Dominique Hoflack, le crime féminin dans la peau

— Par Karen Lajon —
hoflakDans un livre coup de poing, la magistrate Dominique Hoflack se penche sur ces femmes victimes ou bourreaux.

Dominique Hoflack possède la voix rauque des grands fumeurs. D’ailleurs, l’avocate générale de la Cour de Bordeaux, éclate d’un rire franc lorsque je lui pose la question : « Mais bien sûr, que je fume! ». Quelle question, franchement! Il y a des évidences qui semblent inhérentes à cette femme de droit. Comme son amour de la loi et de la justice. Comme cette fascination qu’elle éprouve pour le crime et peut-être encore plus pour le « passage à l’acte ». « J’invite les lecteurs à pénétrer dans l’antre des cours d’assises qui est le reflet de l’âme humaine. »

Une égalité revendiquée jusque dans le crime

Dominique Hoflack, redoutée dans les prétoires, aime les grandes phrases, celles qui veulent signifier le Mal et le Bien. Dans un livre court et musclé, cette avocate, qui se plaint déjà de partir à la retraite l’année prochaine, se penche sur le cas de plusieurs femmes, tantôt victimes, tantôt bourreaux. Elle commence par expliquer que les deux l’intéressent puis, après réflexion, admet sa préférence pour les femmes bourreaux, « parce qu’elles ont une personnalité plus difficile à décrypter que celles des victimes ». La magistrate a donc vu défiler ces trente dernières années « des femmes qui tuent à coup de pied, qui égorgent avec un couteau » et qui lui font face. « D’une certaine façon, les femmes ont investi le territoire des hommes, dans la mesure où elles emploient un arsenal de mort qu’elles n’employaient pas au siècle dernier », explique la magistrate. « Mais elles restent peu nombreuses dans la grande criminalité : 3% des femmes passent à l’acte. Cela s’explique par le culturel et le social. A l’heure actuelle, les femmes sont indépendantes, travaillent et revendiquent une certaine égalité avec les hommes. Je dirais une égalité qui va jusque sur le banc des cours d’assises. Ainsi, elles investissent des territoires qu’elles ne connaissaient pas avant. »

Un effet miroir

Il y a donc Magdeleine, Christel, Nadya ou encore Bey, toutes victimes de la brutalité des hommes. Mais il y a aussi Khantaly, Nathalie ou Stéphanie, toutes des bourreaux. « A l’inverse des hommes qui agissent souvent seuls, les femmes tuent rarement sans qu’il n’y ait jamais d’hommes derrière. Le crime gratuit est rarement féminin, du moins dans tout ce que j’ai pu voir dans ma carrière. Elles restent même dans ces moments de décision individuelle apparente à la remorque d’un homme, qu’elles soient bourreaux et encore plus victimes. C’est le résultat de siècles d’asservissement social et culturel ». Prenons, Stéphanie « la suiveuse », la meurtrière fait corps avec son compagnon. « Stéphanie n’est qu’un bourreau que par adhésion ». Ou encore Nathalie, la « tête, l’égérie » et Jean-Marc, l’amant « le bras armé ». Le couple diabolique qui veut se débarrasser d’un mari encombrant. Elle a besoin de lui par amour et par calcul. Parce qu’elle est bel et bien le moteur de cette relation maudite. Elle a écopé de 18 ans de réclusion criminelle à la cour de Bordeaux. Elle a fait appel de la sentence. « Il n’y a jamais de victime qui ne soit jamais perçu avant par son bourreau. Il y a un effet miroir hallucinant entre les deux dans la mesure où l’un, perçoit chez l’autre, le même profil psychologique ou psychiatrique. »

Déni de grossesse ou infanticide

Dominique a repris le flambeau familial. Père, grand-père et arrière-grand-père étaient de la partie. « Il est vrai aussi, dit-elle en riant que j’étais nulle en maths. Il me restait donc la littérature ou le droit. Mon père est mort quand j’avais 15 ans, j’étais l’aînée, peut-être me suis-je sentie obligée, lâche-t-elle, peu convaincue. Non, je pense réellement que ce qui me fascinaitétait le souci constant de la vérité et la complexité de l’âme humaine. Tout ce qui est régulation sociale m’intéresse. Au fond, j’aurais pu être psychiatre parce que l’âme humaine n’est pas une équation, elle ne peut être enfermée dans un bocal ».

La magistrate rappelle qu’elle est aussi une femme, et c’est la raison pour laquelle elle se passionne pour ces dames et surtout pour le passage à l’acte, qu’elle juge « comme étant un réflexe moins passionnel et immédiat comme chez les hommes ». « Il y a aussi une plus grande maturation du passage à l’acte, et dans le cas des dénis de grossesse, comme on dit aujourd’hui, ces femmes restent irrémédiablement silencieuses ». A la lecture des coupures de presse qui relate les procès instruits par Dominique Hoflack, il est clair que la magistrate n’a pas le verdict très tendre. Les demandes de condamnation sont généralement assez lourdes.

Un type de crime, en particulier, semble troubler Dominique Hoflack, en cette fin de carrière. « Avant, on évoquait l’infanticide et jamais le déni de grossesse. Le déni de grossesse est à part. Il n’est même pas encore un terme psychiatrique. S’il est avéré, c’est l’acquittement à coup sûr. Les femmes tuent même leurs entrailles, je l’ai vu, je le sais. Mais ce qui m’intrigue le plus, c’est ce comportement à la limite de la psychiatrie. La ligne de la manipulation est parfois si mince… »…

Lire la suite = http://www.lejdd.fr/Culture/Livres/Dominique-Hoflack-le-crime-feminin-dans-la-peau-720154

Femmes bourreaux, Femmes victimes, par Dominique Hoflack, Editions du Moment, 150 pages, 16.50 euros.