De Bleu de Parme à Vert Limon Une lecture infinie

par Christian Antourel —

 Amel Aïdoudi ; une comédienne rompue à l’art de la scène.

 
Brillante idée du SERMAC (Service Municipal d’Action Culturelle), que de poursuivre les rendez- vous « bleu de parme », initiés depuis huit années par Lydie Bétis sa directrice. Cette saison est intitulée Vert Limon, celui dont le poète a dit : « il entre dans la composition de ma chair »
Sur scène Amazigh Kateb, leader et chanteur du groupe « Le Poison Rouge » fils du très célèbre Kateb Yacine immense écrivain, dramaturge et poète algérien qui « demeure un symbole de la révolte contre toutes les formes d’injustices et l’emblème d’une conscience insoumise, déterminée à rêver, penser et agir debout » Et notre Amel Aïdoudi comédienne aux mille facettes de l’indicible a l’émotion, qui dévoile les mystères d’un monde ou le réel n’est qu’un litham qui dissimule l’essentiel. Elle sait se libérer de toute convention rigide qui pourrait l’entraver dans son élan premier. Cette spontanéité procure à sa présence une sincérité vivifiante, quand le répertoire emprunte aux auteurs leur détermination, leurs déchirures soudaines, leurs métamorphoses érudites, articulées sur des textes de Frantz Fanon, d’Aimé Césaire, de Kateb Yacine. De Dalambert Louis-Philippe, de Khalil Jibran , Rodrigo Garcia, Methelus. De Patrick Chamoiseau , d’Edouard Glissant et de Kateb Amazigh. Un spectacle de mots engagés, éclairés, voire enragés, pour sortir du bois.
Amazigh Kateb possède une voix grave et récitative qui lorsqu’elle change d’octave prend des accents andalous propices à déclamer l’exaltation d’une poésie jaculatoire mythique entretenue dans sa source mystique, malgré la pression de la modernité conflictuelle. Il parle, musique et chante, façon couscous, comme là-bas dit ! Et c’est génial de dépaysement, si rare. Il brode les mots anciens ou contemporains, classiques ou populaires. Rythme la musique savante de son Algérie aimée. De son père et maître, il a reçu un patrimoine musical viscéral et intellectuel, ainsi qu’une étique et les ferments d’une spiritualité qui décline des morceaux d’éternité, des éléments poétiques très littéraires, déclamés dans la forme du plus pur arabe classique.
« Aussi douce que Marlène, aussi vache que Dietrich »
Amel, saltimbanque et espiègle, nous dit les mots bleus …outre- mer, de ces auteurs, révélant ainsi les vibrations spirituelles qui tombent autour d’elle, comme des espoirs de paix, de réconciliations, de repos et finalement de rencontres.
L’interprétation est celle d’une comédienne rompue à l’art de la scène. Elle magnifie des textes nourris de cris, de doute, de révolution, d’un marronnage à vif en quête d’amour et de bonheur, qui procurent un émerveillement de chaque instant. Là se télescopent interrogations et réflexions. Amel AÏdoudi fait sortir la dimension des lignes de force, emprisonnées dans le vert limon de ces textes de feu : échantillons de ces desseins nourris d’images vives, d’une intelligence littéraire cristallisés dans leur évidence.
Derrière l’aspect de cette lecture jaculatoire, l’idée de la littérature s’impose comme un art martial technique de combats et connaissance de la maitrise du stress. Elle favorise une juste attitude de regard quand la vraie justice est c’elle qu’on rend soit même. Ensemble, ils réussissent la synthèse de l’amour des textes et du phrasé imperturbable de la musique
Amel Aîdoudi et Amazigh Kateb, nous poussent à nous élever loin de nos attaches qui entravent notre liberté d’agir et de penser et nous glissions dans les espaces de réflexions en mouvement, qui nous accordent sur l’essentiel. « Parce que l’histoire nous mêle sans nous le demander et que le verbe nage plus loin que les hommes qui le crachent » Le point commun, indéniable entre ces comédiens, est cette « psychopathologie » bienfaisante de la nostalgie, au service de la vie quotidienne. Cette envolée lyrique consciente pour échapper à toute cette brutalité, à la dégradation, a cette violence, a la souffrance. A tout ce qui est corrompu et que la mémoire confesse, à travers ce no man’s land des couleurs de la peau.
Notre esprit n’est-il pas déjà devenu un peu plus sensitif à entrevoir l’envoutante poésie burlesquement noire ou malicieuse ?
La vérité est une notion malléable…
Si Dieu veut … Inch Allah !

-A l’Hôtel PLM Batelière le 1er Novembre 2010.

Christian Antourel Novembre 2010.