« Crachat et lutte de classes » & « Cyniques et indécents »

—  Le n°258 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —

CRACHAT ET LUTTE DE CLASSES

RCI nous apprend qu’à l’occasion d’une séance de signatures pour le livre qu’il à coécrit avec le militant afrodescendant Steeve Gadet, un « activiste » aurait craché sur le béké Emmanuel de Reynal. On sait que ce débat improbable entre les deux hommes, a réjoui ou choqué, suivant les points de vue. Parmi les mécontents, il y en a qui ont choisi l’invective virulente contre Steeve Gadet. L’activiste du jour a, lui, visé physiquement de Reynal.

Pendant ce temps, les élu-e-s réuni-e-s en congrès, lancent un débat d’où elles et surtout ils, espèrent tirer un ou des plans « pour la Martinique », pour le plus grand bien « de tous les Martiniquais ». Et comme il se doit pour une si généreuse intention, les premiers pas de ce nouveau départ sont salués par une unanimité de bon aloi. On se croirait en plein « Gran Sanblé pou ba péyi a an chans » des débuts !

Qu’il y a t il de commun entre l’acte peu glorieux de l’activiste, et la réunion consensuelle du congrès des élu-e-s ? Le premier que l’éthique réprouve, pose à sa manière tonitruante mais surtout infertile, le problème du rapport avec les Békés. Le second ignore ou récuse ce problème, quand il mélange pour « le bien de la Martinique », le peuple salarié ou en chômage avec le béké, sans oublier le non béké capitaliste !

La réalité, c’est que tant que ce problème ne sera posé que par des vendetta individuelles impuissantes, il n’aura pas plus de chances d’être traité que quand il est ignoré dans les plans officiels.

Certains prétendent qu’il y aurait une quelconque nouveauté dans des tentatives de poser le problème de la domination béké sur la société martiniquaise. C’est faux.

Toute notre histoire est structurée par ce combat de classes, affecté d’une forte composante pigmentaire introduite sciemment par les Dominants eux-mêmes. Du combat anti-esclavagiste d’hier, aux luttes des travaileurs/ses d’aujourd’hui dans l’agriculture, le commerce, l’industrie, les services, en passant par les luttes contre le racisme, l’obscurantisme, l’arbitraire, la pwofitasyon, les classes d’en bas n’ont jamais cessé de poser concrètement, et en actes, ce problème que les officiels d’aujourd’hui évacuent, tout en parlant des «inégalités » comme si ces inégalités étaient désincarnées, et solubles dans un consensus évacuant la lutte des classes.

Pour ce qui nous concerne, nous rejetons les deux impasses symbolisées par les deux faits que nous avons mis en parallèle au début. L’ignorance de cette question de fond par la grande majorité des politiques, et les gestes individuels de colère contre des personnes dont on met en cause, non pas un acte concret, mais la simple appartenance à la classe-caste, se nourrissent peut être réciproquement, mais ne nous font pas avancer d’un poil de moustique.

Inutile de philosopher sans fin sur le caractère de Martiniquais des Békés. Quatre siècles, même marqués par leur domination sans partage, ont réglé la question.

Mais inutile aussi de pérorer sur les inégalités quand on jette le voile sur la première des inégalités.

Inutile d’agresser tel ou telle, de pester en l’air contre tel ou telle autre, si l’on n’agit pas dans un combat collectif qui fourmille d’occasions.

Les syndicats des salarié-e-s du commerce ont appelé à une grève pour les droits de ceux-ci, et donc pour la réduction des inégalités face à leurs exploiteurs en grande majorité békés. Combien les ont soutenus ?

Plusieurs organisations populaires ont pour la première fois réclamé ensemble que les pollueurs à la chlordécone, essentiellement le lobby béké, soient mis en demeure de payer la réparation des dégâts causés par leur âpreté au gain. Voilà une revendication qui doit devenir celle du plus grand nombre.

La question de la réorientation de l’agriculture (moins de cultures spéculatives, plus de cultures vivrières et maraîchères) qui fait dorénavant consensus, pose de fait la question de la propriété, ou au moins du contrôle des terres majoritairement aux mains des Békés. Ni les crachats sur les personnes, ni la seule stratégie des rassemblements hâtifs devant les grandes surfaces, ni les hangars brûlés, ne résoudront ce problème.

Il faut dire la vérité qui ne souffre aucune hypocrisie : la lutte organisée qui désigne les problèmes au lieu de les mettre sous le tapis, la lutte qui convoque l’action collective au lieu des sautes d’humeur individuelles, cela reste notre chemin en conformité avec un héritage historique qu’il faut enrichir plutôt que renier.

CYNIQUES ET INDÉCENTS !

Les profits des géants de l’énergie ont explosé. TotalEnergies engrange près de 14 milliards d’euros de bénéfices en 2021. Grâce à la guerre en Ukraine, ses bénéfices triplent au premier trimestre 2022. Depuis, les records sont battus. Pendant ce temps, les populations européennes paient 51 % de plus pour le gaz, 30 % de plus pour l’électricité, et 75 % pour l’essence, et les hausses continuent. Dans le même temps, plus de 12 millions de personnes (soit 20% de la population), en France, n’ont pas les moyens de se chauffer l’hiver ou de se rafraîchir pendant la canicule l’été, car elles sont en situation de précarité énergétique.

Dans le Journal du dimanche du 25 juin, les PDG d’EDF et de TotalEnergies, la DG d’Engie ont ainsi appelé à ce que « chacun… – chaque consommateur, chaque entreprise – change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers », se portant garants « de la cohésion sociale et de la transition durable de notre pays ». Cet appel à la sobriété énergétique est cynique et indécent. En effet, en un mois le jet privé appartenant à Total Énergie brule 68 tonnes de kérosène. C’est l’équivalent de la consommation énergétique moyenne d’une personne.

Pour notre part et pour s’en sortir, nous préconisons de :

– Faire payer les riches dont le mode de vie (jets privés, voitures de luxe, super-yachts…) consomme énormément d’énergie.

– Taxer les profits insolents des profiteurs de guerre pour financer la transition énergétique.