Au Soudan, la cause des Femmes progresse.

L’excision déclarée hors-la-loi

En 2020, une loi juste à promulguer…

La pratique, ancestrale mais barbare de l’excision, qui touche dans ce pays d’Afrique près de 9 femmes sur dix, est désormais en passe de disparaître. En effet, le Soudan va adopter une loi contre l’excision. Une forme de reconnaissance, une grande victoire pour les Soudanaises ! Une victoire d’étape, mais une grande victoire tout de même pour les femmes, dont une des revendications les plus emblématiques va donc prendre force de loi : l’excision sera désormais interdite au Soudan. Un amendement au Code pénal, qui rend leurs auteurs passibles de trois ans d’emprisonnement et d’amendes, a été approuvé fin avril. Il se trouve désormais en attente d’une promulgation. La mesure intervient une année après la chute du régime d’Omar el-Béchir, sous la pression de la rue. Tout sauf un hasard, alors que l’ex-autocrate, à la tête du pays durant trente ans après un coup d’État soutenu par les Islamistes, avait écarté un projet de loi contre l’excision en 2015.

Les femmes soudanaises ont elles-mêmes joué un rôle de premier plan dans la révolte qui a débouché, après la chute de l’ancien dictateur en avril 2019, sur la formation d’un gouvernement de transition vers un pouvoir civil l’été suivant. À l’époque, on avait souligné leur immense courage ! Ce sont elles qui chantaient la « thaoura », la révolution, elles qui avaient mérité l’épithète de « Kandara », « reines nubiennes », femmes puissantes et victorieuses.

Avant même sa promulgation, l’amendement a d’ores et déjà été salué par les organisations de défense des droits humains, qui ont inlassablement plaidé cette cause durant des décennies. « C’est un grand pas pour les Soudanaises », déclare la militante Zeinab Badreddin. « Cette pratique n’est pas seulement une violation des droits des jeunes femmes, elle a de graves conséquences pour la santé physique et mentale », ajoute Abdullah Fadil, représentant de l’Unicef à Khartoum.

Une loi suffirait-elle à éradiquer la pratique de l’excision ?

L’excision, qui peut-être mortelle dans certains cas, est encore vue comme un « rite de passage », selon les Nations unies. C’est aussi le cas dans un nombre encore significatif de pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, en particulier en milieu rural. Difficile d’imaginer que les premiers mouvements contre l’excision — pratiquée parfois sur des petites filles de cinq ans — datent de 1920, et n’ont encore que trop rarement abouti !

Cette loi n’est donc qu’un début mais elle très importante parce que l’excision au Soudan, mais aussi en Egypte et en Somalie — comme dans toute la corne de l’Afrique — est attestée depuis l’Antiquité. En clair, il s’agit d’une tradition très profondément ancrée.

Une victoire législative au Soudan aujourd’hui, après l’Egypte en 2008, est donc symboliquement cruciale. Même si l’excision est, par ailleurs, pratiquée dans un minimum de 31 pays dans le monde, dont 27 en Afrique.

Deux-cents millions de victimes et de l’espoir !

L’ONU estime à 200 millions le nombre de femmes excisées dans le monde. Mais c’est une estimation basse : certaines ONG évoquent plutôt 90 pays où elle se pratique encore. On a repéré des cas en Colombie, dans des communautés amérindiennes, ou encore en Israël.

Le problème consiste donc non seulement à interdire l’excision par le biais de lois, mais aussi à convaincre les sociétés : le Mali, par exemple, n’a toujours pas légiféré sur le sujet. Et lorsqu’on pose la question aux Maliennes, elles sont encore 85% à penser que l’excision doit être pratiquée. Mais, au Mali comme ailleurs, on se mobilise : début avril, 92 villages du Sud-Mali se sont eux-mêmes déclarés « zone de non-excision ».

Pour rappel, une loi interdisant l’excision fut votée en 2015 au Nigéria, mais selon Tanya Barron, responsable de l’organisation Plan-UK qui lutte contre les mutilations génitales, voter des lois ne suffit pas : « Il est encourageant de voir le Nigéria voter cette loi. Mais l’expérience nous montre que c’est seulement en changeant les attitudes, et non juste les lois, que nous en finirons avec les mutilations génitales ». Les attitudes : les croyances et les mentalités…

https://www.marieclaire.fr/,l-excision-enfin-interdite-au-nigeria,738024.asp

Scolariser les filles, une solution universelle

Voici le message qu’il faut faire passer : l’excision est en constant recul depuis une trentaine d’années. Grâce à deux puissants facteurs : 

— d’une part, l’éducation des femmes qui est en amélioration continue en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui le taux de scolarisation est de 90%, pour les garçons comme pour les filles. Or il y a une corrélation directe entre scolarisation, contrôle des naissances et lutte contre les mutilations génitales chez les femmes.

— d’autre part, grâce à une mobilisation locale, et c’est le plus important. Contre l’excision il faut passer absolument par des campagnes locales pour convaincre. Des campagnes parfois étonnantes : au Mali, d’anciennes « exciseuses » ont été recrutées par ces programmes, pour précisément parler d’expérience. C’est la condition d’un succès durable !

De nombreux échos se donnent ce jour dans la presse, et on peut lire, sur le site du journal « Le Point », un dossier très complet et instructif sur ce qu’est l’excision:

https://www.lepoint.fr/afrique/soudan-l-excision-desormais-hors-la-loi-07-05-2020-2374605_3826.php

La France aussi…

Binta Diallo, militante contre les violences faites aux femmes, écrit le 15/03/2016, dans le journal « l’Express » : « Il faut savoir que notre pays n’est pas épargné par ce fléau. En France, plus de 50 000 femmes sont excisées ou exposées à un risque d’excision. Même si est est interdite en France, elle concerne de nombreuses ressortissantes françaises, mutilées lors de séjours dans leur pays d’origine. Le docteur Pierre Foldès, chirurgien de renom, en est témoin tous les jours : les victimes font de plus en plus appel à lui pour être réparées… ». Le docteur Foldès est un pionnier : en 1984, il a inventé une technique de réparation chirurgicale des femmes excisées.

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/en-france-l-excision-concerne-plus-de-50-000-femmes_1773079.html

… et en 2019, une loi inique abrogée !

Une première victoire extrêmement symbolique en novembre 2019 : au Soudan, les femmes peuvent enfin danser et porter des pantalons !

Alors qu’éclatait le mouvement de protestation contre le régime d’Omar Al-Bachir, les Soudanaises prenaient la tête des manifestations… Ces femmes ont obtenu une deuxième victoire : en effet, le nouveau gouvernement soudanais (« un conseil militaire de transition » pour deux ans) a abrogé une loi sur “l’ordre moral et public”, qui, selon une interprétation rigoriste de la loi islamique, rendait des actes jugés indécents pour les femmes passibles de châtiments. Elle “octroyait aux tout-puissants services de police le pouvoir d’arrêter les gens pour une longue liste d’infractions”. Tard dans la soirée du jeudi 28 novembre 2019, la loi sur l’ordre public, qui était dirigée spécifiquement contre les femmes, a donc été abolie. Une loi qui avait été adoptée lors de l’arrivée au pouvoir du régime militaro-islamisme d’Omar Al-Bachir.

« Ils pouvaient arrêter les femmes qui dansaient, celles qui portaient des pantalons, celles qui faisaient du commerce dans la rue, ou qui fréquentaient des hommes qui n’appartenaient pas à leur famille. Les peines allaient des coups de fouets aux amendes et pouvaient même, dans de rares cas, être la lapidation ou l’exécution ».

Dans un tweet, le Premier Ministre, Abdallah Hamdok, a assuré qu’il ne s’agissait pas là d’une « revanche, mais bien de rendre leur dignité aux Soudanais après des années de tyrannie ». Il a également ajouté que cela marquait « l’avènement d’une nouvelle ère au Soudan »

(Article composé à partir des publications de France-Inter, Ouest-France, Le Point, l’Express, Le Courrier International)

Fort-de-France, le 7 mai 2020