En Guyane, un taux de suicide «jusqu’à huit fois plus élevé» qu’en France métropolitaine

Cette étude inédite permet, selon ces chercheurs, de rectifier les «études statistiques nationales faussement rassurantes».

Une étude rétrospective de 2007 à 2018 publiée mardi 15 décembre par Santé publique France relève des taux de suicide alarmants chez les jeunes et dans les villages isolés de Guyane française, «jusqu’à 8 fois plus élevés» qu’en France métropolitaine.

Le phénomène est particulièrement alarmant dans la commune de Camopi et le village de Trois Sauts, habités par les peuples autochtones Teko et Wayampi, démontre cette étude. Dans cette commune fluviale de la région de l’Oyapock, située à la frontière avec le Brésil, le taux de suicide atteint un maximum de «113 cas pour 100.000 habitants par an». Il est de 137 décès pour 100.000 habitants à Trois Sauts (contre 11 pour 100.000 dans le monde et 16 pour 100.000 sur l’ensemble de la France en 2012). Concernant les tentatives de suicide, 284 ont été recensées en onze ans dans cette commune de 1.800 habitants.

Beaucoup de tentatives chez les jeunes

Dans l’ensemble des communes isolées de Guyane, dont certaines situées à plusieurs jours en pirogue du chef-lieu, Cayenne, deux tentatives sur cinq étaient commises par des adolescents ou jeunes adultes (les 10-19 ans) entre 2007 et 2018. En ce qui concerne les suicides, l’âge moyen de passage à l’acte est de 27 ans. Les modes les plus utilisés sont en majorité la pendaison, suivi de l’intoxication. «Un des facteurs» de ce phénomène pourrait être «la souffrance liée au choc entre des jeunes générations, aux références culturelles globales, et les générations précédentes» notent les chercheurs et professionnels en santé guyanais.

Cette étude inédite permet, selon ces chercheurs, de rectifier les «études statistiques nationales faussement rassurantes», qui ne recensent pas l’ensemble des passages à l’acte dans ce territoire caractérisé par un éclatement géographique le long des fleuves et de fortes disparités microterritoriales. «Quelques programmes de prévention ont été menés» depuis 2010 pour limiter le phénomène, relèvent ces experts, mais «la prévention du risque suicidaire, la réduction de l’isolement social, le diagnostic et traitement des syndromes dépressifs doivent être encore développés.» En 2015, le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, avait commandé un rapport parlementaire pour apporter des «propositions» pour «enrayer le suicide dans les communes de l’intérieur de la Guyane».

Source : LeFigaro.fr avec AFP