Créole : entre défense légitime et aveuglement idéologique

L’unilatéralisme créole, promu par les Ayatollahs fondamentalistes au titre d’une politique d’État en Haïti, est une mystification

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Journée internationale du créole

« On ne peut plus écrire son paysage ni écrire sa propre langue de manière monolingue. Par conséquent, les gens qui, comme par exemple les Américains, les États-Uniens, n’imaginent pas la problématique des langues, n’imaginent même pas le monde. Certains défenseurs du créole sont complètement fermés à cette problématique. Ils veulent défendre le créole de manière monolingue, à la manière de ceux qui les ont opprimés linguistiquement. Ils héritent de ce monolinguisme sectaire et ils défendent leur langue à mon avis d’une mauvaise manière. Ma position sur la question est qu’on ne sauvera pas une langue dans un pays en laissant tomber les autres. » (Lise Gauvin, « L’imaginaire des langues : entretien avec Édouard Glissant », dans « L’Amérique entre les langues », Études françaises, volume 28, numéros 2-3, automne–hiver 1992.)

Octobre est le mois des célébrations de la langue et des cultures créoles dans les communautés linguistiques créolophones à travers le monde. Octobre peut être mis à profit pour revisiter des travaux de qualité élaborés par des linguistes créolistes. Octobre, c’est aussi la période de l’année durant laquelle diverses approches non linguistiques du créole sont remises sur scène avec l’allant d’une pieuse liturgie : le propos est tantôt militant et œcuménique, tantôt incantatoire et prophétique, tantôt identitariste et nationaliste, tantôt sectaire et clanique. De manière générale ces propos appartiennent au registre clivant du populisme linguistique qui, en une indocte et itérative litanie, privilégie la subjectivité, l’amoncellement des formules préfabriquées et le refus de toute intellection épistémologique et critique fondée sur les sciences du langage. L’on observe également que ces approches non linguistiques du créole ignorent délibérément les acquis scientifiques engrangés par la créolistique ces quarante dernières années et qu’elles sont aveugles en particulier aux remarquables travaux de terrain et à la réflexion analytique des linguistes créolistes, haïtiens ou non haïtiens.

Le populisme linguistique est un corps d’idées polarisantes et discriminantes qui charrie (1) la négation de l’historicité du patrimoine linguistique historique bilingue français-créole d’Haïti, (2) le rejet partiel de l’article 5 et le rejet total de l’article 40 de la Constitution haïtienne de 1987 et ce rejet aboutit (3) à la promotion inconstitutionnelle et exclusive de l’unilatéralisme créole. Le populisme linguistique se caractérise également par la promotion de l’idée frauduleuse de la « guerre des langues » en Haïti couplée à la promotion d’une « fatwa » contre la prétendue « langue du colon », le français, stigmatisée au titre d’une pseudo « gwojemoni neyokolonyal » (« hégémonie néocoloniale ») défendue notamment par quelques individus éduqués en français en Haïti puis formés dans les universités américaines. Le populisme linguistique se caractérise aussi par la récitation itérative d’un bréviaire dans lequel sont abolis les droits linguistiques des locuteurs haïtiens ainsi que le partenariat linguistique créole-français fondé sur les articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. L’une des variantes du populisme linguistique connue sous l’appellation de « l’idéologie linguistique haïtienne »–, a été étudiée par le sociolinguiste et sociodidacticien Bartholy Pierre Louis dans sa thèse de doctorat soutenue avec succès en 2015 à l’Université européenne de Bretagne, « Quelle autogestion des pratiques sociolinguistiques haïtiennes dans les interactions verbales scolaires et extrascolaires en Haïti ? : une approche sociodidactique de la pluralité linguistique » (tome 1 : 551 pages ; tome 2 : 125 pages) ; voir notre article « Le créole et « L’idéologie linguistique haïtienne » : un cul-de-sac toxique » (Madinin’art, 27 mars 2020).

Dans le décours de notre réflexion analytique sur divers aspects de l’aménagement linguistique en Haïti, nous avons démontré l’inanité, le caractère lourdement erratique et la non-scientificité du populisme linguistique et, là-dessus, nous avons fourni un éclairage critique amplement documenté entre autres dans notre article intitulé « Le créole, « seule langue officielle » d’Haïti : mirage ou vaine utopie ? » (Potomitan, 7 juin 2018). Ainsi, « L’idée selon laquelle seul le créole doit être aménagé en Haïti est défendue par une petite minorité de bilingues créole français, bien scolarisés en français, la plupart du temps non-linguistes, membres de la chétive Académie créole ou évoluant dans son environnement idéologique. Cette idée exprime un aveuglement volontaire chez ceux des bilingues haïtiens qui nient avec légèreté le caractère bilingue de notre patrimoine linguistique historique biséculaire ». Et quant au fond du questionnement, nous avons posé ceci : « Est-il aujourd’hui utile de démontrer l’inanité de l’aveuglement volontaire chez ceux qui confondent la juste et nécessaire défense du créole et le mirage de l’unilatéralisme créolophile ? Pareil aveuglement créolophile doit-il avoir préséance sur l’Histoire, sur la sociologie, sur la jurilinguistique et les sciences du langage ainsi que sur l’impératif de l’aménagement simultané des deux langues officielles du pays en conformité avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 ? ». La réponse à ce questionnement se donne à voir au niveau des égarements idéologiques individuels d’une part et, d’autre part, à celui des errements idéologiques institutionnels.

Unilatéralisme créole, populisme linguistique et égarements idéologiques individuels

L’une des constantes manifestations de l’unilatéralisme créolophile est l’appel explicite de quelques « fanatiques » de la naine mais verbeuse militance œcuméniquemembres de l’Akademi kreyòl ayisyen–, à violer la Constitution haïtienne de 1987. Par une lecture volontairement partielle et partiale de l’article 5 de notre Charte fondamentale, par l’ignorance attestée de son « Préambule », ils prêchent pour l’imposition de « yon sèl lang ofisyèl », le créole. Le « Préambule » comprend entre autres la mention suivante : « 

Le Peuple haïtien proclame la présente Constitution (…) « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture et par la reconnaissance du droit au progrès, à l’information, à l’éducation, à la santé, au travail et au loisir pour tous les citoyens ». Et sans instituer de hiérarchisation statutaire et préférentielle entre les deux langues, l’article 5 s’énonce comme suit : « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République ». Le trait définitoire essentiel de cet énoncé est en toute rigueur l’unité de la nation au creux d’une langue commune, le créole, et non pas l’exclusion du français, l’une des deux langues de notre patrimoine linguistique historique. Ce trait définitoire essentiel est d’ailleurs préfiguré et attesté dans le « Préambule » de la Constitution de 1987 : « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture ». L’on note en toute rigueur que dans le segment « par l’acceptation de la communauté de langues et de culture », le terme « langueS » s’écrit avec un « S » pluriel, ce qui atteste que l’Assemblée constituante de 1987 a consigné de manière explicite la dimension bilingue de l’héritage linguistique historique d’Haïti.

Sur le registre du populisme linguistique, de la verbeuse militance œcuménique et des égarements idéologiques individuels, l’on observe que l’une des plus récentes manifestations de l’unilatéralisme créolophile se donne à lire dans l’article d’un membre de l’Akademi kreyòl, « Estati lang ak amenajman lengwistik kreyòl » / « Kreyòl lang komen, kreyòl premye lang ofisyèl Ayiti ». Ce texte de Janwobè Plasid [Jean-Robert Placide] est paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 22 octobre 2025. Cet article doit être lu avec attention car il charrie lourdement et dans un évident brouillard analytique son lot de confusions conceptuelles et notionnelles : il ouvre la voie à une erratique et volontaire mésinterprétation des articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987 et il tente de justifier deux régimes linguistiques inconstitutionnels et discriminatoires en Haïti. Le premier régime linguistique serait institué par le statut et sur le registre d’une « première langue officielle » et le second serait téléporté sur le registre du statut d’une « seconde langue officielle ». L’arnaque inconstitutionnelle introduite par Jean-Robert Placide n’a aucun fondement jurilinguistique : l’on observe que nulle part dans la Constitution de 1987 il n’est question d’une « première langue officielle » ou d’une « seconde langue officielle », et les articles 5 et 40 de notre Charte fondamentale n’instituent aucune hiérarchisation statutaire et préférentielle entre nos deux langues officielles, le créole et le français. Les « arguments » énoncés par l’auteur de cet appel confus à la commission d’une véritable fraude constitutionnelle étaient déjà perceptibles dans le livre mort-né qu’il a publié en collaboration avec le linguiste Sauveur Joseph et avec l’aval complaisant du GRAHN-Monde, « Un aménagement linguistique pour le développement du peuple haïtien : bilinguisme équitable différencié et la valorisation du créole » (Presses internationales Polytechnique, Montréal, 2012). L’annonce de la parution de cet ouvrage figure dans le Bulletin du GRAHN (volume 2, numéro 2, août 2012), mais l’on a observé que depuis 2012 le « sous-comité des langues » du GRAHN qui a, semble-t-il, contribué à l’élaboration de ce livre n’a pas fait état d’éventuels travaux consécutifs à sa parution et n’a pas non plus communiqué sur son hypothétique diffusion en Haïti et en outremer… Dans le compte-rendu de lecture de cet ouvrage, le journaliste Patrick Saint-Pré, évoquant les auteurs Jean-Robert Placide et Sauveur Joseph, note que « D’après leurs lunettes, la politique linguistique idéale pour Haïti devrait tout d’abord DÉCLARER LE CRÉOLE LA SEULE LANGUE OFFICIELLE DU PAYS ; ensuite respecter et faire respecter les droits de LA LANGUE OFFICIELLE ; défendre le créole, faire sa promotion et encourager son développement et celui de sa communauté linguistique ; enfin, exiger que les écoles fonctionnent en créole avec une ouverture aux autres langues étrangères sur le territoire » (Patrick Saint-Pré : « Pour en finir avec le bilinguisme exclusiviste haïtien », Le Nouvelliste, 25 mai 2016). [La transcription des segments de la citation, en majuscules et en gras, est de RBO]

Dans l’article « Estati lang ak amenajman lengwistik kreyòl » / « Kreyòl lang komen, kreyòl premye lang ofisyèl Ayiti » (Le Nouvelliste, 22 octobre 2025), Jean-Robert Placide se livre à une frauduleuse réécriture de l’article 211 de la Constitution de 1987. Il prétend, en effet, que « Atik 211, di : lang ansèyman inivèsitè se lang ofisyèl. Kidonk, inivèsite yo ak etablisman ansèyman siperyè YO KA CHWAZI YONN NAN LANG OFISYÈL YO. Sa pa dwe fèt kon sa. Li lè li tan pou sa chanje epi pou inivèsite yo kòm espas lakonesans, ki genyen lidèchip nan peyi a, pran responsablite yo anvan menm lwa a chanje ». [La transcription des segments de la citation, en majuscules et en gras, est de RBO] Voici ce qui est consigné dans la version officielle de la Constitution de 1987 : « Article 211 – « L’autorisation de fonctionner des Universités et des Écoles supérieures privées est subordonnée à l’approbation technique du Conseil de l’Université d’État, à une participation majoritaire haïtienne au niveau du capital et du corps professoral ainsi qu’à L’OBLIGATION D’ENSEIGNER NOTAMMENT EN LANGUE OFFICIELLE DU PAYS ». [La transcription de ce segment de la citation, en majuscules et en gras, est de RBO] Comme on le voit bien, le texte constitutionnel ne consigne nullement la frauduleuse assertion de Jean-Robert Placide selon laquelle « inivèsite yo ak etablisman ansèyman siperyè YO KA CHWAZI YONN NAN LANG OFISYÈL YOL’on observe que l’article 211 n’institue aucune hiérarchisation statutaire et préférentielle entre les deux langues, et il ne contredit ni le « Préambule » ni les article 5 et 40 de notre Charte fondamentale. Il est d’ailleurs symptomatique que le faux en écriture assumé par l’« académicien » Jean-Robert Placide soit en parfaite harmonie avec celui de l’« académicien » Gérard-Marie Tardieu auteur du livre « Yon sèl lang ofosyèl », ouvrage mort-né lui aussi, paru en Haïti aux Éditions Kopivit en 2018. Ces deux membres de l’Akademi kreyòl ayisyen invitent leurs rares lecteurs à une surréaliste errance sur le registre de la délinquance constitutionnelle caractérisée et à se substituer à l’Assemblée constituante qui a élaboré la Constitution de 1987. Ils invitent de la sorte leurs rares lecteurs à se placer au-dessus du vote référendaire majoritaire de notre Charte fondamentale : pareille imposture, commise par des « académiciens », illustre l’idée frauduleuse que l’on pourrait saucissonner ou tronçonner la Constitution de 1987 en fonction des aléas et des prétentions de l’unilatéralisme créole… Ils se réfèrent à notre Loi fondamentale, qui se situe au sommet de l’édifice juridique haïtien, mais du même mouvement ils appellent à violer et à trafiquer cette Loi fondamentale…

À l’aune du déni de réalité, du populisme linguistique, de la verbeuse militance œcuménique et des égarements idéologiques individuels, l’article de Jean-Robert Placide, « Estati lang ak amenajman lengwistik kreyòl » / « Kreyòl lang komen, kreyòl premye lang ofisyèl Ayiti » (Le Nouvelliste, 22 octobre 2025) fournit un autre fort éclairant enseignement. En effet il consigne que « Ayiti pa gen Ministè lang, ni Sekretèri lang, ni Biwo lang, ni Ofis dwa lang kreyòl. Konstitisyon Repiblik Ayiti 1987 la, nan atik 213 la, kreye Akademi kreyòl ayisyen an (AKA). Dokiman konstitisynèl 1987 la bay AKA misyon, pou li kodifye lang kreyòl la, /oryante, jere/ pèmèt devlopman lang kreyòl la, an òd, an amoni epi selon prensip syantifik. Pou kounye a, se Akademi Kreyòl Ayisyen an ki ta dwe jwe wòl ministè lang, sekretèri lang, biwo lang ak ofis dwa lengwistik kreyòl ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] L’on observe ainsi que Jean-Robert Placide s’installe dans un aveuglement volontaire et se révèle incapable d’élaborer un bilan analytique objectif des actions présumées de la naine Akademi kreyòl ayisyen. Une chape de plomb, une véritable omertà mafieuse semble avoir été mise en place par les idéologues de l’Académie créole et par plusieurs intellectuels haïtiens –adeptes de la complaisance et du culte de l’amateurisme–, au sujet des errements et de l’échec total de cette institution prématurément créée en 2014. Nous en avons fait le bilan analytique et documenté dans plusieurs articles, notamment dans celui publié sous le titre « Actualisation du bilan de l’Akademi kreyòl ayisyen : entre « zanno dekoratif », aphonie, strabisme et momification » paru en Haïti le 31 juillet 2025 sur les 17 plateformes régionales du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH) et sur le fil info de l’Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA). Cet article a également été publié aux États-Unis sur le site Rezonòdwès et en Martinique sur le site Madinin’Art.  

Dans cet article nous avons exposé ceci : « En toute rigueur l’on observe que de 2014 à 2025, l’Akademi kreyòl ayisyen n’a publié aucun article scientifique sur le créole, aucune enquête de terrain, aucun ouvrage de lexicographie créole, aucun livre de référence sur la didactique créole et la didactisation du créole, aucun dictionnaire créole, aucune grammaire créole, aucun guide pédagogique pour l’enseignement EN créole et l’enseignement DU créole. Elle n’a publié aucun ouvrage de référence dans l’un des domaines de la créolistique : grammaire, phonologie, lexicologie et lexicographie, dictionnairique, sociolinguistique, démolinguistique, jurilinguistique… De 2014 à 2025, l’Akademi kreyòl ayisyen n’a publié qu’un seul texte… « scientifique », la très lacunaire « Résolution » relative à l’orthographe du créole. Cette œuvre « scientifique » –que les enseignants et directeurs d’écoles à travers le pays n’ont pas pris au sérieux–, a été rigoureusement auscultée par deux linguistes haïtiens de premier plan, Lemète Zéphyr et Renauld Govain. Ainsi, « Lemète Zéphyr dénonce les lacunes de la résolution de l’Aka sur l’orthographe du créole » (Montray kreyòl, 19 juin 2017), tandis que Renauld Govain analyse la position officielle de l’AKA dans son texte « Konprann ‘’Premye rezolisyon sou òtograf lang kreyòl ayisyen’’ an » (AlterPresse, 28 juin 2017). Il éclaire cette « Première résolution », précisant, entre autres, que l’Académie créole confond orthographe, alphabet et graphie : « Rezolisyon an manke jistès nan chwa tèminolojik li yo. Sanble li konfonn òtograf, alfabè, grafi yon pa, epi yon lòt pa, li konpòte tèt li tankou yon trete òtograf, jan nou kapab verifye sa nan dispozisyon 2, 4, 5, 8, 9. » Pour sa part, Christophe Charles, poète, éditeur et enseignant, membre de l’Académie créole, prend le contre-pied de la position officielle de l’AKA sur la graphie du créole dans un texte publié dans Le Nouvelliste du 26 octobre 2020, « Propositions pour améliorer la graphie du créole haïtien ». Au bilan de l’action de l’Académie créole destinée à « fixer » l’orthographe du créole, l’échec est là aussi de notoriété publique mais l’on ne retrouve nulle trace d’une analyse critique de cet échec sur le site officiel de l’AKA, en particulier dans le « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 » mis en ligne par l’AKA sur son site Web ».

RAPPEL – De 2015 à 2025, nous avons soumis à la réflexion et au débat public plusieurs textes analytiques amplement documentés traitant de la chétive Akademi kreyòl ayisyen : 

1.     «  « Accord du 8 juillet 2015 – Du défaut originel de vision à l’Académie du créole haïtien et au ministère de l’Éducation nationale » (Potomitan, 15 juillet 2015).

2.     « Maigre bilan de l’Académie du créole haïtien (2014-2019) : les leçons d’une dérive prévisible » (Le National et Potomitan, 5 avril 2019). 

3.     « Bilan quinquennal truqué à l’Académie du créole haïtien » (Rezonòdwès, 9 décembre 2019).

4.     « L’Académie du créole haïtien et la problématique de la langue maternelle créole » (Madinin’Art, 14 février 2020).

5.     « L’Académie du créole haïtien : autopsie d’un échec banalisé (2014 – 2022) » (Médiapart, 18 janvier 2022).

 

6.     « Journée internationale du créole 2024 : la vision indocte et rachitique de l’Akademi kreyòl ayisyen mène une fois de plus à une impasse » (Rezonòdwès, 19 octobre 2024).

7.     « L’Akademi kreyòl ayisyen recycle une fois de plus ses vieilles recettes et sectarise son incapacité à aménager le créole » (Rezonòdwès, 20 février 2025).

Par ailleurs il est utile de rappeler que Jean-Robert Placide est l’auteur du livre « Ayisyanite ak kreyolite », qui porte en sous-titre la mention « Mouvman kreyòl ayisyen | Sosyete Koukouy yon nouvo endijenis an evolisyon » (Jebca Éditions, 2023). Dans cet ouvrage il s’est fait le chantre d’un obscur indigénisme racialiste téléporté d’une crispation identitaire-racialisteindigéniste » héritée de l’indigénisme et du noirisme duvaliériste… Nous en avons fait un compte-rendu analytique dans notre article paru le 24 mars 2024 en Haïti, aux États-Unis, en Martinique et en France, « Le livre « ayisyanite ak kreyolite » ressuscite-t-il l’indigénisme racialiste duvaliérien sous les habits artificieux du « nouvo endijenis an evolisyon » ? ». La racialisation indigéniste-noiriste d’inspiration duvaliériste a un temps été la carte de visite d’un sociologue respecté, enseignant à l’Université d’État d’Haïti : Jean Casimir, auteur de l’article « Lang blan yo p ap pran peyi a pou yo » publié le 10 février 2023 à la rubrique « Opinion » du site Ayibopost (voir notre article « Jean Casimir ou les dérives d’une vision racialiste de la problématique linguistique haïtienne », Le National, 21 mars 2023).

La dérive nationaliste / essentialiste / identitariste s’est manifestée à plusieurs reprises chez certains linguistes et intellectuels haïtiens appartenant à l’écosystème de l’Akademi kreyòl. Elle a été observée lorsque le rectorat de l’Université d’État d’Haïti, sous la houlette de l’économiste Fritz Deshommes, a tenté de faire alliance avec le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste au motif combien illusoire et inutile de faire du créole l’une des langues officielles d’un comateux OVNI dénommé CARICOM… Ainsi, « Alors qu’Haïti assure, depuis ce mois de janvier 2013, la présidence de la Communauté caribéenne (CARICOM), le rectorat de l’Université d’État d’Haïti et le comité de mise sur pied d’une académie de la langue créole appellent le chef de l’État, Michel Martelly, à demander que le créole, plutôt que le français, soit l’une des langues officielles de l’organisation régionale » (« Le créole haïtien plutôt que le français comme langue officielle, plaident deux institutions », AlterPresse, 29 janvier 2013).

Sur le registre de la dérive nationaliste / essentialiste / identitariste, l’on a observé que de 2011 à 2022, aucun linguiste haïtien, aucune institution de la société civile, aucune association d’enseignants ou de parents d’élèves n’a publiquement soutenu le PSUGO du cartel politico-mafieux du PHTK. Malgré cela, le PSUGO kleptocratique –vaste système de corruption et de détournement de fonds de l’éducation à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars–, a été publiquement et aveuglément soutenu par le linguiste Michel Degraff dans un article publié par la Revue transatlantique d’études suisses, 6/7, 2016/17 : « La langue maternelle comme fondement du savoir : l’initiative MIT-Haïti : vers une éducation en créole efficace et inclusive ». Dans cet article, Michel DeGraff prétend qu’« Il existe déjà de louables efforts pour améliorer la situation en Haïti, où une éducation de qualité a traditionnellement été réservée au petit nombre. Un exemple récent est le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) lancé par le gouvernement haïtien en 2011 dans le but de garantir à tous les enfants une scolarité libre et obligatoire. » Dans une vidéo mise en ligne sur YouTube au cours du mois de juin 2014, Michel Degraff soutient, sans révéler ses sources ni fournir de preuve irréfutable, que 88 % des enfants vont à l’école grâce au PSUGO : « Gras a program Psugo a 88 pousan timoun ale lekòl »… Michel Degraff est (a été ?) le directeur scientifique et le principal responsable du MIT – Haiti Initiative mis sur pied suite à un accord conclu en avril 2013 entre le MIT – Haiti Initiative et l’État haïtien représenté par le Premier ministre Laurent Lamothe, l’un des grands barons du cartel politico-mafieux alors au pouvoir en Haïti, le PHTK néo-duvaliériste. Le MIT – Haiti Initiative promeut depuis quelques années un « Glossary » pré-scientifique et pré-lexicographique d’une grande médiocrité, le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir l’article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 15 février 2022 ; voir aussi l’article « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 14 décembre 2021). L’appui public de Michel Degraff au PHTK néo-duvaliériste à travers son discours propagandiste en faveur du PSUGO est donc conjoint à l’arnaque lexicographique mise en œuvre au moyen du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative ». Et c’est certainement en vertu d’un tel appui public au PHTK néo-duvaliériste que Michel Degraff s’est empressé d’applaudir l’illégale et inconstitutionnelle décision du ministre de l’Éducation Nesmy Manigat de cesser de subventionner le matériel pédagogique en langue française en Haïti (voir notre article « Financement des manuels scolaires en créole en Haïti : confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État », Rezonòdwès, 9 mars 2022). L’on observe que Michel Degraff, zélé propagandiste du PSUGO kleptocratique, a été expulsé en 2024 du Département de linguistique du MIT au motif d’une dérive antisémite caractérisée couplée à une obscure propagande dans laquelle il soutient publiquement certaines idées du Hamas… NOTE – Sur le PSUGO –vaste système de corruption et de détournement des fonds de l’éducation à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars–, voir les articles « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPresse, 16 juillet 2014. Voir aussi sur le même site « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, Port-au-Prince, 30 juin 2016, ainsi que le texte « Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO », par Robert Berrouët-Oriol, Potomitan, 23 mars 2022. Pour sa part la FJKL (Fondasyon je klere), est une institution haïtienne connue pour sa rectitude et la rigueur de ses analyses et dont la mission consiste à « Promouvoir la défense et la protection des droits humains en Haïti », a diffusé le 14 mars 2022, elle un rapport en 46 points intitulé « Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO) : detournement de fonds publics ? La CSC/CA finira-t-elle par décider dans ce dossier d’une technicité qui tranche avec la routine ? » Dans ce rapport, la FJKL estime que « Le dossier du PSUGO est l’un des dossiers sur lesquels la population souhaite qu’une décision de justice soit prise, précisément sur la gestion de ces fonds. La CSCCA [Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif] doit se prononcer, dans le meilleur délai possible, pour qu’un début d’éclaircissement y soit apporté, prenant ainsi en compte les attentes légitimes de tout le pays et de la diaspora haïtienne fortement concernée dans ces prélèvements pour le compte du PSUGO ».

Unilatéralisme créole, populisme linguistique et égarements institutionnels au ministère de l’Éducation nationale

La scabreuse saga du LIV INIK AN KREYÒL représente une étape particulièrement riche d’enseignements quant aux effets directs de l’unilatéralisme créole, du populisme linguistique et des égarements institutionnels. Dans un récent article, –« Le « Liv inik an kreyòl », marqueur fondamental de l’échec didactique, pédagogique et de gouvernance du système éducatif haïtien » (Rezonòdwès, octobre 2025)–, nous avons livré une analyse amplement documentée de la saga du « Liv inik an kreyòl » au creux de l’échec de la gouvernance du système éducatif national haïtien sous la férule du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Ainsi, nous avons exposé qu’il est attesté que le bilan des deux mandatures du PHTKiste Nesmy Manigat à la direction de l’Éducation nationale est celui d’un retentissant :

  1. échec de tous les programmes dits de « réforme » du système éducatif national haïtien financés à hauteur de plusieurs millions de dollars ces douze dernières années ;

  1. échec d’une gouvernance ayant ignoré la reddition des comptes ;

  1. échec de la révision curriculaire pensée en dehors d’une politique éducative nationale ;

  1. échec quant à l’élaboration et la promulgation d’une politique du livre scolaire ;

  1. échec quant à la nécessité d’élaborer et de promulguer un énoncé de politique linguistique éducative nationale ;

  1. échec de l’aménagement du créole, à tous les étages de l’École haïtienne, imaginé dans la négation d’un énoncé de politique linguistique éducative nationale ;

  1. échec du projet de LIV INIK AN KREYÒL.

Synthèse des caractéristiques du LIV INIK AN KREYÒL (version papier et version électronique)

En février 2024, le titulaire de l’Éducation nationale Nesmy Manigat a rendu visite au journal Le Nouvelliste (voir l’article « Le ministre de l’Éducation nationale visite Le Nouvelliste et présente la version numérique du livre unique », Le Nouvelliste, 21 février 2024). Il a présenté en ces termes la version numérique du LIV INIK AN KREYÒL : « C’est une véritable révolution sur le chemin de l’équité et de l’inclusion en Haïti qui permettra à des milliers d’élèves défavorisés d’avoir accès à des contenus multimédias riches dans toutes les disciplines obligatoires du cadre d’orientation curriculaire actuel », a jugé Nesmy Manigat. Pour le ministre de l’Éducation nationale, la version numérique du livre unique est signe « d’un nouvel effort pour offrir une éducation de qualité, à travers des programmes d’étude renouvelés et modernisés à toutes les catégories d’enfants ». (…) « Conçu selon la pédagogie basée sur l’approche par compétence, ce nouvel outil a été mis au point par l’Unité de technologie de l’information et de la communication en éducation (UTICE) ».  [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

Comme nous l’avons rappelé durant la conférence que nous avons donnée en Haïti, via Zoom, au PEN CLUB des Gonaïves le 21 février 2024 –« Dwa lengwistik tout Ayisyen, dwa pou sèvi ak lang matènèl kreyòl nan tout lekòl ann Ayiti : ki sa Konstitisyon 1987 la di lan sa ? »–, Haïti est le seul pays au monde à vouloir implanter dans son système éducatif national SEPT VERSIONS DIFFÉRENTES d’un LIVRE UNIQUE EN CRÉOLE élaboré par SEPT ÉDITEURS DIFFÉRENTS. Haïti est le seul pays au monde à vouloir instituer une pseudo… « révolution sur le chemin de l’équité et de l’inclusion en Haïti », selon Nesmy Manigat, quitte à emprisonner et à ratatiner toutes les matières scolaires dans l’étroitesse d’un livre unique de 300 pages tandis que les élèves du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Canada, de la Martinique, de l’Algérie, de l’Argentine, de la Finlande ou de la Suisse ont à leur disposition des milliers de livres couvrant diverses matières et accessibles dans les bibliothèques scolaires, municipales ou nationales. À titre comparatif, il est utile de signaler que la Bibliothèque Schœlcher, qui est la bibliothèque publique départementale de la ville de Fort-de-France en Martinique, a été inaugurée en 1893. Elle possède un fonds de 130 000 ouvrages incluant un important fonds antillais. Inaugurée en mars 1939 et responsable du dépôt légal des livres à l’échelle du pays, la Bibliothèque nationale d’Haïti comprenait en 2012 environ 60 000 ouvrages. Première bibliothèque patrimoniale du pays et la plus ancienne bibliothèque d’Haïti, la célèbre Bibliothèque haïtienne des Spiritains (BHS) anciennement Bibliothèque haïtienne des Pères du St-Esprit (BHPSE) a été fondée en 1873 par le Père Daniel Weick. Elle compte aujourd’hui 20 000 ouvrages incluant des documents et collections historiques, des fonds d’archives privées, des cartes, etc. Le remarquable site officiel de la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BanQ) répertorie les bibliothèques nationales des États et gouvernements membres ou observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie. Pour la petite île sœur de la Dominique, le site de la BanQ précise que la Bibliothèque publique de la Dominique, membre du National documentation center and public library of Dominica, comprend 50 000 volumes.

Il faut prendre toute la mesure que ce qui caractérise principalement la version numérique du LIV INIK AN KREYÒL pompeusement annoncée par le ministre l’Éducation nationale Nesmy Manigat, c’est que cette version numérique n’a pas été élaborée dans la concertation avec les enseignants et selon les critères d’une politique nationale du livre scolaire politique qui n’existe toujours pas au MENFP. Et elle ne s’inscrit pas non plus dans un programme national d’aménagement du créole, aux côtés du français, dans l’École haïtienne. Cette version numérique n’est que la transposition « technique » (la « photocopie ») immuable, figée, de la version papier de l’ouvrage, elle charrie de ce fait toutes les lacunes méthodologiques, pédagogiques et didactiques de cette version papier, elle ne résout en rien l’échec attesté d’un LIV INIK qui se décline en 7 VERSIONS DIFFÉRENTES ÉLABORÉES PAR 7 DIFFÉRENTS ÉDITEURS. Contactés par nos soins, des éditeurs de manuels scolaires en Haïti ont bien précisé que le BAT (le « bon à tirer ») qu’un éditeur achemine à l’imprimeur est déjà une version numérisée de l’ouvrage à paraître. D’autre part, sur le plan technique, les professionnels familiers de la production de livres numériques assurent qu’il suffit d’un ordinateur, d’un équipement dédié à la numérisation directe de textes, d’images et de sons (c’est le rôle du scanneur et d’un logiciel dédié) pour obtenir en une demi-journée un « livre numérique » ou une version plus élaborée, un « livre numérique enrichi » d’environ 300 pages… L’on a bien noté qu’il y a tromperie sur la marchandise lorsque le MENFP soutient, frauduleusement, que la version numérique du LIV INIK AN KREYÒL présentée au Nouvelliste « permettra à des milliers d’élèves défavorisés d’avoir accès à des contenus multimédias riches dans toutes les disciplines obligatoires du Cadre d’orientation curriculaire actuel ». La démonstration n’a pas été faite, qui aurait permis de savoir si la version présentée au Nouvelliste le 21 février 2024 est effectivement un « livre numérique enrichi » (en anglais : « enriched ebook », « enhanced ebook ») qui, au plan technique, est le seul dispositif permettant d’avoir accès à des contenus multimédia enrichis nécessitant une connexion à Internet. L’on a gardé en mémoire que la plateforme « PRATIC » –lancée dans la précipitation par le ministère de l’Éducation nationale durant la pandémie de Covid 19 et pour l’enseignement à distance–, annonçait elle aussi « l’accès à des contenus multimédias riches dans toutes les disciplines », mais en réalité cela n’a pas été le cas puisque les « experts » de l’Unité de technologie de l’information et de la communication en éducation (l’UTICE) au sein du ministère de l’Éducation n’avaient effectué que le « copier-coller » brut des programmes et des cours… (voir l’article « Le LIV INIK AN KREYÒL, version numérique, ou la permanence du bluff cosmétique au ministère de l’Éducation nationale d’Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, Paris, 24 février 2024). La version numérique du LIV INIK AN KREYÒL, soi-disant destinée à permettre « à des milliers d’élèves défavorisés d’avoir accès à des contenus multimédias riches dans toutes les disciplines obligatoires du Cadre d’orientation curriculaire actuel », n’a pas passé l’épreuve d’une implantation planifiée et mesurable dans le système éducatif national. Il s’est avéré être un autre « gadget », un nouvel instrument de propagande là où la majorité des élèves, de langue maternelle créole, ne disposent ni d’un ordinateur personnel ni d’une connexion à Internet, ordinateur et connexion dont le coût est extrêmement élevé en Haïti. NOTE – Sur le volet didactique en particulier, voir notre article « Le LIV INIK AN KREYÒL et la problématique des outils didactiques en langue créole dans l’École haïtienne » (Rezonòdwès, 13 août 2023).

Prégnance de l’idéologie dans le corps social et discours scientifique

L’idéologie, au sens que lui attribue le philosophe français Louis Althusser, est présente à tous les étages de la société et dans ses appareils idéologiques d’État. NOTE – À propos de l’idéologie et des appareils idéologiques d’État, voir l’étude princeps de Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État.
(Notes pour une recherche) » parue dans la revue La Pensée, no 151, juin 1970. L’on observe que « (…) l’idéologie imprègne tous les sujets sociaux, qui perçoivent les événements avec un certain point de vue. Même si elle est composite, l’idéologie est donc bien présente chez les citoyens, ce qui nécessite d’en avoir connaissance si l’on veut pouvoir juger le plus objectivement des faits, événements et débats de nos sociétés » (« De l’idéologie au discours idéologique : d’un discours institué à un discours instituant », par Jeanne Meyer et Julien Longhi (Université de Cergy-Pontoise) ; article paru dans « Le discours et la langue », Revue de linguistique française et d’analyse du discours, Discours et contexte social, 9 (1), 2017). L’idéologie tisse donc sa toile dans toutes les dimensions de la vie en société et –par l’instance discursive, la langue usuelle des locuteurs–, elle traverse les champs sociologique, culturel, scientifique, économique, etc., au point de se prendre elle-même pour un discours scientifique. Cela explique en grande partie le fait que plusieurs locuteurs créolophones attribuent à leurs discours idéologiques SUR le créole la valeur d’un axiome scientifique… Et comme nous l’avons mentionné au début du présent article, le discours des Ayatollahs du créole comme celui des fondamentalistes créolistes est tantôt militant et œcuménique, tantôt incantatoire et prophétique, tantôt identitariste et nationaliste, tantôt sectaire et clanique : c’est un discours qui relève essentiellement du champ idéologique même lorsqu’il « emprunte », dans son énoncé, des arguments issus d’une sphère scientifique. Le discours idéologique SUR le créole se tisse et demeure dans la sphère de l’opinion, de la croyance, de la subjectivité et du déclaratif-énonciatif. L’idéologie se donne ainsi un rôle, une mission, celle d’« expliquer » les faits et les idées par le recours abusif et itératif à l’opinion, à la croyance et au dogme quasi pontifical. Le discours idéologique SUR le créole élabore de la sorte un ardent bricolage « intellectuel » qui n’a rien de scientifique et dans certains contextes il tend à devenir un discours totalitaire paré de médailles conflictuelles, antinomiques et exclusivistes. Dans la bouche des Ayatollahs du créole le discours idéologique SUR le créole chasse en meute, il pourfend, édicte des prescriptions et une « grammaire identitariste », il fait du créole une langue assiégée et justifie son enfermement entre les murs d’une improbable citadelle. Le discours idéologique SUR le créole est donc un discours de l’exclusion, sectaire et dogmatique, il n’est en aucun cas un discours capable de situer l’aménagement linguistique dans la perspective rassembleuse d’une langue de reconquête de la citoyenneté au cœur du combat pour l’édification de l’État de droit en Haïti.

Ces données observables n’ont pas échappé à nombre d’enseignants vivant en Haïti et avec lesquels nous dialoguons régulièrement, ainsi qu’à l’économiste et historien Leslie Péan, auteur de l’article « Marasme économique, transmission des savoirs et langues » paru en Haïti dans AlterPresse le 22 mai 2013. Dans ce texte Leslie Péan expose que « Seul un discours critique sur le créole haïtien peut aider ses véritables défenseurs à dresser les balises capables d’en empêcher une dénaturation populiste. Dans le système qui prédomine chez nous depuis deux siècles, le faux a souvent triomphé sur le vrai pour des raisons bassement mercantiles. Et c’est par le biais de la dénaturation du vrai que cela se produit. Là est la note dominante de notre profond mal-être de peuple. Une tendance lourde qui s’exprime et s’enracine dans la conception du chen manje chen. Les droits naturels et fondamentaux sont réduits à néant ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] Leslie Péan est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence majeurs parmi lesquels « Haïti, économie politique de la corruption » publié en 2003 [2005] aux Éditions Maisonneuve et Larose ; de « Économie politique de la corruption  L’ensauvagement macoute » paru en 2007 chez Maisonneuve et Larose et « Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens sous le gouvernement de François Duvalier » paru en 2010 aux Éditions Mémoire d’encrier.

L’un des enseignants avec lequel nous échangeons d’habitude sur la problématique linguistique haïtienne soutient avec hauteur de vue que « le créole, issu du contact de plusieurs langues, ne peut pas être une langue d’exclusion ». En référence à « une cabale créole-français » montée de toutes pièces par quelques créolistes fondamentalistes, cet enseignant assume –dans le message audio qu’il nous a acheminé le 28 octobre 2025–, que « défendre le créole ne saurait aller de pair avec l’exclusion du français ». Il s’insurge contre « le mandarinat linguistique », contre les « manitous qui veulent piéger le débat, ce qui provoque de la confusion parmi les locuteurs créolophones ». Il exprime dans ses propres mots ce que la jurilinguistique a explicitement inscrit dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996, à savoir le « droit à la langue », le « droit à la langue maternelle » : les locuteurs haïtiens ont le droit constitutionnel à la maîtrise et à l’usage des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, et seule une Loi d’aménagement linguistique sera en mesure d’en assurer l’efficience (voir notre livre « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lengwistik ann Ayiti » (Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2018).

NOTRE PLAIDOYER : INSTITUER LE BILINGUISME DE L’ÉQUITÉ DES DROITS LINGUISTIQUES EN HAÏTI

À contre-courant de l’unilatéralisme créole promu par les Ayatollahs fondamentalistes au titre d’une politique d’État en Haïti, nous situons notre vision au creux de la configuration du patrimoine linguistique historique bilingue d’Haïti et dans l’ancrage de la constitutionnalité du « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » en Haïti. Dans les livres et articles que nous avons publiés de 2011 à 2025, nous faisons LE PLAIDOYER D’UNE VISION CONSTITUTIONNELLE DE L’AMÉNAGEMENT DE NOS DEUX LANGUES OFFICIELLES, LE CRÉOLE ET LE FRANÇAIS. Notre vision est ancrée dans les sciences du langage, dans la Constitution de 1987, dans la jurilinguistique et dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996.

Le patrimoine linguistique historique bilingue d’Haïti, dans son acception la plus large et la plus inclusive, se définit comme « héritage, bien de la nation », soit l’ensemble des productions langagières orales et écrites, en français et en créole, parfois attestées avant 1804 et dans l’ensemble repérables de 1804 à nos jours. Sur le registre de l’écrit notamment, il comprend des documents aussi divers que « Lisette quitté la plaine », chanson attribuée à Duvivier de la Mahautière en 1757 ; l’Acte d’indépendance du premier janvier 1804 rédigé uniquement en français et traduit en créole par Jacques Pierre (Journal of Haitian Studies, vol. 17, no 2 / 2011) ; l’ensemble des Constitutions, lois, traités, codes civil et criminel et conventions de la République d’Haïti rédigés uniquement en français ; une histoire d’Haïti rédigée pour la première fois en créole, « Ti difé boulé sou istoua Ayiti » de Michel-Rolph Trouillot ; « Dezafi » de Franketienne, premier roman écrit en créole haïtien ; « L’oranger magique / Ti pye zoranj » et autres contes bilingues de Mimi Barthelemy ; « Kavalye polka », pièce de théâtre en créole de Syto Cavé ; « Konpè jeneral soley », traduction créole par Edenne Roc du roman de Jacques Stephen Alexis « Compère général soleil » ; « Ti diksyonnè kreyòl-franse » d’Henry Tourneux et Pierre Vernet ; les romans « Des fleurs pour les héros» d’Anthony Phelps et « Hadriana dans tous mes rêves » de René Depestre, etc. Le patrimoine linguistique d’Haïti est étroitement lié à l’histoire et à la culture du pays. Ainsi la « lodyans », d’abord contée en créole puis transcrite et renarrativisée par des auteurs de talent tels Maurice Sixto et Georges Anglade, fait partie du patrimoine linguistique et culturel d’Haïti et elle présente la particularité de se situer sur les registres de l’oral et de l’écrit. La littérature haïtienne dans sa totalité, longtemps produite seulement en français et plus récemment en créole, fait partie du patrimoine linguistique historique bilingue d’Haïti.

Il faut prendre toute la mesure que la configuration bilingue du patrimoine linguistique historique d’Haïti est attestée dans la Constitution de 1987. Cette réalité est pourtant niée et oblitérée par les Ayatollahs du créole –propagandistes de l’inconstitutionnelle idée de l’exclusion du français partout en Haïti : ils ne retiennent qu’un segment de l’article 5 de la Constitution de 1987, à savoir « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole », tout en excluant le segment statutaire et inclusif qui suit, « Le créole et le français sont les langues officielles de la République ». Le caractère bilingue du patrimoine linguistique historique d’Haïti est attesté dès les premières phrases du « Préambule » de la Constitution de 1987 qui se lit comme suit : « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture (…) ». L’inscription dans le texte constitutionnel de « la communauté de langues et de culture », –qui renvoie à la notion centrale de communauté nationale–, est précédée de la solennelle proclamation préambulaire dans ces termes : « Préambule » — « Le peuple haïtien proclame la présente Constitution / Pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et la poursuite du bonheur ; conformément à son Acte d’indépendance de 1804 et à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ». Il y a donc dans le texte constitutionnel de 1987 un appariement juridique, un lien/liant juridique commun entre la communauté nationale comprenant l’ensemble des locuteurs, unilingues créoles et bilingues français-créole d’une part ; et, d’autre part, il existe un lien juridique référentiel majeur entre « l’acceptation de la communauté de langues et de culture » (le terme langues est consigné au pluriel) et les « droits inaliénables et imprescriptibles » en conformité avec l’Acte d’indépendance de 1804 et avec la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Sur le registre d’une jurilinguistique haïtienne qu’Haïti aura à élaborer, l’on peut déjà noter la référence constante au Droit, à la personnalité juridique de l’Acte d’indépendance de 1804 qui consacre l’institution d’une nation souveraine ayant vaincu le colonialisme. Et cette référence constante au Droit apparie l’Acte d’indépendance de 1804 au texte fondateur consacrant au sortir de la Seconde Guerre mondiale l’universalité des droits humains, à savoir la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

La « dimension Droit » est l’une des caractéristiques majeures de la Constitution de 1987, et cela s’explique en grande partie du fait que l’Assemblée constituante a voulu prémunir Haïti d’un retour du fascisme duvaliérien. Tel que précisé plus haut, les droits citoyens fondamentaux sont identifiés dès le « Préambule » de la Constitution de 1987 : « Le peuple haïtien proclame la présente Constitution / Pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et la poursuite du bonheur (…). Cette proclamation préambulaire est explicitement renforcée (1) par le dernier segment du « Préambule » du texte constitutionnel dans les termes suivants : « Pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l’équité économique, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective », d’une part. Et, d’autre part, elle est explicitement renforcée (2) au Titre III – Chapitre II qui consigne explicitement « Des droits fondamentaux » : la liberté individuelle, la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, etc. L’article 19 du Titre III – Chapitre II du texte constitutionnel dispose de surcroît que « L’État a l’impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme ».

Le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques », défini ci-après, renvoie à la fois à sa dimension politique et juridique, et il est fort éclairant que l’Assemblée constituante ait consigné un si explicite « Préambule » dans la Constitution de 1987 selon les termes suivants : « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture (…) ». « Fortifier l’unité nationale » est de l’ordre de la gouvernance politique de l’État –le « Préambule » est conclu dans cette perspective par l’obligation d’« instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains »–, et ce choix politique de société repose sur les garanties constitutionnelles inscrites dans les articles relatifs aux droits citoyens désignés dans notre charte fondamentale. Un tel choix politique de société trouve toute sa légitimité dans notre charte fondamentale au Titre III – Chapitre II qui consigne explicitement « Des droits fondamentaux ». Dans l’expression « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques », chacun des termes (« bilinguisme », « équité », « droits linguistiques ») est porteur de traits définitoires distincts et pourtant liés. Alors même que le terme « équité » comprend les sèmes définitoires de « Caractère de ce qui est fait avec justice et impartialité » (Le Larousse), il ne faut pas perdre de vue que les termes « bilingue » et « bilinguisme » sont le lieu d’âpres débats notionnels contradictoires et l’objet de cet article n’est pas d’en exposer les grandes avenues ni les principales tendances. La réflexion que nous proposons en partage s’attache plutôt au bilinguisme en tant que politique d’État tout en gardant à l’esprit que « Des 195 États souverains, 54 sont officiellement bilingues, c’est-à-dire 27,6 % des pays du monde pour une population regroupant environ deux milliards de personnes (Jacques Leclerc : « L’aménagement linguistique dans le monde », Québec, CEFAN, Université Laval). Le dictionnaire Le Robert définit comme suit le « bilinguisme » : « Caractère bilingue (d’un pays, d’une région, de ses habitants). Le bilinguisme en Belgique, au Québec (personnes). Qualité de bilingue. Le bilinguisme parfait est rare ». Pour sa part, Le Larousse consigne la définition suivante : « Situation d’un individu parlant couramment deux langues différentes (bilinguisme individuel) ; situation d’une communauté où se pratiquent concurremment deux langues ». Ranka Bijeljac-Babic, de l’Université de Poitiers, introduit des éléments de définition en ces termes : « Les termes « bilingue », « bilinguisme » désignent différents phénomènes selon qu’ils décrivent un individu, une communauté ou un mode de communication. Une personne est bilingue si elle utilise deux langues de façon régulière ; une société est bilingue si elle utilise une langue dans un contexte et l’autre dans un contexte différent. » (« Enfant bilingue / De la petite enfance à l’école », Éditions Odile Jacob, 2017). Le bilinguisme de société évoqué dans le dernier segment de cette définition est contestable et il rappelle l’opposition de nombre de linguistes au concept de diglossie appliqué à la situation linguistique haïtienne.

Sans entrer dans les détails de son argumentaire, il est utile de mentionner l’éclairage que propose le linguiste-aménagiste Jean-Claude Corbeil lorsqu’il établit une « Distinction entre bilinguisme en tant que projet individuel et bilinguisme en tant que projet collectif-Distinction entre bilinguisme institutionnel et bilinguisme fonctionnel ». Ainsi, « L’objectif du bilinguisme de langue commune est de donner à l’individu une aisance linguistique en langue seconde qui lui permette, par exemple, d’entretenir une conversation courante, de lire, d’aller au cinéma, de faire ses courses, de manger au restaurant, en somme les gestes les plus familiers de la vie quotidienne. (…) c’est le vocabulaire surtout qui caractérise le bilinguisme de langue spécialisée : il s’agit, ici, d’acquérir le vocabulaire d’une science, d’un métier, d’une technique, ou encore un ensemble de vocabulaires qui constituent la langue d’une entreprise. Le bilinguisme est institutionnel lorsque la société tend à vouloir faire de chaque individu un individu bilingue tant de langue commune que de langue spécialisée » (Jean-Claude Corbeil : « L’embarras des langues / Origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise », Éditions Québec-Amérique, 2007).

Dans le droit fil de ces différents éclairages notionnels, nous entendons par « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » la future politique d’État d’aménagement des deux langues officielles d’Haïti conformément à la Constitution de 1987 et qui s’articule sur deux versants indissociables :

  1. À l’échelle de l’État, le bilinguisme institutionnel instaure la parité effective et mesurable entre nos deux langues officielles et il garantit, dans la sphère publique, l’obligation de l’État d’effectuer toutes ses prestations, orales et écrites, en créole et en français, et d’élaborer/diffuser tous ses documents administratifs dans les deux langues officielles du pays –il s’agit là d’une obligation déjà inscrite à l’article 40 de la Constitution de 1987. Le bilinguisme institutionnel se réfère ainsi en amont aux droits linguistiques collectifs ainsi qu’à l’« aptitude d’un service public à fournir à la population et à son propre personnel des services dans les deux langues officielles » (Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton, et Bureau de la traduction du gouvernement fédéral canadien).

  1. À l’échelle de la société, le bilinguisme individuel recouvre le « droit à la langue » (le droit à l’acquisition et à la maîtrise des deux langues du patrimoine linguistique historique d’Haïti ; le « droit à la langue maternelle » (le droit à la maîtrise et à l’utilisation de la langue maternelle créole dans toutes les situations de communication) et qui est étroitement lié aux obligations de l’État sur le registre du bilinguisme institutionnel.

En tant que politique d’État, le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » que nous préconisons au coeur de l’aménagement linguistique en Haïti constitue sur plusieurs plans une avancée majeure. Il est conforme au « Préambule » et aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987, il est en lien direct avec la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996, et il s’articule à la perspective centrale en jurilinguistique selon laquelle les droits linguistiques, dans leur universalité, sont à la fois individuels et collectifs. Ainsi, dans cette optique, le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » renvoie à toute la problématique du rôle central que l’État doit assumer en matière de mise en œuvre des droits linguistiques et quant aux garanties constitutionnelles qu’il faut obligatoirement leur accorder.

Dans une série d’articles spécialisés parus sur le site de l’Observatoire international des droits linguistiques, « L’État et les droits linguistiques », le juriste Graham Fraser prend soin de noter que « Les droits linguistiques sont plus que des moyens de protection : ce sont aussi des outils de transformation qui permettent aux citoyens (…) de fonctionner en tant que membres à part entière de la société. Ainsi, les droits linguistiques sont, à n’en pas douter, des droits individuels, mais ils n’acquièrent leur plein sens que dans le contexte de la communauté linguistique dont fait partie la personne qui les revendique » (Revue de droit linguistique 5 / 1, 2018.) Dans cette même publication spécialisée, Graham Fraser –« Senior Fellow » (« Professionnel en résidence ») à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, auparavant Commissaire aux langues officielles du Canada et président de l’Association internationale des commissaires linguistiques de 2013 à 2016–, mentionne la référence suivante tout en faisant ressortir le rôle de l’État en matière de droits linguistiques : « Voir notamment R c Beaulac, [1999] 1 RCS 768 au parag. 20 : « Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs ; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Cela concorde avec l’idée préconisée en droit international que la liberté de choisir est dénuée de sens en l’absence d’un devoir de l’État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques […] ». Sur ce registre, il faut prendre toute la mesure que la mise en application des droits linguistiques exige des mesures gouvernementales explicites et appropriées et elle crée des obligations pour l’État : ces mesures et obligations doivent être consignées dans un dispositif d’ordre juridique et administratif.

Montréal, le 28 octobre 2025

(*)Robert Berrouët-Oriol Linguiste-terminologue

Conseiller spécial au Conseil national d’administration

du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)

Konseye pèmanan, Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA)

Membre du Comité international de mise à jour du Dictionnaire des francophones