Autonomisme, indépendantisme, socialisme, internationalisme…

— RS n° 420 lundi 10 novembre 2025 —

Petit frémissement sur la « question du statut » à la faveur du congrès des élu·e·s de Martinique. Risques de durcissement de la situation en Kanaky, voire en Guyane. Perspectives d’évolution du statut de la Corse. Débats (quoique poussifs et timorés) entre conseillers régionaux et départementaux de Guadeloupe… Ce contexte n’échappe pas aux observateurs·trices de la vie politique. 

Dans ce cadre, on assiste à la tentation de raviver la rivalité entre autonomistes et indépendantistes. Pendant longtemps, chacun de ces deux camps voyait dans l’autre, les origines de ses propres problèmes.

Les modalités d’expression de ce conflit ont longtemps fait le jeu du pouvoir colonial. Or, en ce temps-là, le pouvoir disposait avec la droite, d’une représentation politique locale aussi agressive que pauvre en propositions. Aujourd’hui, ce personnel politique assimilationniste a fondu ou en tout cas perdu sa voix, (même si les bases objectives de son influence n’ont pas disparu).

Le retour de la vieille polémique (autonomistes contre indépendantistes), au moment où une offensive anticolonialiste bénéficierait de conditions plus favorables, serait pire qu’une simple perte de temps. Il est nécessaire et possible de l’éviter. Nécessaire, parce que les dangers qui pèsent sur le peuple martiniquais et sur ceux des dernières colonies, sont indiscutables. Possible, parce que des signes positifs existent.

En Martinique, des camarades (Combat Ouvrier) qui croyaient indispensable de se démarquer de l’indépendance, ne le font guère plus. Une organisation comme PÉYI-A se déclare simplement « souverainiste », partisane de l’a-dépendance. Le MIM lui-même, toujours indépendantiste, s’est jadis illustré par une « déclaration de Basse-Terre», bien en-deçà de l’autonomisme historique. Le « mouvement social et politique » RESPÉ, lui, se déclare clairement ouvert aux autonomistes comme aux indépendantistes. De son côté, le Palima vient de contester la thèse présentant l’autonomie comme un « rempart contre l’indépendance ».

En Guyane, le clivage indépendantistes/autonomistes a cessé de bloquer le mouvement. La fluidité entre les députés des dernières colonies pourrait faciliter une action commune avec les mouvements populaires. Il y a moins de place pour l’ultra-sectarisme, et c’est heureux, vu la complexité de la tâche. Il serait en effet naïf de sous-estimer les spécificités de la question nationale dans les « vieilles colonies » de la France, de croire que nos piétinements seraient dus à la seule perversité de tel ou telle, ou à l’ignorance des masses.

Les analyses et débats évoqués ici, ne passionnent, il est vrai, qu’une petite partie de la population. Beaucoup de gens n’y voient qu’une agitation de politiciens. Cela ne doit pourtant pas conduire à tenir le mouvement ouvrier à l’écart du débat. Au contraire, le mouvement ouvrier et populaire doit développer sa propre compréhension pour défendre aussi bien ses besoins immédiats que ses intérêts historiques.

Le mouvement national martiniquais ne gagnera pas sans les masses. Celles-ci s’impliqueront, lorsque leurs aspirations formeront le cœur d’un programme élaboré avec elles, par elles, à partir de leur vécu. Méfions-nous du vèglaj obscurantiste opposant les questions du salaire, de la vie chère, de l’emploi, de l’eau, des transports, de la corruption, à celle des institutions, c’est-à-dire, à terme, du pouvoir tout simplement. Laisser le débat politique aux politicien·ne·s serait une erreur pour la classe ouvrière, un abandon des intérêts du plus grand nombre. C’est au nom de ces intérêts, sous leur éclairage, qu’il faut analyser les débats institutionnels.

Nous serons toujours des autonomistes critiques, des indépendantistes critiques, des communistes critiques. Cela signifie qu’à notre avis, ni l’autonomie, ni l’indépendance, ni même le communisme dans un seul pays, ne nous sauveront de la misère, des frustrations, du manque et des difficultés. Dire le contraire, c’est mentir au peuple. Tous les pas en avant possibles vers la décolonisation, doivent être faits, résolument.

Mais aucun de ces pas ne doit nous détourner de la défense des intérêts de ceux et celles d’en-bas, de l’exigence écologiste de la population, de la cause légitime des femmes, de l’antiracisme le plus ferme, de la démocratie comme méthode de tous les instants et du combat international pour l’émancipation.

La radicalité n’est pas dans la proclamation répétée du but final. Elle est dans l’aptitude à faire que chaque pas en avant soit en conformité avec celui-ci, et nous y conduise en prenant en compte le rapport de force.

L’émancipation humaine passe par l’éradication, à l’échelle de la planète, du colonialisme et du capitalisme et par le dépassement conscient de « tout ce qui est ».

Cela signifie un travail collectif important à deux niveaux. Le premier concerne la définition, avec les masses les plus larges possibles, des revendications, des tâches, des stratégies, des propositions pour faire face aux questions urgentes du moment. Le second concerne le travail sur le modèle de socialisme émancipateur qu’il faudra réinventer, en partant des leçons positives et négatives du passé et du présent.

Osons chasser les peurs et les routines paralysantes, et marchons ensemble, sans transiger. Penser la durée et agir sur le champ !


En France : La taxe Zucman enrage la bourgeoisie

Lancer l’idée que les ultra-riches s’acquittent fiscalement plus qu’ils ne le font déjà, a créé une hystérie de tout ce que la France et les DROM comptent comme réactionnaires et radins sociaux. De quoi s’agit-il ? La taxe Zucman préconise que ces ultra-milliardaires représentant 0,1% de la population française (soit un Français sur 1000), payent 2% d’impôts sur leur rutilant patrimoine. Leurs cris d’orfraie qualifient ceci de prélèvement « confiscatoire ».

Pour eux, les classes possédantes (multinationales comprises) et leurs affidés paient déjà très largement. Il ne faut pas « charger davantage leur barque », ni les décourager à investir, ou les pousser à l’exil fiscal, avec pour conséquence de réduire encore l’emploi en France. Discours doublement fallacieux ! Les études à ce sujet, indiquent que c’est très largement faux, compte tenu de l’attractivité de la France. En outre, leur part contributive à l’impôt reste nettement inférieure par rapport à celle de chaque contribuable issu de la masse de la population.

De plus en proportion, ils paient moins que tout le monde. En effet, la taxe Zucman est un impôt direct, or l’impôt direct sur les revenus ne contribue qu’à environ 7% de l’ensemble des ressources de l’État. L’essentiel de ces dernières venant de notre immense majorité, dès le premier euro dépensé : TVA, CSG, TICPE, taxe foncière…

En réalité, parce que dans cette société capitaliste, les riches et nantis sont biberonnés encore plus, depuis les 40 ou 50 dernières années, à base de remises, d’exonérations d’impôts, de réductions de cotisations sociales, d’aides publiques (211 milliards par an), d’optimisation fiscale et autres niches fiscales ; excusez du peu ! La législation est faite pour les soustraire au maximum au paiement de l’impôt. L’idée de la moindre contribution est inaudible pour eux.

Aujourd’hui, les ultra-fortunés paient en proportion, beaucoup moins d’impôts que la moyenne des contribuables. Les taxer à hauteur de 2% de leur fortune n’a rien d’extravagant. C’est bien d’un problème de recettes que souffre l’État. Nullement un problème de dépenses qu’il suffirait à réduire, comme ils le disent.

Aborder la question des recettes fait toucher de plus près, les questions des inégalités, de la répartition des richesses, et de la juste contribution en fonction de ses moyens. Sortir le plus grand nombre des difficultés croissantes quotidiennes, et résoudre bon nombre des problèmes sociaux (services publics, pouvoir d’achat, logement, transport…), exige de prendre l’argent là où il est, à savoir chez ceux et celles qui s’enrichissent sur notre dos !