C’est la DEAL qui défigure le paysage martiniquais et non pas nos marins-pêcheurs

— Communiqué du CNCP —

Bel exemple de la malfaisance de la domination coloniale ! Des marins pêcheurs installés depuis des décennies sur une plage de Schoelcher ont reçu un courrier de la DEAL (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement) les sommant de déplacer leur bateau sous un délai d’une semaine, délai après lequel ils devraient payer une amende de 100 euros par jour. La DEAL est l’une des administrations françaises qui sévit dans notre pays. Celles-ci, bien sur, sont toutes dirigées par des représentants du pouvoir colonial ou, si vous préférez, par ceux qui se qualifient eux-mêmes d’« expatriés ». Dans cette affaire, le Préfet français a tenu à rappeler la loi :  « L’occupation du domaine public maritime et la réalisation de travaux sans autorisation préalable constituent des infractions (…) pouvant faire l’objet de poursuites. » (communiqué du 13 juillet 2023)

Parlons donc du respect de la loi ! Il y a d’abord celle des envahisseurs colonialistes qui ont massacré les habitants de « Jouanacaera » – rebaptisée « Martinique » – afin d’occuper l’île ; il y a encore la loi au titre de laquelle ils se sont octroyé la propriété des «  5O pas du roi », devenus sournoisement « 50 pas géométriques » sous la « République ». Depuis, règne la loi du plus fort.

La vérité historique est que l’État colonial a distribué des concessions aux colons français qui, pour la plupart, sont devenus maîtres esclavagistes. La Loi, alors, interdisait aux asservis d’accéder à la propriété (Cf. le Code Noir). Quand, au début des années 1950, s’est imposée la nécessité de réglementer l’occupation de la zone des 50 Pas, et dans toutes les opérations qui ont suivi, la politique de l’État colonial n’a pas varié  d’un iota : favoriser les privilégiés et faire obstacle à l’accession à la propriété des familles martiniquaises.*1 C’est la règle du « deux poids deux mesures » qui a prévalu. Les membres de la caste dominante béké ont facilement obtenu des titres de propriété sur de vastes parcelles, pendant que des conditions drastiques étaient imposées aux autres occupants (limitation de surface, prix de vente dissuasif, etc.) Aujourd’hui, l’objectif du pouvoir colonial reste d’aménager le littoral en fonction de ses propres intérêts. Il entend y installer des espaces ouverts aux investisseurs, des vitrines touristiques offrant des hôtels prestigieux et des lieux d’accueil pour les expatriés en mal d’exotisme*2.

Revenons au cas de Schoelcher.

Les prétextes annoncés par la DEAL pour s’en prendre aux pêcheurs semblent louables : il faut mettre de l’ordre ! Il y a des gens, restaurateurs et plaisanciers, qui ne respectent pas la réglementation. Mais, sachant les services de l’État bien moins regardants dans de nombreuses autres situations, nous ne pouvons croire en la sincérité de leurs intentions. Oui, il faut que l’ordre et les réglementations soient respectés ! A condition, toutefois, que les véritables intérêts de notre peuple soient mis en avant. La pêche artisanale et ses promoteurs doivent être respectés ! Nos traditions doivent être protégées ! Quant aux intérêts de notre pays au plan économique, il est incontestable que le maintien des marins pêcheurs sur les plages, leur accompagnement à l’installation, le développement de multiples activités annexes autour de ce qui peut devenir un formidable « produit d’appel » pour un tourisme durable, seraient éminemment plus porteur que les ordres d’expulsion.

La Municipalité de Schoelcher, tout en rappelant sa volonté d’empêcher les dérives et de faire respecter les réglementations sur la plage, s’est engagée à accompagner les pêcheurs dans leur démarche de régularisation ou de relocalisation. Mais, c’est en amont que ceux-ci auraient dû être approchés, pas seulement, d’ailleurs pour être consultés ou informés, mais pour être co-décideurs de la politique de l’aménagement du territoire.

Évidemment de telles démarches ne sont pas envisageables dans le cadre de la domination et de la législation coloniales. A nous tous d’en tirer la conclusion !

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*1 A cette occasion nous avons pu découvrir, qu’après l’éruption de la Montagne Pelée en 1902, l’État s’était engagé à remettre gratuitement des titres de propriétés aux rescapés relogés à Schoelcher et Fonds Lahaye. Cela avait été notifié dans le Journal Officiel de la Colonie ! L’engagement  n’a jamais été respecté!

*2 Lors d’une mobilisation pendant laquelle des centaines de Martiniquais(es) étaient venus libérer l’accès à la plage de Désert à Sainte-Luce, plage illégalement privatisée par des « expatriés », la préfecture avait dépêché des gendarmes. L’un d’eux à cyniquement déclaré à un manifestant : « Nous ne sommes pas ici pour une question de plage, nous sommes là pour protéger nos ressortissants ! » Tout commentaire est superflu.