Chute du gouvernement Bayrou : les Outre-mer en première ligne

— Par Jean Samblé —

Le gouvernement dirigé par François Bayrou  est tombé ce lundi 8 septembre, à l’issue d’un vote de confiance à l’Assemblée nationale qu’il était certain de perdre (364 votes contre 194 pour) pour. Cette crise politique majeure, inédite depuis 1962, plonge le pays dans une phase d’instabilité institutionnelle à un moment critique, en particulier pour les territoires d’Outre-mer.

Deux issues sont alors possibles : soit le président de la République nomme un nouveau Premier ministre capable de former une majorité, soit il convoque de nouvelles élections législatives. En attendant, le gouvernement démissionnaire sera chargé d’expédier les affaires courantes, ce qui limite considérablement sa capacité à prendre de nouvelles décisions.

Et c’est là que le bât blesse pour les Outre-mer. Plusieurs dossiers urgents risquent d’être relégués au second plan, voire totalement gelés. À commencer par le projet de loi contre la vie chère, qui devait être présenté fin septembre au Sénat. Si le futur gouvernement choisit une autre orientation politique, le texte pourrait tout simplement être abandonné.

Autre victime probable de ce blocage institutionnel : le Comité interministériel des Outre-mer (CIOM), prévu d’ici à la fin de l’année. Quant à la réunion entre Emmanuel Macron et les élus ultramarins, prévue le 30 septembre pour discuter des évolutions statutaires, elle est pour l’heure maintenue, mais son efficacité reste incertaine dans ce contexte.

Certaines avancées semblent néanmoins pouvoir être préservées. C’est le cas de la loi pour la refondation de Mayotte, adoptée en juillet après le passage dévastateur du cyclone Chido. Ce texte prévoit près de 4 milliards d’euros d’investissements. Mais pour que ces montants deviennent effectifs, ils doivent être inscrits au budget – un processus suspendu tant que le gouvernement ne retrouve pas sa pleine capacité d’action. Le traitement de l’urgence mahoraise pourrait relever des affaires courantes, ce qui laisse espérer un minimum de continuité. Mais là encore, les marges de manœuvre sont étroites.

La situation est encore plus préoccupante pour la Nouvelle-Calédonie, où l’urgence institutionnelle est patente. La réforme constitutionnelle destinée à permettre un référendum sur l’accord de Bougival en 2026 devait être présentée en Conseil des ministres le 17 septembre. Ce calendrier semble désormais caduc. Par ailleurs, le projet de loi prévoyant un nouveau report des élections provinciales se retrouve dans une zone grise : un gouvernement en affaires courantes peut-il encore porter un tel texte ? Rien n’est moins sûr, et certains experts soulèvent même un doute sur sa constitutionnalité.

Cette incertitude politique intervient alors que les Outre-mer connaissent des tensions sociales et économiques grandissantes. Reporter l’adoption des textes structurants pourrait non seulement retarder des réformes attendues depuis longtemps, mais aussi alimenter le sentiment d’abandon et de relégation au sein de populations déjà fragilisées.