Bruno Sentier : « Ça donne à réfléchir »

Du 14 septembre au 20 octobre 2019 au 14°N 61°W, place de l’Enregistrement à F-de-F

caryl* ivrisse-crochemar & [creative renegades society.] ont le plaisir de vous présenter la deuxième exposition individuelle de l’artiste SENTIER, à l’espace d’art contemporain.
SENTIER a quitté la Martinique il y a deux ans après y avoir vécu pendant trente ans. Il habite à présent dans le Finistère Nord, en Bretagne. Il travaille à construire un modèle économique autour de ses pratiques et à établir d’autres relations sur un territoire qu’il ne connaissait pas avant de s’y installer. C’est très stimulant de repartir à zéro, il aime bien me sentir étranger, ne pas avoir de repères et avancer à tâtons, en aveugle. L’enracinement pose de multiples problèmes à son sens. C’est la même chose dans la pratique artistique, il lui paraît nécessaire de dépasser les acquis techniques et théoriques. La vie et l’art sont indissociables. Il ne s’agit pas d’oublier, c’est bien sûr impossible, mais plutôt de se libérer des entraves socioculturelles malheureusement inhérentes aux apprentissages, et de rester au plus proche de l’origine du désir de production et de communication. Mais attention, il ne faut pas comprendre ici l’origine comme un moment ponctuel figé dans le passé. SENTIER éprouve une aversion viscérale pour toute forme de nostalgie. L’origine est une chose toujours présente qui accompagne tout ce qui naît et apparaît. C’est beaucoup plus intéressant de penser comme ça, c’est plus dynamique. Les origines sont toutes des écarts, des jaillissements qui perturbent le cours de l’existence.
Quand il était enfant, il aimait bien dit-il, tailler des morceaux de bois avec un canif, y passant des heures. SENTIER a consacré beaucoup de temps dans sa vie d’adulte à tenter de retrouver les sensations qu’il éprouvait à l’époque dans cette activité. En permanence en quête de cet intense engagement dans le faire dans lequel les enfants semblent capables de se plonger sans effort. Parfois il s’en approche, mais bien sûr ça n’a plus la même saveur. Il faut dire que
l’expérience dévoile bien des choses abominables qui l’ont amené à constater la vanité de tout espoir. Toutefois il ne parle pas de renoncement, car malgré les désastres petits et grands, passés et à coup sûr à venir, SENTIER est habité par un puissant désir d’amélioration aussi bien pour lui que pour le monde, une espérance brute sans but précis et sans réel objet. Peut-être s’agit-il d’un simple désir d’être. De toute façon, il est toujours impossible de conclure qu’aucune ouverture n’existe.
L’art est un champ ouvert et sans limites. Chacun peut s’y adonner. Comme toute activité libre, comme tout travail libre il permet de découvrir l’étendue de ses possibilités et de sa liberté personnelle. Le souci de l’artiste est d’oeuvrer, de produire sans idée préconçue. Il cherche à se dépouiller des restes de culpabilité que les manipulations psychologiques auxquelles nous avons tous été soumis depuis notre plus petite enfance ont imprimés dans nos êtres.

Nous vivons avec tous ces sentiments négatifs que les sociétés, les communautés, les collectifs nous poussent à avoir sur nous-mêmes, parce nous n’en avons pas vraiment conscience. Il est nécessaire que ça change. Il n’est toutefois pas facile de régurgiter tous ces poisons dont nous avons tous été gavés dès nos premiers instants, c’est certainement le travail de toute une vie. La pratique d’un art est un formidable outil pour y parvenir, c’est même un raccourci.

Chaque oeuvre d’art est un barreau scié permettant de sortir de la cage. L’art est présent partout, même en dehors de l’art. Dès que quelqu’un s’évertue à rassembler des morceaux et à les assembler pour produire une forme signifiante, dans n’importe quel domaine, à ses yeux, c’est de l’art.

Quand on pratique, on s’aperçoit très vite que ce que l’on produit ne provient pas de notre seule conscience, mais qu’il s’agit plutôt de la convergence de multiples intentions émanant de celles et ceux qui nous ont précédés ou qui nous côtoient, qu’ils soient humains ou non humains, vivants ou pas. Toute chose s’indivise et est forme finie, délimitée dans l’espace-temps.

Chaque chose marque son environnement durant son existence et toutes les personnes qui s’emparent de quelquesunes de ces traces pour donner à voir la réalité de la transformation incessante du monde, à leur façon singulière, sont des artistes.

Les travaux que présente SENTIER à l’occasion de cette exposition, sont les fruits de ses spéculations. Il utilise des cartons d’emballage pour réaliser des matrices qu’il encre et imprime ensuite sur un beau papier à l’aide d’une presse taille-douce. Le résultat est une estampe unique qu’il retouche si besoin, au crayon de couleur et à la peinture a tempera.

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