Etude AJL: Hanouna sur C8, un mois d’homophobie ordinaire

 Cyril Hanouna est obsédé par l’homosexualité. Durant le mois de novembre 2016, lui et les chroniqueurs de Touche pas à mon poste (C8) ont abordé 42 fois le sujet à l’antenne, souvent pour en rire de manière rabaissante. C’est ce qu’a pu constater l’Association des Journalistes LGBT (AJL), qui œuvre pour un meilleur traitement des questions LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans) dans les médias.

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Du 2 au 30 novembre 2016 (20 émissions), les journalistes de l’AJL ont regardé le show de Cyril Hanouna pour savoir quelles valeurs portait Touche pas à mon poste au quotidien, au delà des « dérapages » régulièrement pointés du doigt par la presse. Le relevé (en intégralité ci-dessous), et ses effets de répétition, sont inquiétants. Sur les 42 mentions faites à l’homosexualité, la grande majorité (28) l’est sous couvert de la « blague » de mauvais goût, à caractère sexuel. Le 7 novembre, par exemple, le chroniqueur Camille Combal et Cyril Hanouna imitent, comme ils le font souvent, un couple gay semblant tout droit sorti de La cage aux folles. L’animateur prend des airs efféminés : « Je suis complètement ouvert, je suis complètement ouvert à la flagornerie. » Le 15 novembre, sur le même plateau, Jean-Michel Maire parlent des homosexuels qui se cachent: « Etre dans le placard… d’où l’expression « avoir un balai dans le cul » ». Quelques jours plus tard, un voyant invité prédit qu’une future émission sera présentée par un des chroniqueurs, mais ignore si ce sera un homme ou une femme. Cyril Hanouna commente alors: « Ah ben ce sera Matthieu Delormeau ! » Rires généralisés.

Dans ce système où l’homosexualité peut faire l’objet de toutes les railleries, un membre de l’équipe occupe en effet une place à part : Matthieu Delormeau. Souffre-douleur numéro un de Cyril Hanouna, le chroniqueur fait l’objet, dès qu’il est présent en plateau, d’allusions incessantes à son homosexualité. L’AJL en a comptabilisées 27 pour le seul mois de novembre.

Il s’agit :

-la plupart du temps de blagues graveleuses, réduisant le chroniqueur à sa seule sexualité (Le 21 novembre, par exemple, les chroniqueurs parlent de l’émission Koh Lanta et de l’épreuve du poteau. Matthieu Delormeau donne son avis : « Ça n’a aucun intérêt. Ça vous dit de rester 30 minutes devant deux personnes debout sur un poteau ? » Jean-Michel Maire s’emporte : « Bah, tu restes bien deux heures sur une teub, toi ! »),

-parfois de remarques clairement homophobes (Le 29 novembre, l’invité Jeremstar drague ouvertement Matthieu Delormeau puis Cyril Hanouna. Réaction de l’animateur : « Alors le problème avec moi, c’est que je suis un petit peu nerveux. Si tu commences à me toucher, on peut assister à un homicide »),

-quelquefois de menaces (Le 2 novembre, les chroniqueurs disent à tour de rôle le nom d’une chanson sur laquelle ils ont déjà fait l’amour. Vient le tour de Matthieu Delormeau : « C’est une très jolie chanson, j’espère que vous aurez un jour l’occasion de l’entendre… » Hanouna, agressif : « Pas avec vous. Non mais je vais t’expliquer, celui qui va me « ken », il est pas né. » Delormeau : « Comment ? » Hanouna : « T’as très bien entendu. »)

Parmi les rires, les blagues et les applaudissements, ces remarques peuvent parfois passer inaperçues. Mais les téléspectateurs-trices LGBT les entendent. L’air de rien, elles dessinent surtout dans l’esprit du public ce qu’il est possible de faire chez soi, avec ses ami-e-s, au travail, au lycée : se moquer des personnes LGBT pour ce qu’elles sont, les transformer en animaux de foire sous couvert d’humour, les accepter (un peu) pour les humilier (beaucoup). Qu’importe que Cyril Hanouna rabroue -parfois- les plus lourdingues de ses chroniqueurs, que Matthieu Delormeau assure être consentant… Touche pas à mon poste donne à voir des comportements de harceleurs de cour de recré, qui peuvent avoir des conséquences dévastatrices. En France, les associations de défense des droits LGBT estiment qu’un ado gay a quatre fois plus de risques de se suicider qu’un jeune hétéro.

Mais ces remarques servent aussi à afficher une vision extrêmement binaire des genres, perceptible tant dans les propos homophobes (qui moquent les marques dites de féminité chez les hommes) que dans les remarques sexistes assignant les femmes aux rôles d’objets esthétiques et sexuels. Au cours du mois de novembre, c’est-à-dire moins d’un mois après l’agression sexuelle de Jean-Michel Maire sur une jeune femme invitée en plateau, qui a donné lieu à de nombreux signalements auprès du CSA, l’Association des Journalistes LGBT (AJL) a relevé dans l’émission 20 remarques sexistes. Le 4 novembre, par exemple, une séquence met en scène deux rugbymen qui commentent l’émission et ses chroniqueuses. Remarque du premier : « Ah bah, je la prendrais bien Enora. Dans le vestiaire, mon gars, elle ferait pas la maligne, hein! » L’autre répond : « Ouais Valérie, je lui mettrais bien un bon plaquage, un bon plaquage comme le boudin à l’entraînement, tu vois ce que je veux dire ! » Rires des deux. Le premier reprend : « En plus, elle est tellement maquillée, elle ressemble au boudin jaune ! »

Ce sexisme et cette homophobie ordinaire, l’émission Touche pas à mon poste n’est pas la seule à la véhiculer dans le monde des médias. Mais par son audience (importante) et son public (jeune), elle a une responsabilité particulière dans les imaginaires qu’elle offre, qu’elle le veuille ou non. L’Association des Journalistes LGBT appelle donc ses responsables à prendre conscience des mécanismes de domination et de discrimination dont ils se font les complices, et les autorités compétentes à agir, si ces comportements devaient perdurer.

 

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