En finir avec le tabou des règles !

Agissons concrètement !

Les ragnanas”, “être indisposée”, “les anglais ont débarqué”, “les chutes du Niagara”… Vous savez ce que ça signifie ? Nous les femmes oui !

Il existe plus de 5 000 expressions dans le monde pour parler des règles sans les nommer !

Encore trop de filles, y compris chez nous, ont leurs règles pour la 1° fois dans la surprise, l’angoisse, la honte, l’inconfort, les injonctions…

C’est dire combien ce sujet, quoi qu’on en pense, reste encore tabou.

C’est la raison de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, le 28 mai.

L’instauration de cette journée date de 2014.

Pourquoi le 28 mai ?

Parce que c’est une date symbolique :

  • Le 28ème jour du mois, parce que c’est la durée moyenne d’un cycle menstruel.

  • Le mois de mai est le 5ème de l’année, soit le nombre de jours moyen de la durée des règles.

Son but est de rompre le silence sur la gestion de l’hygiène menstruelle., et d’interpeller les décideurs afin d’améliorer la vie des personnes pendant leurs règles.

  • Parce que la santé menstruelle est une question d’hygiène et de dignité, mais aussi qu’une mauvaise santé et hygiène menstruelle entravent les droits fondamentaux des femmes

  • Parce qu’elle concerne directement plus de la moitié de la population de notre pays et du monde.

  • Parce que pour chacune, c’est 5 jours par mois pendant environ 40 ans, ce qui représente + de 6 ans dans une vie.

  • Pour sortir de la gêne, de l’invisibilisation : jusqu’en 2018, le sang des règles est représenté par du liquide bleu dans les publicités pour protections périodiques. Quand la marque Nana a osé le rouge, cela a créé le buzz !

Il faut lever résolument et définitivement ce tabou !

C’est donc un problème de société, qui ne concerne pas que les femmes, mais touche la population entière, les politiques publiques sanitaires, culturelles, économiques et les mentalités.

La Précarité menstruelle : de quoi parle-t-on ?

C’est la difficulté ou le manque d’accès des personnes réglées aux protections périodiques pour cause de pauvreté et d’informations sur la gestion de leurs menstruations.

  • Des collégiennes ou lycéennes, qui ne peuvent pas changer leur protection hygiénique au cours de la journée
  • Des étudiantes qui doivent choisir entre leur budget alimentaire et leur budget hygiène.
  • Des femmes qui utilisent du papier toilette au travail pour se protéger quand leurs règles arrivent sans prévenir ou sont plus abondantes que prévu.
  • Des filles-femmes qui s’absentent de leur école ou de leur travail, qui ne sortent pas parce qu’elles ne peuvent pas acheter des protections périodiques

  • Ce sont les attitudes négatives et les informations erronées concernant les règles de la part des femmes comme des hommes, qui limitent le potentiel des femmes et des filles.

C’est impensable, c’est intolérable encore de nos jours !

Et les conséquences, on le sait, sont multiples :

Pour la santé :

  • infections en cas de fabrication artisanale de protections hygiéniques (papier, vieux tissus …), de mauvaise utilisation des protections (durée d’utilisation et règles d’hygiène)
  • choc toxique causé par des tampons gardés trop longtemps
  • pathologies (endométriose, puberté précoce)

Au niveau social : l’absentéisme répété voire le décrochage scolaire, l’isolement social (17 % des femmes en situation de précarité renonceraient à sortir de chez elles lorsqu’elles ont leurs règles.)

Impact psychologique : gêne, dégoût de soi ou remarques désobligeantes des autres, y compris de certains partenaires (considérée comme « impure » pendant la période des règles), sentiment de solitude, d’avoir à se débrouiller seule « avec ça ».

Problèmes de sécurité : En l’absence d’installations d’hygiène adéquates, les femmes peuvent être contraintes d’aller à l’air libre pour répondre à leurs besoins menstruels, ce qui les expose à des agressions potentielles.

La situation en Martinique :

Étudiantes, femmes en situation précaire, sans abri, en prison… sont davantage touchées. La précarité a un visage de femme, aggravé par la crise du COVID :

  • sur 100 chômeurs, 70 femmes avec une moyenne d’âge de 25 ans.

  • 70 % des contrats à durée déterminée sont des femmes.

  • contrats aidés, précaires, temps partiels imposés… C’est le lot des femmes et 1 femme sur 4 occupe un emploi précaire. On compte 7 500 emplois précaires dans la fonction publique territoriale !

De plus, l’endométriose et la puberté précoce sont plus importantes (dès 8 ans), notamment à cause du chlordécone et des perturbateurs endocriniens. Cela entraine une charge mentale et des couts supplémentaires

Alors, on veut quoi ?

En 2022, l’UFM a voulu sortir les règles et la précarité menstruelle du domaine privé.

Nous avons organisé le 28 mai une matinée de sensibilisation « Elles sont dans le rouge » sur la place de l’Enregistrement avec une exposition, présenté les résultats d’une enquête réalisée par notre Centre de Ressources, et interpellé la CTM et l’Education nationale sur les mesures à prendre en urgence.

Cette action entrait dans la thématique du corps des femmes, développée depuis plusieurs années par notre association.

Nous, féministes,

  • Réclamons une reconnaissance des menstruations comme un épisode normal de la vie.

  • Disons que la lutte contre la précarité menstruelle est un droit fondamental qui doit être au cœur du débat institutionnel et politique.
  • Demandons à tous les décideurs de lutter concrètement contre la stigmatisation, l’exclusion et la discrimination pendant les règles par les actions suivantes :

    • Répondre à la directive de février 2021 et mettre en œuvre le dispositif territorial de lutte contre la précarité menstruelle voté en fin 2022 par l’Assemblée de Martinique

    • Impulser une plus large information sur les règles, l’utilisation de protections et la gestion de son cycle menstruel (y compris les pathologies et la gestion de la douleur.) pour tous et toutes

Il faut pouvoir en parler ouvertement pas seulement entre filles-femmes, mais aussi aux garçons-hommes, aux transgenres et non binaires ! C’est un processus biologique normal, qui peut s’accompagner de changements d’humeur, fatigues, douleurs, « fuites »… Nous en avons le droit !

Il est temps de sortir des stéréotypes d’une humeur et d’une énergie linéaires, d’une « impureté », d’une solitude dans la douleur …

    • Mettre en place des distributeurs gratuits dans les collèges, lycées, à l’université

    • Étendre ces distributeurs aux écoles primaires, centres sociaux et de santé, entreprises, toilettes publiques, restaurants, salles de sport,

    • Travailler avec l’ARS, la CGSS, les mutuelles sur la gratuité des charges supplémentaires : antidouleurs, traitements…

    • Promotionner des protections de bonne qualité (fini les perturbateurs endocriniens dans les serviettes et tampons !) et l’accès à des protections durables

    • Impulser un congé menstruel : possibilité de jours de congé payés pour celles qui ont des règles douloureuses. L’UFM, employeuse, a été pionnière en la matière en mettant en place ce congé pour ses salariées.

Pour que toutes les personnes ayant des règles vivent en toute sérénité cette période.

Passons aux actes !

Mettons fin au tabou des règles !

Frédérique DORLEANS

Union des Femmes de Martinique

Action et résultats de l’enquête 2022 : https://uniondesfemmesmartinique.com/elles-sont-dans-le-rouge/