COP28 : un verre à moitié plein ou à moitié vide?

La COP28, qui s’est tenue à Dubaï, a abouti à un accord complexe suscitant des réactions divergentes au niveau international. Cet accord, résultat de négociations tendues, est salué comme une avancée historique par certains, mais critiqué pour ses compromis et son langage ambigu, notamment en ce qui concerne les énergies fossiles.

Le gouvernement français a qualifié l’accord de victoire pour le climat, soulignant une avancée historique et un langage fort sur la sortie des énergies fossiles. Cependant, une lecture approfondie du texte révèle des éléments de langage ambigus dictés par les lobbyistes du pétrole. L’Union européenne, le Costa Rica, et la Colombie, prônant une sortie coordonnée des énergies fossiles, ont exprimé leur déception face à la formulation plus timide adoptée.

TotalEnergies, une entreprise pétrogazière, a salué l’accord, affirmant qu’il confortait sa stratégie de transition, en mettant particulièrement l’accent sur le rôle du gaz. Cependant, cette approche est critiquée par des organisations environnementales telles que le WWF, considérant le gaz comme une distraction dangereuse et les vrais gagnants comme les producteurs de combustibles fossiles.

Le compromis autour de l’inclusion du gaz comme énergie de transition suscite des inquiétudes quant à d’éventuels abus. Des références tacites au gaz naturel dans le texte pourraient justifier de nouveaux investissements des entreprises pétrogazières dans ce combustible fossile. Cette approche est perçue comme une menace potentielle pour les efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à atteindre la neutralité carbone.

L’Alliance des petits États insulaires, particulièrement vulnérables au dérèglement climatique, a dénoncé un manque d’ambition et un langage faible sur les combustibles fossiles. Cette critique souligne les tensions entre les objectifs climatiques globaux et les intérêts nationaux divergents.

L’accord final, bien que plus ambitieux que la version initiale, admet que les carburants de transition, implicitement le gaz, peuvent jouer un rôle dans la transition énergétique tout en garantissant la sécurité énergétique. Cette reconnaissance du gaz naturel comme énergie de transition peut être interprétée comme un signal, potentiellement encourageant d’autres pays et entreprises à intensifier leurs investissements dans cette ressource.

La question cruciale du gaz naturel est soulignée par ses implications sur le développement de certains pays africains. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) reconnaît que l’accès à l’énergie dans la plupart des pays africains ne pourra se faire que par le gaz naturel. Cependant, le débat sur l’utilisation du gaz en Afrique est complexe, nécessitant un équilibre entre les besoins de développement et les impératifs climatiques.

Si le gaz naturel est considéré comme une alternative moins émettrice de gaz à effet de serre que le charbon, son utilisation doit être soigneusement réglementée pour éviter les abus. Les réserves importantes de gaz naturel en Afrique soulèvent des questions sur l’exploitation responsable de cette ressource, notamment en ce qui concerne les émissions de CO2 et les impacts environnementaux.

Le texte de la COP28 ne fixe pas de calendrier contraignant pour la sortie des énergies fossiles, laissant place à des interprétations divergentes et à des risques potentiels d’abus. La nécessité de rester pragmatique, selon le ministère de la Transition énergétique, est soulignée pour assurer la cohérence globale du texte.

Outre les questions liées au gaz, l’accord de la COP28 est également critiqué pour son manque d’ambition sur la réduction des émissions de méthane, un gaz à effet de serre puissant. Le secteur gazier, à l’origine de fuites importantes de méthane, n’est pas soumis à des objectifs contraignants dans le texte final.

En outre, les financements insuffisants pour la justice climatique constituent une ombre au tableau de la COP28. Bien que la création du fonds pour les pertes et dommages ait été saluée, les montants promis sont jugés largement insuffisants par rapport aux coûts estimés des dégâts climatiques.

La COP28 a abouti à un accord complexe qui reflète les tensions et les compromis inhérents aux négociations climatiques mondiales. L’équilibre entre les impératifs climatiques et les réalités économiques demeure délicat, mettant en lumière les défis persistants de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Les divergences d’interprétation du texte soulignent la nécessité d’une vigilance continue pour éviter les déviations potentielles sur la voie vers un monde sans combustibles fossiles.

—M’A—