Florine Démosthène : une Revenante vraiment costaud

— Par Dégé —

florine_demosthene…Nuages, les merveilleux nuages…

Verlaine aurait sans doute chanté l’art de Florine Démosthène. Dans ses coulées évanescentes, surgissent des couleurs êtres humains, animaux, paysages, pensées…En arrière plan on pourrait voir d’autres formes, étranges, surnaturelles, des monstres, nos rêves, nos fantasmes…Mais l’artiste d’un trait fin et assuré a décidé de faire naître ses propres choix : des portraits, des scènes, des silhouettes, des paysages.

Le dessin, net, ferme, souvent sculpte une femme aux formes généreuses, opulentes, maternantes. Peau lépreuse, brûlée ou en régénérescence, la géante hottentote, refuge du poète, n’est pas indolente : elle baise, se masturbe, fait face aux bêtes sauvages, affronte le monde et son passé…

Antithèse du mannequin blond anorexique, si désirable en occident, elle exhibe, expose, impose une paire de fesses gargantuesque, des mamelles pendantes mais gonflées. Un corps abondant, sain, une vraie belle femme, désir du bonheur, désir d’Afrique. Les cuisses largement écartées, elle offre sans obscénité un sexe dont le clitoris semble parfois pénis…Wonder Twins, The Capture, Flashback

Les portraits, autoportraits sans doute, exprime les tiraillements internes de l’auteure. Un dédoublement qui se traduit par une construction en miroir, allant jusqu’à quadrupler le visage comme dans les trois Disappeared into myself.
Le personnage apparemment principal (puisqu’il a envahi l’espace) est secondaire car c’est une toute petite silhouette qui donne son sens, son accrochage, au tableau. Si bien que l’Important flotte comme une baudruche et nous désoriente à notre tour.

Très vite on s’interroge sur la technique : comment a-t-elle fait ces aquarelles ? L’étrangeté vient du support : un papier film, du polypropylène, sur lequel glisse des encres d’abord hasardeuses, que l’artiste retravaille selon qu’elles se seront imposées au dessin ou que celui-ci leur dictera son dessein. Osmose, dialectique ? Harmonie.

A La Fondation Clément, «La Case à Léo » accueille pour la dernière fois une exposition. Avec Florine Démosthène, elle clôture brillamment son office. Get Azzmatized ! présente une vingtaine d’œuvres dont la modernité ne déconcerte pas le spectateur par son hermétisme ou sa vacuité. Au contraire, pour chaque tableau un foisonnement d’interprétations possibles. A chaque tour de salle surgit une nouvelle combinaison des toiles donc de critiques, commentaires ou autres exégèses.

L’esclavage, la relation, le féminisme, la super héroïne, le lien, la métamorphose, le sexe, la désorientation-renaissance, flotter ou ne pas flotter : rêverie ou réalisme, la paix…Les thèmes de réflexion abondent. Et si parfois on peut regretter une analyse révolutionnaire conformiste, il est indéniable que Florine Démosthène innove par la force poétique de sa peinture.

Elle avait participé à la très belle première Biennale Internationale d’Art Contemporain, initiée par Johanna Augiac-Célénice (BIAC 2013-14 dont nous attendons avec intérêt le renouvellement) et son retour en Martinique nous permet de l’apprécier davantage car la multiplicité des talents alors présentés nous laissait peu de temps pour apprécier suffisamment chacun et elle en particulier.

A voir jusqu’au 8 octobre 2015 à la Fondation Clément, et profiter du « Dimanche-Découverte », le 13 septembre 2015, animé par Mme D. Brebion à 10 h.