« De maux tus en mots dits » Une idée originale d’Orélie Dalmat

— Par Roland Sabra —

Il s’agit d’une reprise d’un spectacle de pas tout à fait dix ans mais presque. Un exercice difficile et en partie réussi. Dalmat Aurélie, pardon Orélie Dalmat, coquetterie graphique de l’artiste, est la maitresse d’œuvre de ce travail qui raconte, mais y-a-t-il vraiment un fil conducteur? L’éternelle et triste histoire de l’arrachement des terres originelles vers des terres d’asservissement. Les textes proviennent de plusieurs sources, notamment d’auteurs de la diaspora « noire ».

Cette démarche, on le sait n’est pas des plus facile. Quid de la cohérence, de l’homogénéité du propos? Cet écueil est évité par la forme musicale et chantée retenue par le metteur en scène. C’était sans doute là que résidant la véritable difficulté : faire travailler ensemble, des musiciens, des chanteurs, des danseurs et des comédiens martiniquais. Aurélie, pardon, Orélie Dalmat remporte ce pari audacieux. La partition musicale est la grande réussite de cette soirée et l’ajustement des voix se fait sans trop de problèmes. Même Amel Aïdoudi, dont les qualités de chanteuse ne sont pas de celles qui sautent à l’oreille, se tire de cet exercice avec les honneurs. Bien dirigée, mais c’est vrai de l’ensemble des participants dont le placement sur le plateau est sans défaut, elle ouvre le spectacle de façon lumineuse et fait entendre, un peu plus tard, des mélodies arabo-berbères déchirantes comme il se doit. Plaisirs des mots dits d’une autre langue. Un fausse note toutefois quand, sur un texte de Rodrigo Garcia, elle apparaît déguisée en gamine de 9 ans et se lance dans une scie musicale dans laquelle il est question de la situation comparée de cette enfant dans les pays riche et les pays pauvres. Plaisir ( sic!) d’aller au Mac Do d’un coté et exploitation,y compris sexuelle, de l’autre. La chute, «  Et après tu t’étonnes que deux avions se pètent dans deux gratte-ciels » est affligeante. L’attentat terroriste du 11-09 ne serait donc que la conséquence des inégalités de sous-développement, la cause serait ailleurs en Occident bien évidement!. On est proche du degré zéro de la pensée politique à mois d’avoir pour référent Thierry Meyssan et sa théorie du complot.

 La beauté formelle et esthétique du plateau, bien servie  par Valéry Pétris et Dominique Guesdon, fait vite oublier ce faux pas. Les artistes occupent pleinement leur place. Si Dominique Moutoussamy et Régine Féline sont bien mis en valeur, Sarah-Corinne Emmanuel, dont on avait grandement apprécié son tour de chant mise en scène par Hervé Deluge à Trinité en juin 2009 et dont on n’a pu rendre compte jusqu’à présent, est apparue en sous-emploi, tout comme Ina Boulangé. Dommage. La force des moments musicaux est telle qu’elle souligne avec insistance la lourdeur des moments parlés, qui versent un peu trop dans le registre pontifiant et pompeux. Ils cassent le rythme du spectacle et n’ajoutent que très peu au propos, tout comme l’apparition non justifiée de Aïdoudi au deuxième balcon pour une tirade qui pouvait trouver sa place sur scène.
Le véritable mérite d’Aurélie, pardon Orélie Dalmat est d’avoir su choisir les participants qu’il faillait retenir et des les avoir placés là où il fallait. « The right man in the right place » en quelque sorte.

Roland Sabra 03/01/09