Chico César chante sur ses lauriers

 — Par Véronique Mortaigne —

Une loi municipale votée dans les années 1970 interdisant de construire des immeubles de plus de quatre étages en bord de mer donne à Joao Pessoa, capitale de l’Etat nordestin de Paraiba, des allures décalées au pays des gratte-ciel dominants.

« La ville est née en 1585 au bord du fleuve et a longtemps tourné le dos à l’Atlantique. En bord de mer vivaient des pêcheurs et des gens pauvres. Dans les années 1970, de riches familles ont construit les maisons de plage », raconte le chanteur Chico César, revenu vivre dans son Etat natal après vingt-cinq ans passés à Sao Paulo et sur les scènes internationales.

Le trublion à la coiffure abusivement afro, qui chantait Mama Africa comme un hymne identitaire, vient de publier Aos Vivos Agora, recomposition exacte du Aos Vivos, enregistrement live de 1994 qui lui apporta le succès. Depuis 2010, il est aussi secrétaire d’Etat à la culture du Paraiba.

Cheveux hirsutes rassemblés par un bandeau sur un mode féminin, crâne rasé avec une touffe en forme de geyser au sommet, coiffé d’un bonnet africain, mèche indisciplinée : les coiffures de Chico César, chanteur, auteur, compositeur, ont toujours eu valeur de manifeste antiraciste, anticonformiste dans un Nordeste où, pour désigner le cheveu crépu, le peuple métis utilise le terme de cabelo ruim, « le mauvais cheveu ». Arrêté à 16 ans pour une bricole, Chico César subit alors la première des humiliations : on le rasa.

Le petit bonhomme nègre est né en 1964, à Catolé do Rocha, bourgade verte du sertao (le désert intérieur) nordestin, à 500 kilomètres de la côte. C’est dans la mégalopole de Sao Paulo, où il débute une carrière de journaliste, que Chico César rencontre la provocante avant-garde de la MBP, la musique populaire brésilienne (Itamar Assumpçao, Tete Espindola, Arrigo Barnabé…). Lui trimballe une guitare, une voix claire et un talent certain à marier les sons et rythmes du Nordeste avec la composition de ballades amoureuses et des thèmes de société. Il suffira d’un concert en 1994, qui va donner lieu à l’album Aos Vivos, enregistré en live, pour que sa gloire naisse quasiment du jour au lendemain.

Daniela Mercury, Zizi Possi, Elba Ramalho, grandes vedettes de l’époque, vont alors enregistrer des chansons extraites du disque produit par un tout petit label. Puis c’est la diva brésilienne Maria Bethânia qui déclarera sa flamme. Fidèle, la grande interprète brésilienne a enregistré bon nombre de chansons composées pour elle, et parfois avec elle, par Chico César.

Militant de la cause noire

Le jeune Nordestin publie son premier album studio, Cuscuz Clan, chez Polygram en 1996 – le cuscuz est une semoule de maïs que l’on mange avec du sucre et du lait dans le Nordeste. Le disque va lui permettre d’aborder le marché international. Militant de la cause noire, Chico César revendiquera en musique ses ascendances africaines (plus nettement encore que son aîné Gilberto Gil), embauchant pour son troisième album, Beleza Mano, le Zaïrois Lokua Kanza, avant de revenir plus tard à ses sources, avec des thèmes de forro (accordéon et danses de la Saint-Jean), du frevo (danse de carnaval), mélangeant le xote local avec le reggae. Son camarade de classe nordestin Lenine – qui participe au disque Aos Vivos Agora – désigne d’ailleurs Chico César comme une de ses influences majeures.

 

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