Aux Antilles « un parcours de vie entravé dans l’accès aux droits » selon la Défenseure des droits

À plusieurs reprises, le Défenseur des droits apubliquement rappelé l’importance qu’il accordait aux droits des habitants des différents territoires d’Outre-mer en soulignant les défis que représente encore aujourd’hui l’accès à l’égalité réelle, pourtant reconnue par la loi comme un objectif essentiel de convergence entre les territoires.
Au-delà des défis de long terme bien identifiés en Outre-Mer (déclin démographique, lutte contre la pauvreté et le mal-logement, transition écologique et adaptation au changement climatique…) et des crises qui les frappent encore très récemment (tensions sociales, augmentation de la violence et de la criminalité liée aux trafics…), la mission s’est efforcée d’identifier des enjeux structurels directement liés à l’organisation et aux moyens des services publics, au travers des différents aspects de la vie des Antillais.
C’est en effet la capacité effective donnée aux habitants de ces territoires à vivre dans des conditions décentes et dans un environnement sain, à apprendre et se former, à se déplacer et travailler, à accéder aux soins, à vieillir dans de bonnes conditions et, plus largement, à réaliser leurs démarches administratives et à faire valoir leurs droits, qui est réduite du fait des insuffisances des services publics. À cet égard, comme l’institution le souligne à chaque fois que sa mission l’a conduit à pointer des défaillances des services publics, du fait des réclamations qui viennent à elle, ce constat ne met nullement en cause le travail réalisé par les agents publics qui souvent, souffrent eux-mêmes de difficultés structurelles ne leur permettant pas de répondre comme ils le souhaiteraient aux attentes des usagers.
Les situations les plus critiques sont connues : la distribution et l’assainissement de l’eau en Guadeloupe, la rareté des transports publics sur les deux territoires, les délais d’attente pour accéder à un médecin spécialiste, les difficultés à liquider les pensions de retraite en Martinique, le manque d’agents dans les préfectures et dans les juridictions, qui retarde l’accès aux droits, ou encore, les difficultés liées à la dématérialisation des démarches administratives, accrues pour des populations où le taux d’illettrisme est plus important et où la fracture numérique est encore plus marquée.
L’ensemble de ces défaillances dans le fonctionnement des services publics, constatées depuis plusieurs décennies, est à l’origine d’un climat de défiance caractérisé envers les institutions dans ces territoires et d’un sentiment prononcé d’abandon au sein de la population antillaise. « On ne croit plus aux services publics ».
L’analyse de l’effectivité de l’accès aux services publics au regard des principes auxquels ils doivent répondre – égalité, continuité, adaptabilité – revêt une dimension particulière s’agissant des territoires ultramarins. Leur éloignement géographique fait, en effet, courir le risque d’une rupture de continuité dans le service public, constitutive d’une atteinte à l’égalité par rapport aux habitants de l’hexagone. Les modalités de réalisation du service public doivent être adaptées pour tenir compte des caractéristiques spécifiques du territoire et de sa population, et surmonter les barrières qui demeurent encore, qu’elles proviennent de la langue, de la culture, de l’origine ou de la couleur de peau.
Dans un contexte socio-économique particulièrement défavorable, marqué par un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale, un taux de pauvreté de près de 30 % et un coût de la vie particulièrement élevé, il est essentiel de réaffirmer l’exigence d’égalité dans l’accès aux services publics et dans la qualité des services rendus à la population, de garantir la neutralité de l’action publique et de lutter contre le clientélisme et les discriminations et de refuser le fatalisme, le non-recours aux droits.
Le fonctionnement régulier des services publics, sans rupture sur le territoire national, comporte un enjeu démocratique essentiel : redonner confiance dans des institutions qui fonctionnent, qui s’adaptent au plus près des besoins des populations et qui assurent que leurs droits sont respectés, quel que ce soit le lieu où elles vivent.

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