« C’est un film profondément féministe » : Maïmouna Doucouré sort « Mignonnes » qui ausculte la vie des préadolescentes

Le premier long-métrage de Maïmouna Doucouré, « Mignonnes », sort le 19 août en salles. (Sacha Maric for Netflix) Marine Langlois

Avec son premier film « Mignonnes », la réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré interroge, entre autres, l’hypersexualisation de jeunes filles de onze ans. Rencontre. 

Recompensée en 2017 par le César du meilleur court-métrage pour Maman(s), Maïmouna Doucouré signe cette année Mignonnes, son premier film, à retrouver en salles le 19 août.

Le long-métrage suit l’histoire d’Amy, une jeune fille de onze chamboulée quand elle apprend que son père va rentrer du Sénégal avec une nouvelle femme. À la quête d’une nouvelle liberté, Amy va se lier d’amitié avec un groupe de filles, « les Mignonnes ».  Entre chorégraphies sensuelles et likes sur les réseaux sociaux, Amy va vouloir trouver sa place. Criant de réalisme, Mignonnes est un premier film réussi. Rencontre avec sa réalisatrice, qui décrit cette oeuvre comme son « bébé »

franceinfo Culture : Mignonnes reprend la trame de votre court-métrage primé Maman(s)¸ sur une jeune fille confrontée à la polygamie dans sa famille. Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir à cette histoire ?  

Maïmouna Doucouré : Le cadre familial que je dépeins dans Maman(s) est d’une certaine façon le même que celui de Mignonnes mais je n’ai pas l’impression de raconter la même histoire. Le point commun entre les deux oeuvres est mon enfance. J’ai grandi à Paris, dans une famille polygame : c’est cet univers que j’ai choisi de faire découvrir.

Avec Mignonnes, vous abordez aussi l’hypersexualisation des pré-adolescentes. Encore un sujet que l’on voit très peu dans le cinéma français. Vous aimez vous attaquer à des sujets qui dérangent ?  

Je ne pense pas que ce soit des sujets qui dérangent mais c’est vrai que cet âge particulier n’est pas beaucoup traité. Ces sujets sont surtout très représentatifs de ce qui se passe dans la réalité et sont peut-être difficiles à admettre. Ensuite, faire un casting de préadolescentes signifie prendre le risque de les voir se transformer trois mois plus tard, étant donné qu’elles sont dans une phase de croissance assez importante. 

Le film est effectivement très moderne. Vous avez fait beaucoup de recherches avant d’écrire le scénario, notamment sur les problèmes auxquels est confrontée la jeunesse d’aujourd’hui ? 

En tant que réalisatrice, je me devais d’être au plus près de la vérité. Pour faire le film, j’ai réalisé une enquête de plus d’un an lors de laquelle j’ai rencontré de nombreuses petites filles entre onze et douze ans. Elles m’ont raconté leurs histoires, la façon dont elles se situent en tant que jeunes filles et futures femmes, mais aussi la manière dont elles se construisent avec leur famille et leurs amis, à l’heure des réseaux sociaux. Toutes ces histoires ont nourri le scénario.

Peut-on dire que Mignonnes est un film qui dénonce ?  

Mignonnes est un film profondément féministe. Il était important pour moi de trouver l’angle idéal pour parler de mon héroïne, Amy, qui est tiraillée entre deux modèles de femmes. D’un côté, celui de sa mère, qui subit une certaine forme d’oppression et celui qu’elle va aller chercher à l’extérieur, à travers ce groupe de copines qui est pour elle, une forme de libération. Mignonnes questionne la place de la femme dans la société et les outils que l’on donne à nos jeunes filles pour se construire. Avec ce film, j’interroge la notion de choix quand on est une femme.

Est-ce qu’on peut vraiment choisir le costume qu’on a envie de porter, pas celui imposé par une tradition ou la société ?Maïmouna Doucouré

Il était aussi important pour vous de montrer le choc des cultures entre l’univers familial d’Amy et ses nouvelles amies ?  

C’est une part de moi-même que je mets dans ce film, ayant grandi entre deux cultures – celle de mes parents d’origine sénégalaise et la culture occidentale. J’ai eu beaucoup d’interrogations, enfant, sur ma place en tant que jeune fille. Certaines injustices que pouvaient vivre les femmes m’ont révoltée. Je me suis toujours dit que je voulais trouver une forme de liberté, que je refuserais certaines choses. Cela m’a beaucoup animé dans la création.  

Comment s’est passé le tournage avec les jeunes actrices ? Est-il vrai que vous aviez un psychologue sur place ?

Pour le casting, j’ai vu 700 petites filles pour au final, trouver les cinq actrices. J’ai dû adapter ma manière de travailler pour qu’elles soient le plus naturelles possible. Pendant les répétitions, leur personnage était associé à un animal, pour qu’elles trouvent la bonne énergie. Angelica (Medina El Aidi) était un serpent, Amy (Fathia Youssouf), un chat qui se transforme en panthère. Cela les a aidées pendant les scènes de danse. J’ai aussi créé un champ lexical autour de la nourriture qui m’a permis de communiquer avec elles. « Hamburger » voulait dire « action », « chips » était « couper », « pastèque » quand j’avais besoin de plus d’énergie.

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