Elieshi Lema, une amazone des lettres africaines

— Par Tirthankar Chanda —

terre_arrideTerre aride, une histoire d’amour, par Elieshi Lema. Traduit de l’anglais par Fernand Fortuné. Editions Présence Africaine, 264 pages, 20 euros.

Roman féministe, Terre aride de la Tanzanienne Elieshi Lema s’inscrit dans la grande tradition de la critique sociale qui a fait les beaux jours de la littérature africaine en ses débuts. Si le réalisme social de Lema paraît aujourd’hui un peu décalé par rapport à la production littéraire postcoloniale qui a délaissé l’engagement pour la révolution scriptuaire, il ne manque pas de faire sens dans un continent noir encore soumis aux lois du patriarcat. Elieshi Lema est romancière, poète et éditrice.

Le roman Terre aride, une histoire d’amour, traduit en français cette année par les éditions Présence Africaine, est un classique de la littérature tanzanienne de langue anglaise. Paru en 2001, il est considéré comme un monument de l’écriture féministe africaine grâce à son intrigue qui met au premier plan la condition des femmes et leurs rapports de force avec les hommes dans la société tanzanienne contemporaine. Son auteur Elieshi Lema écrit aussi pour la jeunesse et elle fait partie de la petite poignée d’écrivains anglophones de la Tanzanie, dont Abdulrazak Gurnah qui, on se souvient, a failli remporter en 1994 le Booker prize, équivalent du Goncourt en France, pour son magnifique roman Paradis (Denoël).

Trois générations de femmes

Malgré son sous-titre, Terre aride, une histoire d’amour, n’est pas un roman à l’eau de rose à la Barbara Cartland mais un récit réaliste et grave qui puise son inspiration dans le vécu tanzanien, plongeant le lecteur au cœur des rapports entre hommes et femmes mais aussi entre femmes. Trois générations de femmes cohabitent dans ce livre : Doreen la narratrice, sa mère Foibe et la grande-tante Mai. Elles se confient, s’entraident et se racontent leur passé et leur présent faits de grandes défaites et de Présence Africaine

petites avancées. Les plus âgées comme Mai se souviennent de l’époque où les femmes n’avaient pas le droit de s’approcher des hommes dans les lieux publics et ne pouvaient se déplacer dans la rue sans être chaperonnées ou après avoir été explicitement autorisées à le faire. Or, paradoxalement, dans le récit que fait Lema du gynécée tanzanien, les femmes les plus libres ne sont pas celles qu’on croit.

Le personnage central du roman, Doreen est enseignante dans une école pour jeunes filles. Sa mère agricultrice a élevé seule ses quatre enfants, après avoir été répudiée par sa famille parce qu’elle était tombée amoureuse d’un homme marié, beaucoup plus âgé qu’elle. Celui-ci était là pour faire les enfants, mais a brillé par son absence lorsqu’il a fallu s’en occuper. Foibe a dû alors retrousser ses manches pour subvenir aux besoins de ses enfants, leur donner à manger, les habiller convenablement et les envoyer à l’école…

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