violences et inégalités raciales, doivent se battre pour exister.
Une parole rare et nécessaire
Dans une déclaration qui éclaire sa démarche, Gessica Généus explique :
« Je voulais avant tout faire exister un point de vue féminin sur la société haïtienne… L’analyse de la situation de notre pays est monopolisée par les hommes. (…) Mon film fait écho à ce que j’ai vécu en tant que jeune femme dans ce pays… Les hommes disparaissent et ont le droit de le faire. (…) La femme est comme dans un étau et doit vivre là. »
En donnant voix à celles que l’on entend trop peu, Généus pose un acte artistique et politique fort. Freda est un film de résistance, de douleur, mais aussi d’espoir. Un regard féminin sur Haïti, rare et salutaire, qui affirme la nécessité de rester debout, malgré tout.