« En Guyane, la crise dans les hôpitaux est comparable à celle en métropole, mais en dix fois pire »

Alors que le premier ministre, Jean Castex, est attendu à Cayenne dimanche, le président de Médecins du monde regrette que l’État n’en fasse pas plus pour améliorer les conditions sanitaires.

En Guyane, le centre hospitalier de Cayenne – hôpital de référence du territoire – est passé en quinze jours de 59 à 127 patients atteints du Covid-19, et le nombre de morts à l’hôpital a été multiplié par cinq depuis le début du déconfinement, qui a eu lieu le 11 mai. A Mayotte, la courbe du nombre de cas connaît une forte progression. Vendredi 10 juillet, 2 711 cas avaient été confirmés depuis l’apparition de la maladie sur le territoire en avril, soit neuf de plus que la veille. Alors que l’état d’urgence sanitaire a pris fin le 10 juillet en métropole, il est maintenu jusqu’au 30 octobre inclus en Guyane et à Mayotte.

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Le premier ministre, Jean Castex, est attendu à Cayenne, dimanche 12 juillet. « Je viens (…) avec la volonté de préparer la France à une éventuelle deuxième vague, mais surtout en préservant la vie, la vie économique, la vie sociale »a-t-il déclaré sur RMC.

L’ONG Médecins du monde est présente depuis 2004 en Guyane et depuis 2007 à Mayotte. Elle intervient surtout dans les bidonvilles, où les populations sont particulièrement exposées à l’épidémie de Covid-19. Son président, Philippe de Botton, regrette, dans un entretien au Monde, le manque de moyens des hôpitaux publics dans ces deux territoires.

En métropole, l’épidémie a fortement ralenti, mais, en Guyane et à Mayotte, la crise du Covid-19 ne faiblit pas. Comment l’expliquer ?

Philippe de Bottton : En Guyane comme à Mayotte, l’hôpital public a peu de moyens et peu de personnels. Il y a une réelle difficulté à recruter des médecins. Souvent, ils viennent de loin, de la métropole et ne restent que quelques années sur place. Là-bas, la crise dans les hôpitaux est comparable à celle en métropole, mais en dix fois pire. Par ailleurs, l’objectif affiché des autorités depuis des années est de combattre l’immigration clandestine. Cela au détriment de l’investissement dans l’hôpital public.

Nous sommes directement en lien avec les structures hospitalières et d’autres organisations, comme la Croix-Rouge. Nos équipes sanitaires font des maraudes trois à quatre fois par semaine pour orienter les personnes dans les bidonvilles et expliquer l’importance de se prémunir contre la maladie. Mais, dans ces territoires, les populations n’ont pas accès à l’eau. Il est donc compliqué de se laver les mains, de respecter des gestes barrières. Le virus s’y transmet plus facilement. Nous faisons des tests régulièrement, mais, lorsqu’ils sont positifs, il est difficile d’isoler les malades dans de telles conditions.

De plus, la Guyane partage une grande frontière poreuse avec le Brésil [le pays est l’un des plus touchés au monde par l’épidémie de Covid-19 ; le 10 juillet, 1 759 103 cas ont été confirmés]. Les mouvements de populations entre les deux pays accélèrent la propagation de la maladie…

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