Climat: limiter le réchauffement à +2°C serait possible avec les engagements pris lors de la COP26

— Par Anne-Laure Frémont —

Si les promesses faites en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre sont suivies d’effets, l’objectif de l’accord de Paris est atteignable, selon une étude publiée dans la revue Nature.

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, les nouvelles encourageantes sont rares. La revue scientifique Nature s’en fait donc l’écho en publiant mercredi une étude selon laquelle les engagements pris avant et pendant la COP26 à Glasgow l’an dernier peuvent permettre aux États de rester dans les clous de l’accord de Paris… À condition qu’ils soient tous scrupuleusement mis en œuvre.

Lors de la COP21 à Paris en 2015, un cap a été fixé: limiter le réchauffement climatique «bien en dessous» de 2°C et «si possible» 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Mais le monde a déjà gagné +1,1 °C… «Et les politiques actuellement mises en place nous amènent à +2,6°C à la fin du siècle», a rappelé Christophe McGlade, expert de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et coauteur de l’étude, lors d’un point presse.

La conférence sur le climat qui s’est tenue à l’automne dernier à Glasgow a surtout été perçue comme un rendez-vous manqué de plus dans l’histoire des COP. L’étude parue dans Nature indique cependant «pour la première fois (que) nous pourrions contenir le réchauffement sous la barre symbolique de 2°C avec les promesses sur la table, à supposer bien sûr que les pays tiennent leurs engagements (…) dans les délais et dans leur intégralité», explique son auteur principal, Malte Meinshausen, de l’université australienne de Melbourne.

Ses collègues et lui ont analysé l’impact des engagements des 153 parties (pays ou ensemble de pays) qui ont remis à l’ONU avant, pendant, ou à l’issue de la COP26 une mise à jour de leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, que l’on nomme Contributions déterminées au niveau national. Ces points d’étape – non contraignants légalement – sont importants pour définir concrètement comment chaque État compte faire à court ou moyen termes pour réduire ses émissions. 76 parties, représentant les trois quarts des émissions mondiales, ont en outre soumis des engagements à long terme, la plupart visant la neutralité carbone au milieu du siècle (en 2060 pour la Chine).

Avant la COP26, ces engagements internationaux étaient considérés comme étant bien en deçà de l’ambition de Paris : ils avaient moins de 50% de chance de maintenir le réchauffement en dessous de 2°C. Mais en analysant les mises à jour de tous ces plans à court et long termes, ainsi que les nouvelles promesses formulées à Glasgow en novembre 2021 (comme celles visant à réduire les émissions de méthane ou la déforestation), les auteurs de l’étude montrent que «le pic de réchauffement pourrait être limité à 1,9-2 degrés Celsius dans le cas d’une mise en œuvre complète» de ces promesses.

Scepticisme

Les chercheurs se gardent toutefois de tout optimisme démesuré : comme le rappelle le climatologue Zeke Hausfather, coauteur d’un article également publié dans Nature, faute de mesures contraignantes au niveau international, il n’y a aucune garantie que les pays respecteront leurs engagements. «Les objectifs à long terme doivent être considérés avec scepticisme s’ils ne sont pas soutenus par des engagements à court terme visant à mettre les pays sur la voie pour atteindre ces objectifs au cours de la prochaine décennie», ajoute-t-il.

Et si l’espoir de rester en dessous des +2°C survit encore, «malheureusement, il est aussi de plus en plus clair que l’objectif de l’accord de Paris de 1,5 °C est en train de devenir hors de portée», note Zeke Hausfather. Selon l’étude, les engagements révisés n’ont que 6% à 10% de chances d’atteindre cet objectif. Il faudrait réduire «fortement les émissions au cours de cette décennie» pour inverser la tendance, rappellent ses auteurs.

Le dernier volet du rapport du Giec, publié la semaine dernière, indique en effet que pour maintenir la limite de +1,5°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre un pic avant 2025 «au plus tard» et être réduites de 43% par rapport à 2019 d’ici la fin de la décennie en cours. Or ce n’est pas du tout la trajectoire actuelle: selon l’étude de Nature, les émissions moyennes par habitant devraient encore continuer d’augmenter d’ici à 2030 dans certains pays clés comme la Chine, premier émetteur mondial (+6 % par rapport aux niveaux de 2019), la Turquie (+33 %) ou la Russie (+21 %).

Dans un rapport paru en 2018, les experts climat du Giec évaluaient très concrètement les conséquences d’un réchauffement à +2°C ou à +1,5°C, montrant ainsi des impacts bien plus graves avec un demi-degré de plus: canicules plus intenses et plus fréquentes, multiplication des sécheresses et des épisodes extrêmes de précipitations, hausse du niveau des océans… Le texte approuvé à Glasgow appelle donc les États membres à rehausser leurs ambitions dès cette année, lors de la COP27 en Égypte, pour espérer ne pas enterrer définitivement l’objectif de +1,5 °C.

Source : Le figaro.fr