Bona se bonifie

richard_bona Le bassiste star Richard Bona publie un disque bio d’une douceur revigorante, synthèse de ses influences éparses entre New York, Paris et Douala.

« Tout est parti d’une interview, quand un journaliste m’a affirmé que les créateurs de la musique actuelle, ce sont les DJ. J’étais choqué! » Pour Richard Bona, grand bien fasse à David Guetta et consorts de pratiquer « le collage sonore »… Mais que l’on ne lui raconte pas que la création y trouve son compte. « Comme le sport avec le dopage, ce show-biz qui généralise le play-back me fait peur. On devient otages d’usurpateurs! »

C’est en réaction à cette « artificialisation » que le musicien a pensé son septième album, Bonafied, dont le titre indique la démarche toute bio : « Bona fide est utilisé en anglais pour qualifier quelque chose d’authentique, de sincère. J’ai fait un disque de résistance, acoustique, dépouillé, personnel. Contrairement à l’omelette fadasse que l’on m’a servie hier à Paris, ma musique a du goût! » Et une consistance indéniable. Sans crier gare, ses chansons combinent le raffinement de rythmes africains ancestraux avec des envolées latin jazz, et aussi des saveurs plus françaises. Ici avec l’accordéoniste Vincent Peirani, découvert au côté de Youn Sun Nah, là avec la chanteuse Camille, qui cosigne la complainte de La Fille d’à côté. « Camille a toujours eu cette attitude de musicienne sans filet, audacieuse et ne cachant pas ses imperfections, je la respecte. »

Une authenticité inestimable aux yeux de Bona, dont l’album s’ouvre sur une ode au vivant (Dunia E, « la vie » en douala, sa langue natale) et nous offre un peu plus loin Tumba La Nyama (« la tribu des animaux »). Construite sur un rythme véloce et doux du Cameroun – le « bol », ancêtre du bikutsi –, cette chanson célèbre le règne d’animaux sauvages dépités par la tristesse du genre humain. « Alors que la nature nous aime sans conditions ! Enfant, je voyais chaque matin mon grand-père chanter ses louanges à notre forêt. “Regarde tout ce qu’elle nous donne”, me disait-il! »
Sollicité par les plus grands

Un souvenir que le bassiste surdoué, passé d’une enfance rurale africaine à une carrière de compositeur et soliste basé à New York, cultive maintenant en moteur de sa création. Sollicité par les plus grands – Stevie Wonder, Lauryn Hill –, Richard Bona indique d’ailleurs qu’à 45 ans il envisage d’acquérir un lopin de terre au Brésil et de passer plus de temps à la campagne « pour travailler et manger plus sainement ». Cela s’entend.

Alexis Campion – Le Journal du Dimanche
12/05/13