Emmanuel Macron en route pour la quête de la diagonale du pouvoir ?

— Par Jean- Marie Nol, économiste —

Si les faits politiques et les sondages ont encore un sens, Emmanuel Macron devrait pouvoir, sauf accident malencontreux, être reconduit dimanche dans la fonction de président de la République. C’est dans cette perspective que le but ultime du dessein secret de Emmanuel Macron, et la raison d’être de sa stratégie électorale actuelle, est de déconstruire idéologiquement le paysage politique de la France. En Martinique et Guadeloupe, la situation politique est plus confuse, dans la mesure où la recomposition du paysage politique n’est pas d’actualité, mais néanmoins, il semble cependant que beaucoup de martiniquais et surtout de guadeloupéens très en colère s’apprêtent à voter Marine le Pen, par rejet de Macron, mais également par ignorance de l’idéologie intrinsèque du rassemblement national. Et pourtant Macron sera vraisemblablement réélu dimanche, car en plus de l’alignement des planètes qui lui a été jusqu’ici favorable, Emmanuel Macron est aussi incontestablement un surdoué. Doit on reprocher sa virtuosité au musicien ? Il faut cesser de dénoncer comme de l’arrogance ce qui est avant tout l’affirmation d’une grande compétence et d’un indéniable savoir faire. Le président-candidat reste le favori de cette élection; il peut espérer devenir le premier président de la République à gagner un second mandat, hors cohabitation. D’aucuns sont loin de soupçonner les ressorts cachés de cette réélection. « Le réel, c’est quand on se cogne. » disait le psychanalyste Jacques Lacan. Emmanuel Macron dont le modèle en politique semble être François Mitterrand a -t- il toutes les qualités requises pour mener à bon terme la mutation idéologique, morale, politique et économique de la France?

Dans un contexte national et international extrêmement difficile pour ne pas dire chaotique, il possède, selon nous, ce que j’appelle à la suite de certains chercheurs en neuropsychologie, » la diagonale du pouvoir « basé sur un équilibre parfait des préférences cérébrales. Les deux composantes clés de l’intelligence gagnante sont l’intelligence pratique et l’intelligence créative à savoir un parfait équilibre entre les 4 quadrants des 2 hémisphères du cerveau. Ce modèle appelé « Modèle Herrmann » représente sous la forme d’un cercle divisé en quadrants, 4 grandes familles de modes de traitement de l’information :

mode dit « gauche » (associé à l’hémisphère gauche du cerveau) : raison et méthode

mode dit « droit » (associé à l’hémisphère droit du cerveau) : sentiment et imagination

Dans un gros ouvrage « ces cerveaux qui nous gouvernent «, l’auteur Marie – Joseph Chalvin (psychologue, consultante et formatrice en techniques comportementales et cognitives) nous explique que les deux hémisphères, cerveau gauche, cerveau droit, et les deux sous-parties limbique et corticale permettent de décrire quatre styles de pouvoir à travers une approche neuropsychologique des hommes d’État et des hommes politiques : l’expert, le stratège, le communicateur et l’organisateur.

Pour ceux qui s’intéressent à la face cachée de la politique, ils peuvent lire le livre de Marie-Joseph Chalvin : « Ces cerveaux qui nous gouvernent » : Une approche neuro-historique des hommes d’État de Louis XI à Mitterrand.

Oui, disons le tout net Emmanuel Macron a bien façonné la politique française à sa main, et aussi totalement remodelé le paysage politique français. Les méthodes utilisées sont de notre point de vue, certes inavouables, mais peut-t-on lui en faire grief ?
 » Quand le doigt montre la lune, l’idiot regarde le doigt. « 
Pour en avoir le cœur net et pénétrer dans les dédales secrets du pouvoir, je conseille vivement à tous ceux qui veulent aller plus loin dans l’analyse des méthodes de la conquête du pouvoir politique de lire le livre de Machiavel : le Prince.

Exemple de citations de Machiavel : « Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » ou encore.. . »Il faut au Prince avoir l’entendement prêt à tourner selon les vents de fortune… et ne pas s’éloigner du bien, s’il le peut, mais savoir entrer au mal s’il y a nécessité. »

Ce faisant, ce président est bien dans la droite ligne des chefs d’État machiavéliques, à l’instar du grand stratège qu’était François Mitterrand en son temps. François Mitterrand qui avait génétiquement en lui cette diagonale du pouvoir qui lui permettait de jouer alternativement sur tous les tableaux allant de l’expert au stratège en fonction des circonstances,et passant du communicateur à l’organisateur lorsque la situation du terrain politique l’exigeait. Cette faculté qui n’appartient qu’aux très grands politiques permet d’expliciter la formule de François Mitterrand :Il faut savoir épouser le terrain et ne laisser au hasard que la part qui lui revient. Alors aujourd’hui, peut-t- on sérieusement en vouloir à Emmanuel Macron de s’inscrire dans les pas de François Mitterrand, quand on connaît un tantinet la réalité profonde et très dégradée de la situation politique, économique et financière d’une France plus que rebelle, et j’y reviendrai en temps voulu, une fois les passions apaisées après les séquences électorales.

Dommage qu’en Guadeloupe, l’on ne valorise pas l’expertise et l’excellence.

Alain Plaisir, le président du CIPPA, en a fait les frais lors des dernières élections régionales. Idem pour le philosophe Jacky Dahomay, mais dans un autre registre.

Je maintiens qu’en Guadeloupe l’on ne sait pas valoriser l’expertise et l’excellence. Bien au contraire on n’aime pas les gens brillants et qui pensent rationnellement en Guadeloupe. C’est un legs de la période esclavagiste et coloniale. Jalousie, médisance, fan tchou, etc..

C’est cela aussi un aspect méconnu par beaucoup, de l’atavisme des guadeloupéens !

En effet, cela semble d’ordre rédhibitoire et point besoin de s’y attarder, mais nonobstant cette problématique d’ordre psychologique propre à la Guadeloupe, nous sommes au contraire en France passés du règne des notables à celui des experts et des think-tanks, d’un système centré sur le parlement à un autre tourné sur l’Élysée. Emmanuel Macron est devenu président sans jamais avoir exercé un quelconque mandat électoral et les chefs d’entreprise forment la catégorie socioprofessionnelle la plus importante de l’Assemblée nationale. Le recrutement ne se fait plus sur la notabilité mais l’expertise acquise dans les IEP et l’ENA. C’est là bien la conséquence de la complexification croissante de l’économie avec les crises.

Précédemment, on s’entourait d’experts mais on ne l’était pas forcément soi-même. Le président Macron est incontestablement un expert en France.

Ouï, je vais encore choquer certains, mais vaut mieux une vérité qui fait mal qu’un mensonge qui réjouit. Ce peuple guadeloupéen est vraiment schizophrène. Lorsqu’il s’agit de nos dirigeants ou de l’élite intellectuelle de la Guadeloupe, nous ne nous soucions pas autant que nous le devrions de la compétence ainsi que de la reconnaissance, tant en politique, en affaires, qu’en littérature etc..

Quelques exemples campent le décor. Ainsi, Victorin Lurel est un homme intelligent et cultivé qui est l’un des rares guadeloupéens de sa génération à avoir pu intégrer la prestigieuse école de sciences – po Paris, et qui de surcroît a été ministre, mais on l’a critiqué à outrance en le traitant de grand Grec, et rejeté malproprement. Et pourtant Ary Chalus, qui n’a pas fait d’études supérieures est en train de subir le même sort funeste, cette fois pour pour une supposée incompétence, selon certains, notamment syndicalistes, à régler les problèmes de la Guadeloupe. Mais que veut on vraiment dans ce pays ?….

En ce moment, il est difficile d’être audible sur autre chose que l’élection présidentielle.

Et pourtant, la vraie crise est devant nous. Les fondamentaux économiques ne sont pas bons en France et forcément d’une manière ou d’une autre la Guadeloupe devrait en supporter à court et moyen terme les conséquences.

Fin 2021, le déficit et la dette publics représentaient 6,5 % et 112,9 % (2 813 milliards d’euros) de la richesse nationale ; le service ( intérêts) de la dette reste le troisième poste de dépenses de l’État (38,4 milliards d’euros), derrière l’éducation et la défense ; le « trou » de la Sécurité sociale a été de 24,6 milliards en 2021, après 38,4 milliards d’euros en 2020, et il faudra au moins dix ans pour remettre ses compteurs à zéro. Le commerce extérieur est déficitaire de près de 85 milliards d’euros. La désindustrialisation du pays n’a pas été encore endigué et la productivité est en baisse. L’inflation, avec la hausse des taux d’intérêt et la mise hors-jeu du quantitative easing (programme d’achat d’actifs) et de l’OMT, ne laisse donc aucune alternative aux gouvernements à venir. L’argent magique, c’est fini, le « quoi qu’il en coûte », c’est fini et, espérons-le, la crise du Covid-19, c’est fini, mais là rien n’est encore sûr quand on voit l’exemple de la Chine. L’équilibre budgétaire va devoir être retrouvé par tous les pays à brève échéance, soit au travers d’une baisse des dépenses publiques, soit au travers d’une hausse des recettes fiscales, soit une combinaison appropriée des deux. Mais au-delà de l’aspect technique, une autre crainte demeure : la perspective d’une France anesthésiée par une autre succession de crises sévères notamment sociales, où le mécontentement des français n’en finirait plus de dicter son agenda au prochain président.

Après le « quoi qu’il en coûte » de la période Covid et la crise inflationniste dû à l’invasion de l’Ukraine, et en préparation à de nouvelles crises potentielles (nouveaux virus, menaces militaires,, crise financière, crise politique, crise sociale, protectionnisme généralisé), nous ne pouvons pas charger plus la barque avec un éventuel risque de guerre civile, même larvée en France, et qui aurait assurément des répercussions négatives sur la vie politique de la Guadeloupe.

 » Jou malè pa ni pran gad »

Jean Marie Nol économiste